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07/04/2020

Coronavirus : l’Asie orientale face à la pandémie - Hong Kong : Contrôle des frontières, traçage épidémiologique et responsabilité sociale

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Coronavirus : l’Asie orientale face à la pandémie - Hong Kong : Contrôle des frontières, traçage épidémiologique et responsabilité sociale
 Viviana Zhu
Auteur
Analyste Chine - Anciennement Research Fellow - programme Asie, Institut Montaigne

Cet article a été mis à jour le 9 avril.

Une réponse précoce, un suivi minutieux de chaque cas suspect ou confirmé, une mise en quarantaine des voyageurs entrants et, plus encore, l’autodiscipline et la solidarité : voici la recette du succès de la gestion de la crise du Covid-19 par Hong Kong jusqu’au début avril 2020. Mais de nouveaux défis émergent aujourd’hui…

Chronologie

  • 31 décembre 2019 : Communiqué de presse sur des cas de pneumonie de cause inconnue recensés à Wuhan
  • 2 janvier 2020 : Organisation par le gouvernement d’une réunion interdépartementale sur ce foyer de contamination à Wuhan et appel à une vigilance accrue et à une préparation à une possible crise, émis à destination de tous les départements
  • 3 janvier : Installation de systèmes d'imagerie thermique supplémentaires à l'aéroport pour vérifier la température corporelle des voyageurs arrivant de Wuhan. À chaque point de contrôle frontalier, réorientation immédiate des patients fiévreux présentant des symptômes respiratoires aigus et ayant visité des marchés de fruits de mer ou de produits frais à Wuhan dans les 14 jours précédant le début de la maladie vers un hôpital public pour isolement, traitement et suivi
  • 4 janvier : Lancement du Plan de préparation et de réponse pour une nouvelle maladie infectieuse d'importance pour la santé publique (Preparedness and Response Plan for Novel Infectious Disease of Public Health Significance) et activation du Niveau de réponse de stade "grave"
  • 6 janvier : Convocation, par le gouvernement, du Comité de pilotage pour la prévention des nouvelles maladies infectieuses
  • 8 janvier : Classification de cette "maladie respiratoire grave associée à un nouvel agent pathogène" comme maladie infectieuse à déclaration obligatoire : les médecins sont contraints de déclarer au Centre de protection de la santé (CHP) les patients souffrant de fièvre, d'une maladie respiratoire aiguë ou d'une pneumonie et qui se sont rendus à Wuhan dans les 14 jours précédant l'apparition des symptômes
  • 9 janvier : Réunion conjointe d’information convoquée par le Comité scientifique sur les maladies émergentes et zoonotiques (Scientific Committee on Emerging and Zoonotic Diseases) et le Comité scientifique de lutte contre les infections sous l’égide du Centre de protection de la santé, portant sur les dernières évolutions des cas de Wuhan et divers aspects de la prévention et du contrôle, notamment la surveillance, la préparation aux situations d'urgence, les mesures sanitaires portuaires, la communication des risques et la promotion de mesures sanitaires
  • 13 janvier : Départ d’une délégation du gouvernement hongkongais pour Wuhan le 13 janvier pour une visite de travail de deux jours sous l'égide de la Commission nationale de la santé de la RPC
  • 21 janvier : Déclaration de santé rendue obligatoire pour tous les passagers arrivant de Wuhan par avion, étendue le 24 janvier aux voyageurs arrivant à la gare de Hong Kong West Kowloon ; le 29 janvier, à tous les voyageurs arrivant de Chine continentale par avion ; le 8 mars, à tous les voyageurs
  • 22 janvier : Premier cas hautement suspect de Covid-19, un patient détecté avec de la fièvre à la gare de Hong Kong-West Kowloon et envoyé à l'hôpital pour isolement et traitement. Contact tracing immédiat du patient (recherche des dernières interactions), mise en quarantaine de ses contacts proches et surveillance médicale pour les contacts moins proches
