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16/11/2018

Chine-Etats Unis : deal ou trompe-l’oeil ?

Chine-Etats Unis : deal ou trompe-l’oeil ?

Certains symboles sont importants. Le 5 novembre, à la veille des élections américaines de mi-mandat, le président Xi Jinping inaugurait à Shanghai dans une chorégraphie parfaite la Foire Internationale pour les Importations, première du genre en Chine. Objectif : afficher la volonté de Pékin de s’ouvrir davantage vers le monde, de rééquilibrer les échanges commerciaux, alors même que Washington adoptait une ligne dure, sous l’égide d’une administration Trump peu susceptible de négocier quels que soient les résultats des élections au Congrès. Certes, les Républicains ont dû céder le contrôle de la Chambre des représentants (au moins 32 circonscriptions perdues), mais l’impact sur les relations sino-américaines sera à l’évidence minime. Le pouvoir reste à la Maison Blanche et surtout entre les mains du représentant au Commerce, Robert Lighthizer.

Pékin s’en inquiète depuis quelques mois : Démocrates et Républicains semblent d’accord sur nombre de sujets concernant la Chine.

Probable future Speaker de la Chambre, la démocrate Nancy Pelosi a depuis longtemps fait de la Chine l’un de ses chevaux de bataille, notamment en matière de droits de l’Homme. Pékin s’en inquiète depuis quelques mois : Démocrates et Républicains semblent d’accord sur nombre de sujets concernant la Chine, y compris Taiwan, le risque de militarisation en mer de Chine, les questions de propriété intellectuelle, les difficultés d’accès au marché chinois, et les risques soulevés par les transferts de technologie vers des sociétés chinoises.

A ce propos, Xi Jinping a indiqué que les entreprises d’Etat chinoises devaient "compter sur leurs propres forces", utilisant un vieux slogan maoïste révélateur de l’état d’esprit actuel. Il s’agit d’un prolongement du plan "made in China 2025" qui doit permettre à la Chine d’acquérir elle-même – plutôt qu’à travers des transferts de l’étranger – des technologies telles que l’intelligence artificielle, la robotique, les semi-conducteurs, la voiture électrique, etc. "Le protectionnisme est à la hausse et les technologies de pointe sont plus difficiles à acquérir, ce qui nous oblige à compter sur nos propres forces", a souligné le numéro un chinois. Il est vrai que Donald Trump a également renforcé les pouvoirs du Comité chargé de contrôler les investissements étrangers aux Etats-Unis (CFIUS), qui a bloqué plusieurs rachats chinois ces derniers mois. Signe des temps, les investissements chinois aux Etats-Unis ont chuté de 92 % depuis janvier.

Le discours sur la Chine s’est considérablement radicalisé à Washington depuis le discours du vice-président Mike Pence il y a quelques semaines. L’administration présente désormais la Chine comme un "concurrent stratégique", autrement dit un adversaire. Un message alimenté par de nombreux médias et think-tanks américains dont le ton s’est durci au fil des sanctions commerciales, en dépit des critiques récurrentes contre Donald Trump lui-même (par exemple au sujet de son récent voyage en France).

Le China bashing est à la mode, notamment au Congrès, tous partis confondus. L’administration puise également ses arguments auprès des entreprises américaines basées en Chine, qui soulignent depuis longtemps les difficultés de se développer sur le marché chinois dans un grand nombre de secteurs. Certaines parlent de plus en plus ouvertement de déplacer une partie de leur production manufacturière vers d’autres pays asiatiques comme le Vietnam ou la Thaïlande.

L’administration américaine présente désormais la Chine comme un "concurrent stratégique", autrement dit un adversaire.

A Shanghai, Xi a souligné que la Chine pourrait ouvrir son marché en important davantage dans les quinze prochaines années, par exemple en libéralisant son secteur financier. Pour l’instant, les milieux bancaires internationaux demeurent d’une grande prudence à ce sujet. Ils perçoivent le ralentissement de l’économie chinoise (officiellement 6,5 %), qui ne constitue pas le meilleur moment pour prendre une participation dans une banque chinoise. Il est probable que la rencontre entre Trump et Xi, en marge du G20 en Argentine, mette l’accent sur ces engagements, qui permettraient au Président américain un effet d’annonce. Pour autant, rares sont ceux à Washington qui envisagent une solution rapide au conflit sino-américain, qui dépasse largement les questions commerciales, avec notamment le problème grandissant de l’expansionnisme chinois en mer de Chine du sud.

Tout porte à croire que la rencontre Xi-Trump ne donnera pas les résultats escomptés. Lors d’une conversation téléphonique avec le vice-Premier ministre en charge de l’économie Liu He, le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, semble avoir placé la barre trop haut pour que débutent de véritables négociations. Le "dîner de Buenos Aires" aura probablement lieu, mais il y a peu de chance qu’il se traduise concrètement alors que Washington menace d’imposer des sanctions commerciales supplémentaires sur des produits chinois en janvier (la totalité des importations chinoises seraient alors visées) – avec le soutien du Congrès.

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