Dans un premier temps, le pays a réalisé que la plupart des cas venaient d’Europe et a donc fermé les frontières avec ces pays, après, il est vrai, quelques jours d’hésitation, ce qui a provoqué des critiques. Le Sénégal est très connecté, notamment à travers sa diaspora, à plusieurs pays africains, à la France mais aussi à l’Italie, qui a été le principal foyer en Europe pendant des semaines. Les personnes en contact avec des individus contaminés arrivés par avion d’Europe ont été suivies et isolées. Si le dispositif a plutôt bien fonctionné, il n’est pas certain qu’il ait pu identifier tous les contacts efficacement. Il faut non seulement identifier les contacts directs mais aussi les personnes qui ont pu entrer en contact avec le virus indirectement. Il suffit d’en perdre quelques-uns pour que le virus continue à se propager d’un endroit à l’autre.
Avec la diffusion de la pandémie au niveau global et le confinement de plus en plus strict mis en place dans de nombreux pays européens, le gouvernement sénégalais pourrait adopter des mesures plus radicales. Il n’est pas exclu que nous passions dans quelques jours à un confinement total ou en tout cas à des formes qui s’en rapprochent. Mais des mesures de confinement à la française ou à la sud-africaine ne pourraient être mises en œuvre que très laborieusement dans un pays où les conditions économiques et sociales sont marquées par la nécessité pour un grand nombre de personnes de se déplacer au quotidien pour gagner de l’argent, survivre et faire vivre d’autres membres de la famille.
Tous les citoyens sénégalais, même dans les villes, n’ont pas accès à un réfrigérateur, à un approvisionnement électrique continu et les moyens financiers pour faire des stocks de nourriture et autres biens essentiels. Dans ces conditions, le confinement total ne peut simplement pas être appliqué. C’est le cas dans de nombreux autres pays africains, mais cela ne se limite pas au continent : quid de l’Inde par exemple où on rapporte que des millions de gens fuient les villes pour aller dans les campagnes où ils pensent pouvoir plus facilement se nourrir et survivre pendant la période indéterminée de confinement ? Le contexte diffère largement de celui des pays européens ou des États-Unis.
La population soutient-elle les mesures adoptées par le gouvernement ?
Oui, il y a une mobilisation générale pour lutter contre le Covid-19. Tout le monde comprend le message de la prévention comme étant la seule option viable car en cas de flambée de l’épidémie au Sénégal, et dans plusieurs régions en même temps, le système de santé ne pourra pas faire face aux cas graves qui nécessiteraient une prise en charge en milieu hospitalier approprié. Les gens comprennent l’ampleur de la menace et font ce qu’ils peuvent pour contribuer à la lutte par la prévention et le respect des fameux gestes barrière, à commencer par le lavage régulier des mains. Le fait que la région ouest africaine ait connu la terrible menace du virus Ebola il y a quelques années a aussi facilité la sensibilisation aux gestes de prévention comme le lavage des mains.
Le système de santé est-il assez résilient pour affronter l’épidémie ?
Le système de santé au Sénégal est globalement meilleur que celui de beaucoup de pays de la région ouest africaine. Mais évidemment, tout est relatif et les indicateurs de santé, en amélioration constante depuis des années, restent en-deçà des attentes et de ce qui est réalisable. Les manques sont flagrants en termes d’effectifs de personnels de santé (avec un ratio de moins de deux médecins pour 10 000 habitants selon les chiffres de l’OMS) et la répartition géographique des effectifs est aussi, comme presque partout dans la région, très inégale.
Le Sénégal présente également un déficit d’équipements - il y a déjà eu des scandales dans les grands hôpitaux dakarois dûs à des pannes de matériels -, mais d’autant plus dans ce cas précis où les patients développant les formes les plus graves nécessitent une assistance respiratoire. Le Sénégal compterait au 1er avril 56 lits de réanimation, 40 autres lits supplémentaires étant en cours de mise en place. Il a fallu augmenter en quelques semaines le nombre de lits disponibles pour les malades atteints du Covid-19. Tant que le nombre n’explose pas, le système de santé pourra faire face. C’est vraiment une question d’échelle.
La crise que nous vivons actuellement constitue une difficulté particulière, mais les faiblesses des systèmes de santé dans les pays ouest africains et le besoin de réformes structurelles étaient préexistants, comme l’indique un rapport publié par Wathi en février de cette année. Encore trop de personnes, surtout des enfants et des jeunes, meurent dans les pays de la région de maladies qui peuvent être soignées.
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