  • 23 janvier : Conversion du village de vacances Lady MacLehose en centre de quarantaine pour accueillir les contacts proches des cas confirmés
  • 25 janvier : Élévation du Niveau de réponse au stade "urgence" après l’identification d’une nouvelle contamination ; suspension des vols et des services de train à grande vitesse entre Hong Kong et Wuhan ; voyages déconseillés vers la province du Hubei
  • 27 janvier : Interdiction d’entrée à Hong Kong pour les habitants de la province du Hubei et les personnes qui s’y sont rendues au cours des 14 derniers jours, à l'exception des résidents hongkongais
  • 28 janvier : Obligation, pour les résidents de Hong Kong qui ont visité la province du Hubei au cours des 14 derniers jours, de s'adresser au personnel de la division sanitaire portuaire du Département de la Santé pour un examen approprié à leur arrivée. En cas de révélation d’un cas asymptomatique, obligation de porter un masque chirurgical immédiatement et de s'isoler pendant 14 jours dans la mesure du possible, et placement sous surveillance médicale. Il est conseillé aux résidents de Hong Kong qui reviennent d'autres régions de Chine de rester chez eux, si possible, pendant 14 jours. Ceux qui doivent sortir de chez eux doivent porter un masque chirurgical.
  • 30 janvier : Suspension de l’Individual Visit Scheme (qui permet à des voyageurs venant de Chine continentale de se rendre à Hong Kong de manière individuelle) et réduction de moitié du nombre de vols reliant Hong Kong à la Chine continentale
  • 4 février : Premier cas confirmé de contamination locale
  • 8 février : Quarantaine de 14 jours obligatoire pour tous les individus entrant à Hong Kong en provenance de Chine continentale et qui y auraient séjourné au cours des 14 jours précédant leur arrivée
  • 17 février : Adaptation et/ou report, pour une période de quatre semaines, des services médicaux non urgents et non essentiels par l'Autorité hospitalière afin de concentrer le personnel et les ressources sur les cas de Covid-19
  • 20 février : Retour et envoi dans des centres de quarantaine de 106 résidents de Hong Kong débarqués du bateau de croisière Diamond Princess, grâce à un premier vol affrété par la région administrative spéciale de Hong Kong
  • 28/29 février : Annonce faite par plusieurs autorités de Hong Kong (Autorité hospitalière, Département des Loisirs et de la culture, Commission indépendante contre la corruption, etc.) d’une reprise de leurs services normaux, adossée à des mesures préventives ; réduction d’activités parmi d’autres services publics
  • 2 mars : Reprise progressive des services publics décidée par le gouvernement, après avoir mis en place des mesures ciblées (réduction des interactions sociales et mesures de contrôle des infections)
  • 19 mars : Quarantaine obligatoire pour les voyageurs arrivant à Hong Kong en provenance de l'étranger
  • 25 mars : Interdiction d’entrée pour tous les voyageurs non résidents, pour une période provisoire fixée à 14 jours. Le 6 avril, l’interdiction d’entrée est prolongée jusqu’à nouvel ordre. 
  • 28 mars : Interdiction émise à l’égard des entreprises de restauration de vendre ou de fournir des aliments ou des boissons à consommer sur place,  pour une durée maximale de 14 jours
  • 29 mars : Rassemblements de groupes de plus de quatre personnes interdits dans les lieux publics, pour 14 jours (sauf transports, administrations, établissements de santé, etc.)
  • 3 avril : Fermeture des bars et locaux commerciaux vendant de l'alcool, pour 14 jours
  • 8 avril : Décision gouvernementale d’un prolongement des mesures de distanciation sociale jusqu’au 23 avril

