La lutte contre l'épidémie de coronavirus, qui frappe les pays sans considération idéologique et sans lien avec leur développement économique, aurait pu être l'occasion de réunir les ennemis d'hier - Chine et États-Unis principalement - dans un combat commun contre la maladie. Il n'en est rien, explique Dominique Moïsi, la guerre contre le coronavirus a même aggravé les tensions entre la Chine et le monde occidental. Et ce n'est sûrement qu'un début.
Londres, le 3 avril 1848. Sous la pluie qui s'est mise à tomber, la reine Victoria peine à retenir ses larmes. Depuis plus de vingt minutes, le front vissé au sol en signe de respect et d'allégeance, elle attend l'arrivée des hauts dignitaires venus de Chine.
C'est avec ce récit imaginaire que s'ouvre le livre de l'historien anglais, Ian Morris, publié en 2010 : Why the West Rules - For Now (Pourquoi l'Occident règne - Jusqu'à présent).
Cette réécriture de l'Histoire a le mérite de nous éclairer sur les intentions de la Chine. De manière fondamentale, les Chinois entendent tourner la page d'un monde depuis trop longtemps dominé par l'Occident, européen d'abord, américain ensuite.
Il est intéressant de reprendre la lecture du livre de Ian Morris à la lumière des événements récents. La crise du coronavirus ne s'est passée, ni pour les Américains, ni pour les Chinois, ou tout simplement pour les tenants d'une société internationale solidaire, comme elle aurait dû.
Nouvelle guerre froide
L'épidémie aurait pu être l'occasion d'un rapprochement entre les deux grandes puissances du moment. Washington aurait pu saisir l'occasion de la pandémie, née en Chine, pour étendre un bras généreux et compatissant vers Beijing. L'aide sanitaire et les masques auraient voyagé d'ouest en est, tout comme le plan Marshall l'avait fait sur le plan économique, il y a bientôt soixante-quinze ans.
Les choses, c'est le moins que l'on puisse dire, ne se passent pas ainsi. La crise du coronavirus a, de fait, entraîné une détérioration accélérée des relations sino-américaines, fragilisant davantage encore l'équilibre du monde et de son économie. Ainsi, dans le premier quart de l'année 2020, les investissements directs de la Chine aux États-Unis n'ont été que de 200 millions de dollars. Ils étaient de 2 milliards de dollars pour la même période en 2019. La nouvelle guerre froide qui existait déjà entre les deux pays depuis quelques années a pris un tour nouveau et préoccupant. Comment recréer de la confiance quand elle a si totalement disparu, et ce, des deux côtés ?
Déclin accéléré de l'Amérique
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