Mais les discussions sur le report de l’élection présidentielle ne sont pour l’heure pas ouvertes à l’opposition - elles se concentrent au sein du gouvernement. S’il est désormais quasiment certain que l’élection ne se tiendra finalement pas en octobre, une inconnue demeure : le report des élections provoquera-t-il une crise institutionnelle dans le pays ?
Quelles sont vos recommandations aux instances décisionnaires et à la population ivoiriennes ?
Aux instances décisionnaires, je recommande d’être transparentes dans la mise en place de chaque étape du plan afin d’éviter les suspicions de la part des populations. Ce n’est pas le cas pour l’instant, ce qui a provoqué plusieurs incidents ces derniers jours, dont trois à Abidjan. Les autorités en charge de la lutte contre le virus ont d’ailleurs admis "un manque de pédagogie". Dans le cadre du déploiement de la dizaine de centres de dépistage, le gouvernement a été confronté à une hostilité farouche des populations du quartier des Toits rouges, un sous-quartier de la grande banlieue de Yopougon au nord d’Abidjan, qui pensaient que le gouvernement venait installer ce site pour propager la maladie en les faisant vivre aux côtés des personnes contaminées. L'incident a duré 24h et s’est étendu à d’autres quartiers de la ville les jours suivants. Autre difficulté constatée ces derniers jours : les populations de la ville de Bangolo, à l’ouest du pays, se sont opposées à l’acheminement de médicaments dans un hôpital.
Ces incidents montrent la psychose et la frilosité des populations, qui peuvent être évitées si le gouvernement communique plus ouvertement et plus largement, par le biais de plusieurs canaux :
- pour toucher la population très rapidement, il doit s’appuyer sur des autorités locales comme les maires, les conseillers régionaux, les préfets et les sous-préfets qui peuvent s’appuyer sur les leaders traditionnels et religieux ;
- il doit également avoir recours aux médias de l’audiovisuel public, qui couvrent plus de 90 % du territoire ivoirien ;
- la presse privée, malgré les sensibilités politiques, se trouve unie dans ce contexte et véhicule les message sanitaires ;
- enfin, les réseaux sociaux sont également un canal utile car le taux de couverture téléphonique est très important en Côte d’Ivoire et la population, très jeune, y est particulièrement connectée.
En ce qui concerne les populations, elles doivent faire preuve de civisme et de discipline face au virus. Elles doivent respecter les consignes du gouvernement - qui se retrouvent dans beaucoup d’autres pays, en Afrique et ailleurs - et appliquer les gestes barrière. Et surtout, faire confiance au gouvernement : une union sacrée doit exister autour de celui-ci pour relever le défi et vaincre la maladie.
Copyright : ISSOUF SANOGO / AFP
Ajouter un commentaire