Analyse

En janvier et en février, Hong Kong, région administrative spéciale chinoise, est parvenue à maintenir le nombre de contaminations au coronavirus à un niveau faible, ce malgré une frontière terrestre avec la Chine continentale et l’intensité de ses interactions humaines avec celle-ci. Le gouvernement hongkongais prend les premières informations sur cette nouvelle pathologie dès la fin décembre très au sérieux et en informe consciencieusement la population de Hong Kong. Chaque cas suspect ou confirmé fait l'objet d'un suivi minutieux. La gestion de crise par le gouvernement de Hong Kong se caractérise par une réduction progressive des flux transfrontaliers et la mise en quarantaine des voyageurs entrants. Il semble que le faible nombre de contaminations locales durant cette phase soit en grande partie dû à l'autodiscipline et à la solidarité communautaire, et à l’attention accordée aux masques.

Le faible nombre de contaminations locales durant cette phase soit en grande partie dû à l'autodiscipline et à la solidarité communautaire, et à l’attention accordée aux masques.

Depuis la mi-mars néanmoins, le nombre de cas confirmés commence à augmenter, même s'il reste à des niveaux très bas si on le compare à la situation des États-Unis, de l'Europe occidentale ou de la Chine au plus fort de la crise. Le 20 mars, un nombre record de 48 cas nouveaux est signalé, portant le total à 256. Des mesures plus strictes sont depuis lors mises en œuvre mais le nombre de résidents de Hong Kong revenant de l'étranger et le risque soulevé par les cas asymptomatiques questionnent l'endiguement de l’épidémie. Au 5 avril, Hong Kong comptait 890 cas confirmés. Au 10 avril, Hong Kong comptait 990 cas confirmés.

Une gestion de crise précoce

En 2003, Hong Kong a été durement frappée par le SRAS. L'épidémie avait fait 298 morts, Hong Kong étant ainsi le deuxième foyer le plus touché après la Chine continentale. Les leçons de la crise sont compilées dans un rapport publié par le SARS Expert Committee de Hong Kong, SARS in Hong Kong : From Experience to Action. Le rapport formule des recommandations à court et à long terme pour préparer le système de santé publique aux crises à venir, et est à l’origine de la création, en juin 2004, du Centre de protection de la santé, placé sous l'égide du département de la Santé et principale entité responsable de la prévention et du contrôle des maladies. Sa mission reflète l’esprit du rapport, structuré en trois axes : surveillance en temps réel, intervention rapide et communication réactive sur les risques ("3R" en anglais : real-time surveillance, rapid intervention, and responsive risk communication).

Cet agencement institutionnel agit comme un facilitateur pour une action immédiate après la reconnaissance, par la Commission municipale de santé de Wuhan, de cas de pneumonie grave de cause inconnue liés au marché aux fruits de mer, le 31 décembre. Le Centre de protection de la santé publie un communiqué de presse qui donne une vue d’ensemble de la situation et indique être en contact avec la Commission nationale de la santé chinoise, dans le but d’obtenir davantage d’informations. L’Autorité hospitalière reçoit un message d’alerte sur cette nouvelle pathologie ; le document énumère des consignes d'hygiène individuelle et environnementale visant à prévenir la pneumonie et les infections respiratoires et des recommandations de santé pour les voyages en dehors de Hong Kong. Le nettoyage et la désinfection des transports et des espaces publics sont encouragés. Il est conseillé aux personnes présentant des symptômes respiratoires de porter des masques chirurgicaux et de demander une assistance médicale.

Depuis lors, le Centre de protection de la santé a mis à disposition des mises à jour régulières sur la maladie, et chaque département a transféré des informations à son secteur respectif. Un site web dédié est mis en place pour diffuser des informations sur le coronavirus et des conseils de santé, y compris la recension quotidienne des cas. Des informations sanitaires sont également communiquées à chaque point de contrôle frontalier par le biais de la radio, de brochures et d'affiches. Le 2 janvier, le gouvernement se réunit une première fois pour évoquer les cas de pneumonie détectés à Wuhan. Tous les départements sont invités à renforcer leur vigilance et leur préparation.

La réponse du gouvernement est rapide, mais aussi progressive et légère. Des dispositifs d'imagerie thermique étaient déjà présents aux postes de contrôle frontaliers, mais des équipements supplémentaires sont installés le 3 janvier pour contrôler la température des passagers arrivant de Wuhan. Pour les autres passagers, la fréquence des contrôles de température aléatoires est ensuite augmentée. La gare de Hong Kong-West Kowloon, qui relie Hong Kong à Shenzhen, recrute pour conduire les contrôles de température. Tous les passagers présentant de la fièvre et des symptômes respiratoires sévères sont interrogés sur leurs antécédents de voyage ; s’ils indiquent s’être rendus dans un marché de fruits de mer à Wuhan au cours des 14 derniers jours, ils sont transférés à l'hôpital pour être isolés et soignés. Les médecins qui rencontrent des patients remplissant ces conditions sont priés de signaler au Centre de protection de la santé les cas suspects pour enquête approfondie.

