MARC LAZAR
Le geste symbolique était très fort, puisque Emmanuel Macron ne s’est pas contenté du bilatéral, mais a voulu organiser cela avec la chancelière allemande et le président de la Commission européenne, pour essayer de montrer à la Chine que l’Europe avait une stratégie cohérente et unifiée. Si l’acte symbolique est fort, la réalité est plus compliquée.
L’Italie a fait un autre choix, le Portugal et la Grèce également. D’ailleurs ces pays sont tous dans une situation difficile et entretiennent des relations bilatérales avec la Chine, ce qui nous pousse à nous demander si ce trio représente véritablement l'unité européenne. On peut ajouter que Juncker est en bout de course, et qu’il est président d’une Commission européenne qui existera jusqu’à l’automne mais qui ne sera pas renouvelée. Merkel est sur le départ, Macron est affaibli en termes de politique intérieure, et ses projets de relance européens ne se sont pas concrétisés. Une fois de plus aussi, c’est la France et l’Allemagne. Si cette relation forte franco-allemande est nécessaire à l’Union européenne, elle irrite en même temps des pays d’Europe centrale et orientale, qui peuvent voir cela comme le fait qu’ils dictent la politique européenne.
En revanche, les déclarations du Président chinois, qui insistait sur le multilatéral, peuvent être comprises de deux manières. D’abord, comme de pures déclarations diplomatiques sans conséquences, ou alors, du fait de l’attitude des Etats-Unis, comme le fait que les Chinois reviennent à espérer avoir une Europe unie pour un jeu non pas à deux, mais à trois.
Davantage d'accords commerciaux ont été signés à Paris qu'à Rome malgré le soutien italien aux routes de la soie. La diplomatie chinoise a-t-elle utilisé ces accords à des fins politiques ou sommes-nous dans un effort pour dissocier le business du politique ?
FRANÇOIS GODEMENT
On voit que les résultats de la visite en France sont dominés par la vente des 300 Airbus, un montant sur lequel subsistent des limites naturelles dans un temps court quand on connaît la capacité réelle des chaînes de production et l’abondance des commandes internationales dans ce segment des A320. C’est cela qui fait la différence avec l’Italie, bien sûr – et bien sûr l’activité Airbus est partagée entre plusieurs pays européens. L’autre très grand dossier, c’est à dire la création en Chine d’un centre de traitement des déchets nucléaires, reste au stade des pourparlers, et ce depuis des années. EDF, Fives et Schneider Electric décrochent des contrats importants dans le domaine de l’énergie en Chine et en association au Moyen orient. Un fonds d’investissement est créé pour les entreprises moyennes en Chine. Hors Airbus, on est à une dizaine de milliards, contre 2,5 en Italie. La levée d’interdiction de la volaille, après celle sur le boeuf l’an dernier, est toujours bonne à prendre, mais ne constitue peut-être pas une avancée stratégique ! En sens inverse, une entreprise française achète à la Chine dix grands porte-conteneurs. Le point essentiel est en effet que le président de la République a pu tenir un discours politique ferme sur l’Europe et sur la réciprocité, ainsi que sur les droits de l’Homme, certes de manière moins affichée. Et néanmoins les affaires se sont traitées normalement.
Copyright : Alberto PIZZOLI / AFP
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