China Electronics Technology Group Corporations (CETC) a publié une plateforme de ”détecteur de contact étroit”, basée sur les données fournies par, entre autres, la Commission nationale de santé, le ministère des Transports, China Railway et l'Administration de l'aviation civile, afin d'identifier les personnes ayant été en contact direct avec les individus infectés. Cette plateforme a été intégrée à des applications populaires préexistantes comme Alipay, Wechat, et QQ. Afin de faciliter les demandes, les utilisateurs peuvent avoir accès à la plateforme en scannant un code QR, et s'inscrire avec un numéro de téléphone, fournissant leur nom et leur numéro d'identification national. Chaque compte associé à un numéro de téléphone peut demander des renseignements sur un maximum de trois personnes. La plateforme est également utilisée par les autorités, les entreprises, les écoles, les espaces publics et les quartiers résidentiels. Le contrôle social de voisinage (très souligné dans les reportages internationaux) a également joué un rôle significatif dans le respect des règles de quarantaine et des autres directives.
Ces mesures font partie d'une démarche plus générale visant à dissuader les mouvements de population, à diminuer le nombre de rassemblements et à minimiser au maximum les interactions sociales. Dans les hôpitaux, des machines automatiques sont installées pour les médicaments et la désinfection. Pour éviter d'avoir des hôpitaux surpeuplés de patients avec des résultats positifs, des plateformes de services médicaux en lignes sont mises à disposition. Les hôpitaux publics et les compagnies privées commencent à fournir des consultations en ligne gratuites, diminuant le risque d'infections nosocomiales, qui avait considérablement aggravé la situation à Wuhan et dans les autres villes du Hubei.
En résumé, le gouvernement est capable d'avoir une vue d'ensemble de la situation grâce aux données et à l'analyse fournies à la fois par les autorités locales et par les entreprises. En même temps, les individus peuvent aussi avoir accès à leur propre statut médical en utilisant différentes plateformes. La combinaison horizontale de données permet aux autorités d'identifier plus facilement les individus à risque (par exemple, un individu qui a voyagé dans une zone à haut risque ou qui a été en contact étroit avec une personne infectée) et de réaliser des dépistages de ce groupe ciblé. L'utilisation de données à des fins de surveillance suit le plan de prévention et contrôle publié par la Commission nationale de santé, qui met en avant l'importance de "découvrir, signaler, isoler et traiter à l'avance (早发现、早报告、早诊断、早隔离、早治疗)".
Comme certaines villes sont désormais en train de reprendre progressivement le travail et les autres activités, de nouveaux instruments de contrôle et de surveillance sont instaurés. Tencent comme Alibaba ont développé leur propre système de "code sanitaire (健康码)", qui fournit aux utilisateurs un code QR et un code couleur (rouge, jaune ou vert) pour prouver qu'ils sont éligibles à la “libre circulation”. La “carte d'itinéraire” (行程卡) en est un autre exemple ; elle peut être utilisée comme preuve d'un historique de déplacement “propre”. Les utilisateurs peuvent obtenir leur historique de déplacement des 14 derniers jours (au sein du territoire chinois comme à l'étranger), sur la base des données récupérées par les entreprises de télécommunications. Les utilisateurs se voient attribuer le code “rouge” s’ils se sont rendus dans la province du Hubei, “jaune” s'ils sont allés dans un des 58 pays étrangers listés (une liste mise à jour en permanence), et “verts” s’ils se sont rendus dans les pays restants. La carte d'Itinéraire est valide dans tout le pays.
Cet usage massif des données (collecte, stockage et localisation) dans la réponse à la crise est à l’origine d’inquiétudes quant au respect de la vie privée. Dans la plupart des cas, les plateformes développées reçoivent le soutien du gouvernement, et le caractère légal de l'utilisation des données est appuyé par les déclarations gouvernementales. Dans d'autres cas, l'entreprise concernée affirme que les données sont, soit anonymisées dans le but de donner à voir une tendance générale, soit sans relation avec une identité individuelle. En matière de contrôle et de prévention face au virus, la collaboration entre secteur privé et secteur public est très forte.
Se fermer au monde tout en l’approvisionnant
Alors que la Chine parvient de son côté à aplanir la courbe du coronavirus, une troisième phase commence. Le 17 mars, 41 équipes de secours médicales envoyées dans la province du Hubei s’en retirent, ce qui donne un signal ainsi de retour à la normale. S’ensuit le retrait des restrictions de déplacement dans le Hubei à partir du 25 mars, avec Wuhan comme seule exception ; le confinement de la ville a pris fin le 8 avril, même si des mesures de contrôle et des mesures préventives locales sont maintenues. Le 19 mars, la Chine ne recense aucun nouveau cas local d'infection - une première depuis le début de l'épidémie. La déclaration de "0 nouveau cas d'infection locale" s’est poursuivie pendant deux jours, jusqu’à l’apparition, le 22 mars, d'un nouveau cas. Le 28 mars, la Chine rapporte 45 nouveaux cas confirmés, dont, parmi eux, 44 cas importés.
Mais la bataille contre le coronavirus continue. À Wuhan, le personnel médical (plus de 4 000 personnes) expédié par l'Armée populaire de Libération depuis le 24 janvier reçoit l'ordre de rester sur le terrain "jusqu'à la victoire complète de la bataille". Le 23 mars, Li Keqiang exhorte les représentants à ne pas dissimuler les nouveaux cas. Il invite chacun à ne pas baisser la garde, car le combat contre le coronavirus est une bataille à long terme. Lors d'une réunion trois jours plus tard, il souligne la nécessité de prêter attention aux porteurs asymptomatiques. Selon une équipe de chercheurs chinois relayés par Science, 86 % des cas dans le Hubei avant le 23 janvier n'ont pas été détectés, et seul le confinement total a réellement réduit le taux de contagion. Au total, au 9 avril, la Chine a déclaré près de 81 907 cas et 3 336 morts, parmi lesquels 3 210 à Wuhan et d'autres villes du Hubei. Ces deux chiffres sont sujets à débat et il y a des doutes sérieux sur la fiabilité des statistiques chinoises en termes de nombre de cas et de décès.
Le 7 février, la Chine avait décidé d'arrêter d'inclure les porteurs sains dans la liste des cas confirmés. Des données classées confidentiel, dévoilées par le South China Morning Post, estiment qu'un tiers des cas de coronavirus pourraient être asymptomatiques. Ces "porteurs sains", aussi qualifiés de “porteurs silencieux”, sont susceptibles de transmettre le virus à d'autres individus et, avec la reprise du cours normal des choses en Chine, les mesures de prévention et de contrôle doivent alors être maintenues afin d'éviter une résurgence des cas. Pour répondre aux craintes croissantes de l’opinion publique face à la contagion causée par les cas asymptomatiques, la Chine décide, le 1er avril, de signaler tout cas asymptomatique identifié.
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