Le 4 janvier, le gouvernement lance le Plan de préparation et de réponse pour une nouvelle maladie infectieuse d'importance pour la santé publique (Preparedness and Response Plan for Novel Infectious Disease of Public Health Significance), qui fournit des recommandations en cas d'apparition de ce type de pathologie. Il présente un niveau de réponse à trois niveaux (alerte, grave et urgence) avec une structure de commandement correspondant à ce niveau. Le même jour, le niveau "grave" est activé, ce qui correspond à une propagation de la maladie encore limitée et à un risque encore modéré pour la santé publique.

Alors que le nombre de cas confirmés augmente en Chine continentale et que des cas importés commencent à être signalés dans d'autres pays, le gouvernement renforce ses dispositifs de surveillance et révise ses critères de notification.

Alors que le nombre de cas confirmés augmente en Chine continentale et que des cas importés commencent à être signalés dans d'autres pays, le gouvernement renforce ses dispositifs de surveillance et révise ses critères de notification. Le 16 janvier, les médecins sont invités à signaler au Centre de protection de la santé les personnes présentant de la fièvre et des symptômes respiratoires graves qui remplissent l'un des critères suivants (sur la base des 14 jours précédant la manifestation des symptômes) : s’être rendu à Wuhan (et non plus seulement au marché aux fruits de mer), s’être rendu dans un hôpital en Chine continentale ou avoir été en contact étroit avec un patient symptomatique confirmé. À partir du 21 janvier, tous les passagers arrivant de Wuhan en avion doivent remplir une déclaration de santé. Cependant, la frontière avec la Chine continentale reste ouverte, et le gouvernement exprime sa confiance à l’égard d’un système de santé publique et d’une infrastructure hospitalière suffisamment développés et, en d'autres termes, dans sa capacité à contenir l'émergence de foyers de contamination qui seraient imputables à des cas importés.

Après la confirmation de deux cas le 23 janvier, d'autres mesures et recommandations sont émises. L’obligation d’une déclaration de santé à l’arrivée est étendue aux voyageurs arrivant à la gare de Hong Kong-West Kowloon. Il est demandé aux écoles de réexaminer leurs activités d'échange avec la Chine continentale et il est déconseillé de se rendre à Wuhan. Mais le niveau de réponse "urgence" n'est activé que le 25 janvier, soit le lendemain de l'annonce d’une enquête conduite sur trois autres cas importés ; ce niveau d’urgence reconnaît le caractère élevé et imminent du risque Covid-19. Un Comité de pilotage et un Centre de commandement sont mis en place pour définir la stratégie et les mesures à prendre contre le coronavirus. Présidé par Carrie Lam, le Centre de Commandement est composé de quatre groupes de travail et d'un groupe consultatif d'experts. Chaque groupe de travail se voit attribuer des tâches spécifiques et est dirigé par un fonctionnaire de niveau secrétaire gouvernemental.

Contact tracing et divulgation d'informations

Le 22 janvier, un cas de coronavirus importé (de Wuhan), hautement suspect, est signalé, suivi d'un deuxième cas le lendemain. Les individus sont placés en isolement pour recevoir des soins médicaux, et les deux personnes sont testées positives le lendemain. Le contact tracing (recherche des interactions récentes des individus) commence immédiatement. Les antécédents de voyage des patients - y compris la date du voyage, le numéro de train/vol et le numéro de siège - ainsi que les résultats de l'enquête épidémiologique sont publiés en ligne. Toutes les personnes contacts (passagers assis à proximité, chauffeurs de taxi, etc.) sont soumises à une quarantaine dans le village de vacances de Lady MacLehose, reconverti en centre de quarantaine dédié. Considérés comme des "contacts", les passagers se trouvant dans le même wagon ou la même cabine qu’un cas confirmé sont soumis à une surveillance médicale. Une ligne d'assistance téléphonique est mise en place pour répondre aux demandes des citoyens sur ces cas et le Centre de protection de la santé invite les passagers du même train ou vol à appeler ce numéro.

Les individus sont invités à partager toute information jugée pertinente pour la gestion de l'urgence sanitaire. Tout refus de coopération entraîne une amende maximale de 10 000 HK$ (1 283 dollars US) et une peine de six mois de prison. Le grand public reçoit des informations détaillées sur les cas confirmés et suspects. Le Centre de protection de la santé publie quotidiennement une liste des vols, trains, bateaux, véhicules pris par des patients confirmés ou suspects. Une liste des bâtiments où des cas confirmés ou suspects ont été identifiés et une liste des immeubles où résident des personnes en quarantaine sont mises à la disposition du public en ligne. Pour une meilleure visualisation des informations publiées par les différents départements, le gouvernement lance le 3 février un "tableau de bord interactif", qui recense tous les cas confirmés sur une carte et fournit des mises à jour statistiques sur le nombre de cas (suspects, confirmés, sortis de l'hôpital et décédés). Il fournit également des informations sur l’historique des déplacements et les lieux dans lesquels l’individu contaminé s’est rendu.

