Retards dans la vaccination, bureaucratie, absence de solidarité entre ses membres : le Covid-19 sera-t-il le coup de grâce pour l'Union européenne ? La question hélas mérite d'être posée, écrit Dominique Moïsi. Le divorce entre l'UE et ses citoyens va continuer à s'approfondir si l'Europe apparaît incapable d'apporter des réponses rapides aux défis posés par la pandémie.
Le Covid sera certainement vaincu. Mais il risque avant d'être défait d'avoir fait une victime collatérale : le projet européen. Le virus s'attaque doublement à l'Union : en exposant l'absence de solidarité entre ses membres d'un coté, et en soulignant la lourdeur, sinon l'inadéquation de ses procédures, de l'autre. On peut rétrospectivement penser qu'il aurait coûté moins cher de payer un peu plus pour disposer de vaccins en temps et heure, que de prendre le risque sanitaire, économique et politique de se retrouver, même temporairement, "désarmé" devant le virus.
De fait, devant les "lenteurs de l'Union", le Danemark et l'Autriche se tournent vers Israël pour produire conjointement des vaccins. La Tchéquie, la Slovaquie, la Hongrie commandent en grande quantité des vaccins russes et chinois, alors même qu'ils ne sont pas encore autorisés par l'Union. Et nombreux sont les pays européens (y compris l'Allemagne) qui se disent prêts, incontestable victoire d'image pour Moscou, à avoir recours au vaccin russe, Spoutnik V.
Impôt du sang
On disait l'Union européenne menacée par le virus du populisme ou celui des terrorismes, islamistes ou d'extrême droite. Elle l'est, en effet, mais ce sont ses "dérapages" face au virus sanitaire, qui constituent, sans doute, la première des menaces pour l'Union. Pour expliquer les difficultés rencontrées par l'Union à aller plus loin en matière de défense et de sécurité, on disait hier que "l'impôt du sang" ne se déléguait pas. Chaque nation ne pouvait qu'être seule responsable de la décision d'envoyer ou non ses soldats combattre (et potentiellement mourir) sur des fronts extérieurs. Alors que le monde est en guerre contre le Covid-19, cette réflexion est, toutes proportions gardées, en train de dangereusement passer de la sécurité au sens classique du terme, à la sécurité sanitaire.
"Il voyage plus vite celui qui voyage seul", écrivait Kipling. Encouragés par le succès de leur politique de vaccinations - qui succède à des débuts catastrophiques face à la pandémie - les Britanniques, dans l'ère post-Brexit, ont beau jeu de souligner le contraste qui existe entre leurs performances et celles des pays de l'Union.
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