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24/08/2017

Attentats en Espagne : résilience, patience et intégration

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Attentats en Espagne : résilience, patience et intégration
 Dominique Moïsi
Auteur
Conseiller Spécial - Géopolitique

Avec l'aimable autorisation de Ouest-France.

Dominique Moïsi, conseiller spécial de l'Institut Montaigne, donne son analyse sur la réponse à adopter face aux nouvelles attaques terroristes que vient de subir l'Europe.

"Nous n'avons pas peur". De manière spontanée, la foule qui s'est retrouvée dans les rues de Barcelone, au lendemain d'un attentat qui a fait plus de cent victimes de plus de trente nationalités, a trouvé la réponse juste et digne, par cette démonstration d'unité et de fermeté. Le débat virulent existant entre identité nationale et régionale (entre Espagne et Catalogne) a, pour le moment du moins, été mis entre parenthèses.

Après Paris, Bruxelles, Londres, Nice et Berlin, le choix de Barcelone comme cible des terroristes n'est pas une surprise. Ville-Monde, symbole d'ouverture et de tolérance par excellence, Barcelone est aussi la cité qui a attiré le plus grand nombre d'immigrants venus du Maghreb, en son sein comme à sa périphérie. Il était inévitable qu'un jour le centre de recrutement se transforme en cible des terroristes.

Sur le point d'être totalement défait sur le terrain, de l'Irak à la Syrie, Daech active les cartes qu'il possède encore, à savoir les cellules dormantes de ses réseaux terroristes. Ils se retrouvent dans le cas espagnol parmi les immigrés de la deuxième et troisième générations qui ne se sentent ni Espagnols ni Marocains, et qui trouvent dans l'islam radical une réponse à leur quête identitaire. Et la chute de Mossoul et de Raqqa, la fin du prétendu État islamique, l'échec patent du rêve de reconstitution du Califat, ne suffiront pas à calmer leur profond malaise identitaire.

Les démocraties, dans leur lutte contre le terrorisme fondamentaliste, font d'abord face à un problème de calendrier. Les réponses existent, mais elles sont pour l'essentiel à long terme, alors que les peuples entendent légitimement mettre fin le plus rapidement possible à ce qu'ils ne peuvent vivre que comme une descente aux enfers.

Une réponse européenne

La forme la plus efficace de prévention est l'intégration, la méthode de déradicalisation la plus durable est l'éducation au dialogue. Sur ce plan, la police de proximité - contrairement à ce que prétendent certains - peut se révéler comme un outil d'information, de dissuasion, sinon de protection très utile dans un continuum de mesures qui vont de l'intervention militaire sur le terrain contre ce qui reste de Daech, jusqu'au renforcement des services de renseignement et de police.

Jusqu'à présent, les démocraties n'ont pas perdu la guerre contre le terrorisme. Elles ont gardé leur sang-froid, et n'ont pas cédé aux tentations populistes. Elles sont restées fidèles, pour l'essentiel, à leurs valeurs. Si l'objectif de Daech était, à partir de la constitution d'un État Islamique, de semer le désordre et la division dans le camp des démocraties occidentales, il a doublement échoué. Mais, si nous avons gagné "difficilement" la bataille de Mossoul, nous sommes loin d'avoir "gagné la guerre".

De manière systématique, les stratèges de Daech ciblent l'Europe, en qui ils voient le maillon faible de l'Occident démocratique. Paradoxalement, ils pensent en termes européens, de manière plus spontanée que ne le font les gouvernements des nations européennes eux-mêmes.

Face au défi terroriste, trois mots-clés s'imposent : ceux de résilience, de patience et d'intégration. Face à une menace qui vise délibérément l'Europe dans son ensemble, la réponse se doit d'être européenne. La coopération bilatérale entre deux nations, comme celle qui peut exister entre l'Espagne et le Maroc, est indispensable, mais elle n'est pas suffisante. Parce que, dans le monde, il y a moins d'Amérique et plus de terroristes, il doit y avoir plus d'Europe.

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