Interdiction de voyager et réduction des voyages transfrontaliers avec la Chine continentale

Pour réduire le risque de cas importés, trois changements majeurs interviennent. Le 25 janvier, les vols et les trains à grande vitesse à destination et en provenance de Wuhan sont suspendus pour une durée indéterminée. Les échanges, les visites, les activités culturelles et sportives organisés par le gouvernement hongkongais sont également suspendus. Le 27 janvier, les résidents de la province du Hubei et les individus qui s’y sont rendus (à l'exception des résidents de Hong Kong) au cours des 14 derniers jours sont interdits d'entrée. Les résidents du Hubei qui se trouvent déjà à Hong Kong sont identifiés et sont soit invités à quitter la province, soit transférés dans des centres de quarantaine. Le 30 janvier, l’Individual Visit Scheme, permis de voyage accordé aux habitants de Chine continentale pour visiter Hong Kong, est suspendu. Les vols en provenance de Chine continentale sont réduits de moitié.

Le gouvernement lance le 3 février un "tableau de bord interactif", qui recense tous les cas confirmés sur une carte et fournit des mises à jour statistiques sur le nombre de cas (suspects, confirmés, sortis de l'hôpital et décédés).

Dans une déclaration, le gouvernement vante l'impact de ces mesures sur la réduction des flux de personnes en provenance de Chine continentale. Le 2 février, le nombre de visiteurs entrants a déjà diminué de 57 % par rapport au 29 janvier - sans compter les voyages aériens. Cependant, la frontière reste ouverte à la Chine continentale et au reste du monde, une décision justifiée par Carrie Lam comme étant nécessaire au soutien de l'activité économique locale. Elle se réfère également à la recommandation émise par l'OMS visant à ne pas mettre en œuvre des mesures susceptibles d'alimenter la discrimination.

Protestant contre cette souplesse des restrictions frontalières, 2 500 travailleurs médicaux se mettent en grève pendant trois jours à partir du 3 février ; ils appellent à une interdiction totale d'entrée vis-à-vis de la Chine continentale. Le 5 février, le gouvernement annonce la mise en place d'une quarantaine obligatoire pour tous les voyageurs en provenance de Chine continentale, pour une entrée en vigueur le 8 février. La déclaration de Carrie Lam apporte un démenti à l’accusation selon laquelle il s'agirait d'une mesure prise pour calmer les grévistes et la décrit plutôt comme la mise en œuvre d’une mesure cohérente avec l'avis des experts. Beaucoup estiment néanmoins que la pression de l'opinion publique et la confirmation de la première contamination locale le 4 février ont joué un rôle important dans cette décision. Dans l'ensemble, la stratégie du gouvernement reste axée sur la réduction drastique des flux transfrontaliers plutôt que sur la fermeture de la frontière. La fermeture complète de la frontière n'est annoncée que le 23 mars ; elle prend effet le 25 mars pour tous les voyageurs non résidents, pour une période provisoire de 14 jours. Le gouvernement décide par la suite de prolonger les mesures de fermeture des frontières jusqu’à nouvel ordre. Ce tournant reflète l'inquiétude suscitée par l'augmentation du nombre de cas importés. Hong Kong fait état de 10 nouveaux cas confirmés le 17 mars, dont 8 avaient des antécédents de voyage.

Quarantaine et application de la loi

Le 8 janvier, pour permettre un meilleur suivi de la situation, l'ordonnance sur la prévention et le contrôle des maladies (Prevention and Control of Disease Ordinance) est modifiée afin d’inscrire le coronavirus au registre des maladies infectieuses à déclaration obligatoire. Cet amendement à la loi confère au département de la Santé le pouvoir légal de contraindre à l'isolement ou à la quarantaine. Quatre centres de quarantaine sont mis en service, complétés par des unités mobiles de logement modulaire.

