Il s’agit d’un enjeu de société, puisque ce type de faits religieux concerne plus fréquemment les jeunes salariés (de moins de 40 ans d’après le baromètre 2020-2021), et pourrait donc s’inscrire durablement sur le marché du travail. D’ailleurs, le sujet des discriminations est un élément important de l’étude, et au cœur des situations.
Comment ces données résonnent-elles avec vos travaux ?
La restitution annuelle de l’Observatoire du fait religieux en entreprise fait évidemment souvent écho à des constats que d’autres collègues ou moi-même faisons dans le cadre de nos recherches respectives. Ce nouvel opus ne fait donc pas exception, mais l’intégration plus marquée d’éléments relatifs aux discriminations est un élément qui a retenu mon attention, et qui résonne particulièrement avec mes travaux.
L’expression religieuse au travail met en effet en jeu le ressenti des acteurs, et les situations sont la somme de comportements croisés, d’actions et de réactions, directes ou indirectes, parfois différées. La "dynamique systémique" décrite dans le baromètre est absolument éclairante pour lire les situations. Ainsi, pour comprendre une situation, s’intéresser au ressenti des acteurs, leur passif en matière d’exclusion ou encore de discrimination est essentiel, en particulier pour les managers de proximité. Cette nouvelle édition du baromètre fait donc œuvre utile en présentant à la fois une caractérisation du phénomène, et en intégrant cette question des discriminations comme un véritable élément de l’équation qui explique la posture du salarié par rapport à "l’articulation entre sa religiosité et son activité professionnelle".
Or, même si cette question touche aux droits des salariés, le rôle joué par les acteurs du dialogue social demeure anecdotique. Seulement 15 % des répondants ont connaissance d’une position officielle de syndicats sur la place des religions dans l’espace professionnel. Dans les organisations où la densité de faits religieux est forte, ce chiffre tombe à 13 % d’après le baromètre de l’Institut Montaigne. Même si la différence est faible entre les organisations avec et sans forte densité, ce chiffre démontre une certaine désertion syndicale sur ce sujet. Le mot "syndicat" et ses dérivés apparaissent seulement deux fois dans le rapport, et il n’est jamais cité dans les extraits de discours utilisés pour illustrer et donner du corps aux constats.
Dans le champ de leurs prérogatives, en matière de dialogue social et de défense des droits, les syndicats sont pourtant a priori des acteurs à la fois légitimes et disposant d’outils et de temps pour travailler sur ces sujets. Dans le champ de la défense des droits par exemple, et de la lutte contre les discriminations, mais aussi dans ceux de la place de l’individu au travail et de son rapport à ce travail. La recommandation n° 2 appuie sur la nécessité de poursuivre les actions de formation et de sensibilisation, mais aussi la mise à disposition de documents en accès ouvert - dans la lignée du guide proposé par la CFDT, pour permettre l’information et l’auto-formation. Par leur maillage territorial qui, bien que faiblissant, reste réel, les syndicats pourraient plus largement s’impliquer dans ce type d’activités.
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