Dans toute négociation importante, la première escale pour la Chine est Washington
Quoique les analystes chinois puissent dire d'un potentiel déclin américain, le respect dont fait preuve la Chine à l’égard du pouvoir décisionnaire de Washington l’emporte sur toute propension à faire des concessions pour "apaiser" l'Europe. Cela est dû aux dépendances réelles de la Chine vis-à-vis des États-Unis. La politique étrangère de la Chine est menée sur la base de la force relative et se fonde de plus en plus sur la prise de risques calculés. L'Europe, avec son équilibre entre coopération et aveu d’une rivalité systémique, son goût de la nuance et des réponses proportionnées, ses limites institutionnelles, ses divisions internes, une attention militaire qui se concentre sur son pourtour en crise, semble bien moins susceptible de porter préjudice à la Chine.
Les dirigeants européens dans l’embarras
Régulièrement, les partenaires qui souhaitent nouer ou renouer le dialogue avec la Chine dressent une liste de questions sur lesquelles ils attendent une certaine convergence de la part de la Chine, convergence qui serait fondée sur les intérêts propres de cette dernière. En réalité, le seul terrain d’entente est un engagement partagé mais vague en faveur du multilatéralisme et des institutions multilatérales. La convergence entre les deux parties sur la nécessité de mettre en œuvre l'accord nucléaire iranien de 2015 a peut-être été le seul point positif d’une longue liste de contentieux. En mars 2019, face aux promesses non tenues, le nouveau document stratégique de la Commission a énuméré dix points d'actions concrètes à réaliser dans un délai d'un an. L’UE poursuit pleinement ceux des points d'action qu'elle peut mettre en œuvre seule, indépendamment de la Chine.
Néanmoins, tous les États membres ne sont pas prêts à payer le prix d'une position de négociation forte face à l'entêtement et à l’influence de la Chine. Cette hésitation transparaît dans certaines déclarations face aux virulentes actions récemment menées par la Chine. La Suède est le seul État membre à avoir plaidé en faveur de sanctions après l’annonce par la Chine de la transposition à Hong Kong de sa loi sur la sécurité nationale. Au crédit de l’Union européenne, son Haut Représentant pour les Affaires étrangères n’a pas tardé à prendre la parole et regretté que la décision chinoise ne soit conforme "ni à ses engagements internationaux, ni à la loi fondamentale de Hong Kong". Ces hésitations européennes rappellent la difficulté de l’UE à atteindre l’unité sur le temps long pour une position forte vis-à-vis de la Chine et la préférence des institutions européennes pour des politiques mixtes, avec en même temps coopération, compétition et rivalité systémique.
La Chine fait le pari d’une reprise économique forte pour panser les plaies sociales
Il est trop tôt pour prévoir la manière dont cette année exceptionnelle suivra son cours pour les économies européenne et chinoise. Le PIB chinois corrigé des variations saisonnières a en effet chuté de 9,8 % au premier trimestre 2020, contre une baisse de 3,3 % à l’échelle de l’Europe des 27. À en juger par les chiffres du commerce extérieur chinois, le fameux "second choc", soit l’impact d’une demande extérieure moindre sur l’économie chinoise, n’est pas si fort qu’on ne l’aurait prédit. Dans l'ensemble, au premier semestre 2020, on constate un pic des exportations de produits médicaux liées à la pandémie, conséquence à court terme de la "diplomatie des masques" menée par une Chine qui a tiré parti de la dépendance du reste du monde pour s'assurer une source majeure de profit commercial. Ce que la ventilation des échanges par catégorie met aussi en évidence, c'est que la Chine, à l’instar d'autres fournisseurs d'Asie orientale, a vu ses exportations décoller dans le secteur du numérique et des télécommunications. En juillet et août 2020, ses excédents commerciaux atteignent des montants record, et la Chine accroît sa part du marché mondial.
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