Le 8 février, une quarantaine obligatoire de 14 jours est instaurée pour tous les voyageurs arrivant de Chine continentale et pour tous les individus y ayant séjourné 14 jours avant leur arrivée à Hong Kong. Ils sont transférés dans un lieu de quarantaine une fois les contrôles de l'aéroport (symptômes et température) passés. Les voyageurs pour lesquels le test ne fournit pas de résultats satisfaisants sont envoyés au département de la Santé pour y subir un examen et des tests supplémentaires. Les dispositions relatives à la quarantaine des voyageurs entrants ont été constamment mises à jour ; elles s’appliquent, depuis le 19 mars - soit trois jours après la mise en œuvre de cette mesure à Pékin - à toutes les arrivées internationales.

Au début de l’épidémie, lorsque Hong Kong ne comptait que quelques premiers cas importés, seuls les contacts étroits des cas confirmés étaient mis en quarantaine dans des centres dédiés. Au fur et à mesure que le nombre de cas augmente et que la nécessité d’une quarantaine s'étend à un public plus large, l'espace disponible pour rendre ces quarantaines effectives commence à manquer. Les personnes considérées comme présentant un risque moindre sont alors progressivement placées en quarantaine à domicile ou à l'hôtel. Selon les derniers critères publiés en la matière, ce sont les les voyageurs arrivant de Daegu et de la région sud-coréenne du Gyeongsang du Nord, des régions italiennes d'Émilie-Romagne, de Lombardie et de Vénétie, et d'Iran qui doivent séjourner dans un centre de quarantaine. Les résidents hongkongais de retour dans la région administrative spéciale qui demandent à séjourner dans un centre de quarantaine plutôt que de faire leur quarantaine à domicile doivent payer les frais ainsi induits. Des tests gratuits sont mis à la disposition des voyageurs étrangers asymptomatiques le 28 mars, après que le groupe couvert par l’enquête épidémiologique ait été élargi à plusieurs reprises. Après son atterrissage, en raison des ressources aéroportuaires limitées en matière de tests, le passager est invité soit à se rendre dans le Centre de prélèvement temporaire pour y recevoir un test par écouvillon via un prélèvement effectué dans la gorge, soit à se faire livrer ce kit de dépistage par un membre de sa famille (le service en porte-à-porte devient effectif le 3 avril) pendant son séjour en quarantaine. Néanmoins, à partir du 7 avril, les passagers sont directement conduits au centre de dépistage dès leur arrivée à l’aéroport. Les passagers arrivant de régions à haut risque doivent attendre le résultat de leur test au centre, un diagnostic étant donné en huit heures en moyenne. Les autres passagers doivent rejoindre le lieu de leur quarantaine. 

Si le test est positif, la personne est alors transférée pour un traitement médical. Si elle ne reçoit aucune notification, elle est seulement priée de poursuivre sa quarantaine jusqu'à la fin de la période.

Le respect de la quarantaine est mis en application par des équipes de discipline effectuant des contrôles ponctuels et par le recours à des bracelets électroniques. À leur arrivée à l'aéroport international de Hong Kong, il est demandé aux voyageurs porter un bracelet électronique et d'installer une application mobile intitulée Stay Home Safe. Le bracelet doit être activé à l’arrivée sur le lieu de la quarantaine et est capable de détecter le changement d’emplacement du sujet en fonction de signaux de communication de son environnement (Bluetooth et Wi-Fi). Les changements de signaux sont enregistrés par l'application ; le département de la Santé et la police sont alertés.

Pour répondre à l’émergence d’inquiétudes quant à la protection de la vie privée, le gouvernement explique que le Commissaire dédié (Privacy Commissioner) a été consulté : il ne devrait pas y avoir de problèmes de protection des données personnelles puisque la localisation de l’individu n'est pas déterminée sur le fondement d’un endroit précis (donc pas via le système GPS) mais sur la base des changements de signaux de son environnement.

Les personnes mises en quarantaine peuvent également recevoir une visite surprise ou un appel vidéo du Centre de protection de la santé, qui vérifie qu’elles se trouvent bien dans le lieu de leur quarantaine. Le gouvernement encourage également le public à signaler les violations présumées des termes de la quarantaine via la plateforme en ligne "e-Report Center". Les personnes mises en quarantaine qui se déplacent sans autorisation sont passibles de poursuites pénales et d'une sanction maximale de 5 000 HK$ (641 dollars US) et de six mois de prison.

