Déclin de l'Occident
Plus sérieusement, sur le plan géopolitique, l'épidémie de coronavirus constitue un triple accélérateur de l'Histoire. Elle confirme la montée en puissance de l'Asie (principalement orientale), qui ne saurait se réduire à la Chine, et le déclin de l'Occident. La pandémie est une confirmation supplémentaire des faiblesses de l'Amérique. La première puissance militaire mondiale s'est trouvée singulièrement désarmée face au virus. Son système de santé, profondément inégalitaire, a laissé quasiment sans protection ses citoyens les plus pauvres. Son leadership politique, caricatural, a affaibli encore davantage la réalité et l'image des États-Unis. Dans quelques mois, l'Amérique peut certes retrouver un peu de sa dignité et de son humanité. Barack Obama, dans un grand discours de soutien à Joseph Biden, vient d'indiquer la voie à suivre : elle suppose l'unité des démocrates derrière leur candidat. Les chances de Biden sont réelles. Pourquoi les Américains ne puniraient-ils pas les républicains au pouvoir de leurs échecs, au moins initiaux, face à la pandémie ? Mais, même si Trump est défait, l'Amérique ne retrouvera pas la position centrale qui fut la sienne pendant trois quarts de siècle.
Mensonge chinois
Cela ne signifie pas que la Chine reprendra le flambeau. La crise du coronavirus a en effet exposé aussi bien les fragilités de l'Amérique que celles de la Chine. Le mensonge d'État, l'absence totale de transparence de Pékin, la chute brutale de la croissance et les risques de reprise de la pandémie nous font plutôt entrevoir un monde apolaire que bipolaire. Et ce ne sont ni la Russie ni l'Union européenne qui peuvent prétendre combler ce vide au sommet. Tout comme l'Iran des mollahs et la Turquie d'Erdoğan, la Russie de Poutine risque de sortir affaiblie de cette crise sanitaire, qui agit davantage comme un révélateur de leur faiblesse interne que comme la démonstration de la supériorité de leurs régimes autoritaires.
La revanche de Merkel
Et l'Europe ? Après un début incertain, elle a - largement portée par un trio de femmes, Angela Merkel, Ursula van der Leyen et Christine Lagarde - retrouvé des couleurs. Mais la crise du coronavirus a plus démontré la force de l'Allemagne que celle de l'Union. Pourquoi, avec une population plus nombreuse, la République fédérale a-t-elle enregistré cinq à sept fois moins de décès que les autres "grands" d'Europe ? Angela Merkel, que l'on disait "finie", jouit à nouveau, auprès de ses concitoyens, d'un niveau de confiance auquel nul autre dirigeant européen ne saurait prétendre.
Au-delà de ces grandes lignes - moins d'Amérique, plus d'Asie, plus d'Allemagne en Europe - qui préfigurent peut-être ce que sera le monde de 2030, il existe une série d'interrogations sans réponses. Le Covid est-il bon ou non pour les populismes ? Comment trouver le juste équilibre entre sécurité et liberté ? Comment, surtout, récréer de la cohésion sociale à partir d'une confiance retrouvée ?
Ajouter un commentaire