Certains admettent l’existence de nuages qui viennent assombrir la relation UE-Chine : la volonté d’affirmation croissante d’une Union européenne qui est allée jusqu’à dépeindre la Chine comme un "rival systémique" en mars 2019, la nécessité pour la Chine de collaborer davantage avec des tiers (et en particulier l'Allemagne) dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) afin d’atténuer les réticences formulées au niveau européen à l’égard du format 17+1, ou encore un processus de filtrage des investissements peu clair, qui soulève des incertitudes d’interprétation et porte en lui des coûts de mise en conformité. Notons que ces trois thèmes - critique de "l'affirmation de soi", nécessité de travailler avec des tiers et demande de clarté réglementaire et en quelque sorte d'une "liste négative" en matière d’IDE - sont le reflet exact de ce que l'Europe demande constamment à la Chine ! Nulle part, dans les sources ici analysées, la question des valeurs n’apparaît - qu'il s'agisse des droits de l'Homme, des divergences sur le droit international (par exemple sur la mer de Chine méridionale), ou de la concurrence entre un modèle de gouvernance démocratique et un modèle socialiste, telle que reflétée dans la notion de "rivalité systémique", une notion qui dans les faits est également présente dans de nombreux documents politiques chinois.
Les experts chinois ne voient-ils que ce qu’ils veulent bien voir de l’Union européenne ? Cet optimisme a peut-être une autre explication sous-jacente. Car d’autres analystes décrivent une forme de faiblesse européenne : les PECO sont classés comme économies en développement ou émergentes, et les critiques à l'égard de la Chine sont attribuées à la pression qu’exercent les États-Unis en Europe, et tout particulièrement en Pologne. Selon l’un d’eux, engager des décisions européennes contraignantes en matière d'investissement nécessiterait une modification des traités européens : honnête erreur d’analyse, doit-on relever, dans la mesure où, précisément, le traité de Lisbonne a conféré à l'UE la compétence sur les investissements en provenance de l’extérieur de l’UE. Admettons tout de même que les États membres ne sont pas encore prêts à l'accepter politiquement... Paradoxalement, c’est à l’État de droit européen que la Chine fait confiance pour poser des limites aux politiques publiques qui enfreindraient les règles du marché : la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est en mesure d’empêcher l'UE ou les États membres de fonder leurs décisions sur une vision abusive de l'ordre et de la sécurité publics (et nous savons d'ailleurs que certaines entreprises chinoises ont déjà évoqué un recours éventuel à la CJUE à ce propos).
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