Autodiscipline et responsabilité de la société hongkongaise

Le succès de Hong Kong, jusqu’à présent, dans sa lutte contre la contagion est souvent attribué à la conscience des risques épidémiologiques de la société hongkongaise, et à l’auto-discipline dont elle a su faire preuve. L'épidémie de SRAS, si elle a contraint le gouvernement à prendre des mesures pour améliorer sa capacité à gérer les urgences sanitaires, a également contribué à former la population à ces enjeux. Déçues par la mauvaise gestion du SRAS par le gouvernement et méfiantes à l’égard de ce dernier, les communautés locales ont décidé d'agir en prenant leur propre responsabilité. "Chaque citoyen a participé à l’effort collectif, notamment en portant des masques, en se lavant les mains et en prenant les précautions nécessaires, comme éviter les lieux fréquentés et les rassemblements", affirme ainsi Kwok Ka-ki, ancien membre de la circonscription fonctionnelle médicale du Conseil législatif. Cette importance du port de masques, de la protection et de l'hygiène personnelle, et du fait d’éviter les lieux très fréquentés figure sur les communiqués de presse gouvernementaux depuis le 31 décembre, mais sous la forme de recommandations. Il appartient donc aux individus de prendre la responsabilité de porter des masques, de s'abstenir de sortir et d'utiliser les transports publics. Notons que ces recommandations sont formulées quelques mois seulement après l’interdiction par le gouvernement du port de masques dans les rassemblements publics - interdiction visant à empêcher les manifestants pro-démocratie de cacher leur identité.

L’approvisionnement du secteur public en masques et l’approvisionnement des citoyens est un défi pour le gouvernement, compte tenu de la forte dépendance hongkongaise aux importations. Le gouvernement assure son approvisionnement par l'intermédiaire, principalement, du département de la Logistique gouvernementale, chargé des achats. L’épidémie entraîne une multiplication du taux de consommation des masques par cinq à six. Le 30 janvier, le stock disponible pour les départements concernés ne suffit à couvrir qu’un à deux mois. Les masques sont distribués sur la base d'une évaluation du niveau de risque : les agents de première ligne et les fournisseurs de services essentiels sont prioritaires. L'administration hospitalière dispose également d'un stock qui peut être utilisé par les professionnels de la santé pendant trois mois environ. Pour répondre à la demande croissante, le département de la Logistique décide de supprimer les procédures non nécessaires encadrant l'importation de masques, et contacte par anticipation un certain nombre de fournisseurs étrangers. Le gouvernement est également en contact avec les Chambres de commerce, le secteur de la vente au détail et les autorités continentales chinoises pour garantir un approvisionnement suffisant.

Pour répondre à la demande formulée par le gouvernement, en plus du recours aux importations, la production locale est stimulée ; mais la capacité de production reste limitée par rapport aux besoins, estimés à 200 millions de masques par mois. Le département des Services correctionnels augmente son volume de production de masques et les fait livrer exclusivement au département de la Logistique depuis janvier 2020. Certains établissements correctionnels passent à un fonctionnement 24 heures sur 24 et recrutent des agents en congé ou à la retraite comme bénévoles. En 2019, le département des Services correctionnels a produit environ 1,1 million de masques par mois. À la mi-mars 2020, la production a atteint 2,5 millions par mois.

Le 5 avril, Yuen Kwok-yung, éminent microbiologiste, met en garde l’opinion publique contre la possibilité d'une nouvelle vague de contaminations en provenance de Chine continentale, celle-ci renouant avec ses activités économiques.

