C’est grâce à ce nouveau système que, dès le 4 février, l’entreprise coréenne Kogene Biotech Co Ltd obtient l’autorisation d’urgence du ministère de l’Alimentation et de la Sécurité des médicaments pour le nouveau kit de dépistage qu’elle vient de développer - soit deux semaines seulement après la publication, par la Chine, de la séquence génétique du Covid-19. Ce kit de dépistage, capable de fournir un résultat en six heures, devient disponible dans 50 cliniques trois jours seulement après son approbation officielle. Les autorités sanitaires coréennes sont ainsi en mesure de procéder au dépistage de centaines de milliers de citoyens en l'espace de quelques jours. Fin mars, cinq entreprises coréennes produisaient des kits de dépistage et la Corée du Sud avait commencé à exporter des tests, notamment vers l'Europe.
La campagne de dépistage combine gratuité et, dans certains cas, traçage obligatoire. Les tests sont gratuits pour les cas suspects (c'est-à-dire présentant des symptômes ou en lien avec un cas confirmé) depuis janvier, y compris pour les ressortissants étrangers. Le gouvernement prend à sa charge les frais d'hospitalisation et de traitement et offre une indemnisation aux individus qui se sont spontanément mis en quarantaine. Après l'expérience de Daegu, le gouvernement coréen crée des centres de dépistage "drive-through", permettant aux individus d’être gratuitement testés en restant dans leur voiture. Les résultats sont ensuite envoyés par SMS. L'objectif de ces structures est de limiter les contacts entre patients et personnel médical et de gagner du temps sur le processus de dépistage, puisqu'il est possible de tester 10 personnes par heure. En un mois, 40 centres de dépistage de cette nature sont déployés à travers le pays. Pour faire face à la vague de voyageurs infectés de retour en Corée ou souhaitant s’y rendre après la mi-mars, le gouvernement décide, le 22 mars, de procéder à des dépistages à l'aéroport pour tous les voyageurs en provenance d'Europe. Les passagers arrivant de pays membres de l’Union européenne testés positifs sont transférés à l'hôpital et pris en charge immédiatement. Les passagers dont le test est négatif doivent se plier à une période de quarantaine ; les ressortissants coréens sont soumis un deuxième examen dans les trois jours suivant leur arrivée.
Le gouvernement coréen a également recours à une recherche intrusive des antécédents de contacts (contact tracing, ou analyse des dernières interactions des individus) pour suivre les cas confirmés et suspects ; le consentement préalable des individus en question n’est pas nécessaire. Dans un premier temps, pour déterminer qui est entré en contact avec un porteur du virus, le KCDC utilise principalement les données issues des téléphones portables et les enregistrements fournis par les caméras de vidéosurveillance. Le quotidien Chosun Ilbo décrit le processus comme suit : 1/ identification des personnes qui se sont trouvées à moins de 2 mètres d'un cas confirmé un jour avant que l’individu n’ait commencé à présenter des symptômes, et 2/ approfondissement du processus d’identification en fonction des conditions de l’interaction (si l’individu portait un masque, s’il éternuait, etc.). Les cas suspects sont ensuite placés en quarantaine pendant 14 jours, et ce, qu'ils présentent ou non des symptômes (des dépistages sont effectués si des symptômes apparaissent, sauf pour les "groupes à haut risque" liés aux principaux foyers de contamination). Les relevés des cartes bancaires sont également utilisés pour améliorer la traçabilité, car ils sont plus précis que les données téléphoniques : environ 80 % des transactions en Corée sont désormais effectuées par paiement en carte bancaire. Ce traçage se fait en collaboration avec les sociétés de cartes bancaires : le KCDC leur transmet des informations portant sur un cas avec la date de ses premiers symptômes, et les sociétés renvoient ses données bancaires. La législation coréenne prévoit en temps normal que l’accès à ce type d'information nécessite l’approbation du tribunal ou le consentement individuel. Mais en temps de crise nationale, le KCDC est légalement autorisé à s’affranchir de cette étape. L'article 76-2 de la "loi sur le contrôle et la prévention des maladies infectieuses" stipule que, si cela est nécessaire pour prévenir les maladies infectieuses et enrayer la propagation du virus, le ministère de la Santé et le KCDC peuvent demander aux agences administratives, aux gouvernements locaux, aux institutions publiques, aux institutions médicales, aux entreprises, aux organisations et aux individus de fournir des informations personnelles sur les cas confirmés et suspects (y compris des informations relatives aux déplacements des patients). Cet article a été ajouté le 6 juillet 2015, après l'épidémie de MERS, afin de conférer au ministère de la Santé et au KCDC l'autorité légale de collecter des données personnelles sans mandat (les autorités sanitaires, sous la loi précédente, avaient rencontré des difficultés dans la compréhension du cheminement de la contagion pendant l'épidémie de MERS, ce qui leur avait valu beaucoup de critiques).
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