L'un des problèmes qui se posent aujourd'hui est que moins de personnes cherchent à se faire soigner par crainte de contracter le virus. Cela aura des conséquences à long terme sur la vie des Rwandais, car le fait de reporter les soins pourrait signifier que les maladies dont souffrent les patients s’aggraveront, et seront donc plus coûteuses à traiter.
Quel rôle les nouvelles technologies peuvent-elles jouer dans le secteur sanitaire pour faire face plus efficacement à la pandémie au Rwanda ?
Le Rwanda, déjà connu pour être un pays à la pointe de la technologie, a su tirer parti de la technologie de plusieurs façons.
- Tout d'abord, les autorités envoient continuellement des SMS au sujet des directives de l'OMS pour pallier le Covid-19 et ses symptômes. C'est un moyen de communication très efficace, puisqu'environ 81 % des Rwandais ont un téléphone portable.
- Ensuite, le gouvernement a mis en place une ligne d'assistance téléphonique nationale pour toute personne craignant d'avoir contracté le virus, ainsi qu'une plateforme USSD (Unstructured Supplementary Service Data) qui permet aux gens de faire leur propre test et de trouver les soins médicaux appropriés.
- Le gouvernement utilise également des drones afin de diffuser des informations sur le Covid-19 et rappeler aux gens de conserver une distance règlementaire et de rester chez eux si nécessaire. Les Rwandais doivent désormais demander, par l'intermédiaire d'une plateforme USSD, l'autorisation de quitter leur domicile dans le cas où il leur est impératif d'obtenir des services essentiels.
- L'analyse des données est également utilisée afin d’établir les meilleures prévisions possibles.
- Étant donné que le virus peut être transmis par l'utilisation de billets et de pièces de monnaie, tous les frais de transaction vers l'argent mobile ont été supprimés pendant cette période afin d'encourager les gens à utiliser ces moyens de paiement sans contact.
- Enfin, le gouvernement cherche à s'associer à des acteurs économiques (comme ma propre société Babyl-Rwanda), afin de développer une première solution numérique visant à encourager les patients à se faire soigner à domicile, et ainsi éviter de surcharger le système de santé, de sorte qu'il puisse se concentrer sur les patients gravement malades, le cas échéant.
Quel sera l’impact économique du coronavirus au Rwanda ?
Le tourisme et les voyages, de loin le secteur le plus touché par la pandémie, contribuent à environ 15 % du PIB Rwandais. Le confinement signifie que presque tout est au point mort. Les prévisions de croissance ont donc été ramenées de +8 % à +5,1 %, et pourraient descendre à +3 %, voire moins. L'économie sera durement touchée et les conséquences seront visibles pendant très longtemps.
En outre, comme dans de nombreux pays en développement, une grande partie de la population travaille dans le secteur informel (environ 64 % au Rwanda). Le gouvernement se doit désormais de nourrir les millions de personnes qui risquent de mourir de faim, étant donné qu'elles ne mangent que lorsqu'elles travaillent. Grâce aux infrastructures décentralisées déjà existantes, il est cependant très facile d'identifier les personnes les plus nécessiteuses. En effet, le Rwanda dispose d'un système décentralisé très bien structuré, allant des chefs de village et se déclinant ensuite au sein des différentes cellules provinciales. La distribution de nourriture et de matériel de base à ceux qui en ont le plus besoin est ainsi devenue très rapide.
Quelles sont vos recommandations pour les pouvoirs publics ?
Au vu des tendances mondiales, il semble que cette pandémie ne s'arrêtera pas de sitôt, malgré les efforts de chacun. Le gouvernement devrait donc réfléchir à la manière dont il va ouvrir lentement, mais prudemment, l'économie. Il s'agit en effet d'un équilibre très difficile à atteindre, surtout pour les pays en développement. Ils doivent malheureusement prendre en compte le risque d'ouverture de l'économie, qui pourrait entraîner une augmentation du nombre de cas et la mort potentielle de 1 % des personnes qui contractent le virus, par rapport au risque de décès dû à la faim.
Le Rwanda, déjà connu pour sa gouvernance de qualité, devra travailler en étroite collaboration avec l'ensemble du continent pour combattre cette pandémie en bloc. Pour gagner cette guerre, il faut une collaboration au niveau continental et mondial. L'Afrique doit être unie si nous voulons lutter avec succès contre la pandémie, car nous sommes aussi forts que notre maillon le plus faible.
Copyright : Simon Wohlfahrt / AFP
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