Tout au long de sa décennie au pouvoir, Rutte s'est révélé être un gestionnaire politique avisé et pragmatique, mais pas un homme de grandes idées. Alors que s’ouvre pour la France et l'Allemagne une période d'incertitude politique quant à leurs dirigeants, Rutte, compte tenu de son ancienneté au sein du conseil de l’UE, pourrait se retrouver au premier plan dans les affaires européennes, en particulier sur la relance économique post-Covid-19. Mais il pourrait tout autant retomber dans ses travers en poursuivant principalement un programme étroit fondé sur les intérêts nationaux néerlandais.
D66 voudra sans doute nommer le prochain ministre des affaires européennes au sein du nouveau gouvernement. Mais qui serait le Clément Beaune néerlandais ? Selon toute vraisemblance, il s'agirait d'un proche du Premier ministre Rutte, étant donné l’importance du conseil de l’UE dans le processus de décision de l’UE. Et parce que tant de questions européennes sont maintenant des Chefsache, décidées au niveau des chefs d’États, Rutte restera le visage des Pays-Bas à Bruxelles.
5. Sur certains sujets, les Pays-Bas sont plus français qu'on ne le pense
Sur les questions monétaires et financières, les Néerlandais continueront à prôner la discipline financière, ce qui pourrait conduire à des situations conflictuelles avec Paris, Madrid et Rome. La France et les Pays-Bas s’entendront davantage sur d’autres sujets. Les deux pays ont publié une note en 2019 sur le commerce et la durabilité. Ils ont également pris une position commune sur la réduction de la domination des plateformes de la Big Tech. Ceci indique un alignement franco-néerlandais plus étroit dans le domaine économique.
Tous les partis susceptibles de participer à la prochaine coalition gouvernementale néerlandaise sont favorables à des politiques européennes plus robustes de promotion de la résilience économique. Le parti économiquement libéral VVD souhaite désormais "protéger le marché unique" en insistant sur les dispositions relatives aux conditions de concurrence équitables dans les accords commerciaux, en relocalisant les chaînes d'approvisionnement essentielles et en bloquant les investissements étrangers si nécessaire. Avec l’Espagne, les Pays-Bas publient une note sur l'autonomie stratégique indiquant qu’ils souhaitent améliorer le filtrage des investissements à l’échelle de l’UE, réduire les dépendances de l'UE en diversifiant les chaînes d'approvisionnement ou encore remédier aux déséquilibres des aides d'État. Ce soutien pour une plus grande intervention de l'État est un phénomène récent.
Traditionnellement, les Néerlandais partisans du libre-échange sont considérés comme les plus ardents défenseurs des politiques économiques libérales de l'UE. Mais aujourd'hui, sur ces questions, les Pays-Bas apprennent résolument à parler français.
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