Comme il devient plus difficile d'acquérir suffisamment de masques ou d'autres types d’équipements médicaux à l'étranger et pour faire face à la pénurie de masques, le gouvernement introduit un "programme de subvention à la production locale de masques" (Local Mask Production Subsidy Scheme) doté de 1 500 millions de HK$ (192 millions de dollars US) dans le cadre du Fonds anti-épidémique. Un montant de 30 milliards de HK$ (3,85 milliards de dollars US) alloué au Fonds anti-épidémique est approuvé le 21 février par la Commission des finances du Conseil législatif, dans le but de renforcer la capacité de Hong Kong à combattre le coronavirus en soutenant les secteurs gouvernementaux et en aidant les entreprises et le public. Le Local Mask Production Subsidy Scheme s’ouvre aux candidats le 2 mars. Chaque candidat retenu a le droit de recevoir une subvention pouvant atteindre 3 millions de HK$ (385 000 dollars US) pour financer sa première chaîne de production de masques, et jusqu'à 2 millions de HK$ (256 000 dollars US) pour la seconde. Le gouvernement s’engage à acheter les 2 premiers millions de masques produits chaque mois, le stock restant pouvant être par la suite vendu pour la consommation locale. L'exportation est interdite. Le prix d'achat des masques se fonde sur le coût de production et n'est pas uniformisé. Le gouvernement encourage et facilite également la délocalisation des lignes de production vers Hong Kong.

Contaminations locales et restrictions

Ces mesures ne sont toutefois pas suffisantes pour empêcher une augmentation des cas de contamination locale, avec des cas constatés même en l’absence d’antécédents de voyage ou sans contact déclaré avec des cas confirmés. Le gouvernement n'a pas les capacités et les ressources nécessaires pour tester la population globale sans lien direct avec le virus, et en appelle alors à une meilleure application des règles de la distanciation sociale. Afin de réduire les rassemblements, le gouvernement publie le 27 mars un "règlement sur les conditions et l'orientation des entreprises et des lieux", pour une entrée en vigueur le lendemain. Les entreprises de restauration ne sont plus autorisées à vendre ou à fournir des aliments ou des boissons à consommer sur place. Conformément au règlement, le secrétaire à l'Alimentation et à la Santé est habilité à donner des instructions à destination de certains lieux, pour une période maximale de 14 jours. Le représentant légal de l'entreprise peut être condamné à une amende de 50 000 HK$ (6 415 de dollars US) et à six mois de prison en cas de non-respect de ce règlement et des instructions.

Les entreprises de restauration se voient alors imposer de nouvelles contraintes réglementaires. Le nombre de clients qu’elles reçoivent ne doit pas dépasser 50 % de leur capacité habituelle, exprimée en nombre de sièges ; une distance minimale de 1,5 mètre doit être garantie entre les tables ; une même table ne peut accueillir plus de 4 personnes ; la température des clients doit être contrôlée avant leur entrée dans l’établissement ; le port des masques est obligatoire ; et un désinfectant pour les mains doit être mis à disposition. Une liste des locaux commerciaux qu’il convient de fermer est publiée et régulièrement mise à jour. Les décisions relatives à ces fermetures temporaires se fondent sur une évaluation des risques, qui prend en compte la possibilité d’un rassemblement dans ces lieux et l'importance du nombre de cas confirmés dans la région. À titre d’illustration, du fait de l'apparition de 62 cas confirmés imputables à l’activité des bars, à l’origine de 14 cas de contamination, tous les bars, pubs et autres commerces vendant de l'alcool à consommer sur place sont fermés pendant 14 jours, à compter du 3 avril. Une autre interdiction prend effet le 29 mars, qui interdit le rassemblement de groupes de plus de 4 personnes dans un espace public, pour une période de 14 jours, impose une amende maximale de 25 000 HK$ (3 225 de dollars US) et six mois de prison. Le monde professionnel et les mariages ne sont pas concernés. Le 8 avril, le gouvernement prend la décision de prolonger les mesures de distanciation sociale jusqu’au 23 avril.

Les mesures prises par Hong Kong ont jusqu'à présent permis d’éviter une contagion massive. Toutefois, de nombreux experts et personnalités hongkongais explorent aujourd’hui des scénarios noirs. Bernard Chan, président du Conseil exécutif de Hong Kong, souligne la nécessité de mesures plus sévères et n'exclut pas la possibilité d'un confinement strict. Le 5 avril, Yuen Kwok-yung, éminent microbiologiste, met en garde l’opinion publique contre la possibilité d'une nouvelle vague de contaminations en provenance de Chine continentale, celle-ci renouant avec ses activités économiques. La population hongkongaise est invitée à rester vigilante. Il est fort possible que la crise du coronavirus ne soit pas totalement maîtrisée à court terme et que des efforts supplémentaires de prévention et de confinement soient bientôt rendus nécessaires.

 

Copyright : ANTHONY WALLACE / AFP

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