Il attend également des peuples européens (欧洲民众) qu'ils saisissent mieux les enjeux de l'initiative Belt and Road. Il observe en outre que la mise en œuvre du mécanisme de filtrage des investissements conduira inévitablement l'UE à rechercher un nouvel équilibre entre protection et ouverture. Bref, le tableau est loin d'être entièrement noir. Sur le long terme, les deux parties ont un "intérêt commun à coopérer et non à s'affronter" (合作而非对抗).
Wang Haochen conclut sur la manière dont la convergence entre l'initiative Belt and Road et le plan d'investissement européen peut être promue ; il souligne l'importance de la "courbe d’apprentissage" des entreprises chinoises opérant en Europe. Selon lui, on peut comprendre que la concentration des investissements chinois dans les fusions et acquisitions et les prises de participation crée des forces d'opposition en Europe. Pour dissiper ces craintes, il convient d'accroître les investissements conjoints dans les pays tiers et les investissements greenfield, également en collaboration avec les entreprises européennes. Le jeu à long terme pour les entreprises chinoises consiste à habituer les entreprises européennes à coopérer avec la Chine afin que les Européens "corrigent leur attitude" (改善态度).
La poursuite des intérêts avant le respect des règles
Cet optimisme est difficilement compréhensible si on ne l’inscrit pas dans le cadre plus large de la politique étrangère de la Chine. L'ambassadeur Su Ge, président du Comité national chinois pour la coopération économique dans le Pacifique, revient sur les conclusions de la Conférence centrale de travail sur les affaires étrangères, qui s'est tenue à Beijing en juin 2018. Cette conférence est un moment important de définition des orientations de politique étrangère, ou selon ses propres termes, de "la diplomatie de grande puissance aux caractéristiques chinoises sous la direction de Xi Jinping". La priorité définie en 2018 est de "stabiliser les relations entres grandes puissances" dans le contexte de la guerre commerciale sino-américaine. En conséquence, l'approfondissement des relations de la Chine avec l'UE, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne et l’optimisme des analystes reflètent une intention de créer un meilleur équilibre stratégique dans l’environnement international de la Chine.
Or comme l'énonce clairement Sun Yan, du département d'études européennes de l'Académie chinoise des sciences sociales, le principal défi pour les relations UE-Chine est de savoir comment les deux parties vont gérer leur "compétition en matières de normes" (规则之争). Sur cette question, comme beaucoup de commentateurs chinois, Sun Yan place l'opportunisme et le rapport de forces avant les valeurs absolues. "En réalité, dans ce monde, il n'y a pas de justice absolue dans les règles internationales, et aucun système international n'est capable de satisfaire pleinement toutes ses parties prenantes. La meilleure approche est de bien saisir les grands principes directeurs et les tendances des intérêts de toutes les parties prenantes, afin d'établir des règles qui ménagent les intérêts de la majorité des pays". Cette manière d’aborder les règles internationales comme le reflet d'un rapport de force, plutôt que dans une logique de "benchmarking" ou dans une quête de "meilleures pratiques" imprègne toutes les analyses chinoises des négociations sino-européennes en cours sur un possible accord d’investissement bilatéral.
Références
(1) "Make joint efforts with a positive and pragmatic attitude to reach a win-win bilateral investment treaty, and launch a joint feasibility study on China-EU Free Trade Area at an early date to build a sound institutional framework for upgrading the economic and trade cooperation". "China’s Policy Paper on the European Union", Xinhua, 18 December 2018. http://www.xinhuanet.com/english/2018-12/18/c_137681829.htm
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