C’est un refus idéologique d’une autre nature -animé désormais par la priorité donnée à la protection du climat- que semble défendre Annalena Baerbock. Interrogée par le journal Die Zeit dans un podcast diffusé le 17 mai 2021, elle refuse par exemple de définir sa préférence entre le système communiste et le système capitaliste : pour elle, la politique climatique est à même de tenir ensemble un impératif de justice sociale, dans la mesure où les catégories les plus fragiles de la population sont les premières victimes du changement climatique, et d’assurer une prospérité économique durable, dans la mesure où les technologies vertes sont les principaux vecteurs de la croissance de demain.
Autoproclamée candidate du "renouveau", Annalena Baerbock incarnerait plutôt, sous les traits d’une génération nouvelle, la continuité de l’Allemagne qu’Angela Merkel a modernisée. Le journaliste Ulrich Schulte, auteur d’un essai sur les Verts ("Die Grüne Macht. Wie die Ökopartei das Land verändern will", 2021), va plus loin encore. Selon lui, la candidate écologiste serait même contrainte de prolonger l’action de l’actuelle grande coalition : au lendemain de la pandémie, obligée d’éviter un creusement des déficits publics tout en refusant d'apparaître comme le parti de l'interdiction (Verbot-Partei), elle ne pourrait se permettre aucune rupture significative dans la politique allemande, à l'exception d’une limitation de vitesse fixée à 130 km/h, d’un soutien plus ferme à l'électromobilité, d’une augmentation du prix de la tonne de CO2 et de celle des indemnités chômage... Elle resterait pragmatique et raisonnable, engagée pour le climat, l’Europe, les réfugiés. "Annalena Baerbock incarne l’Allemagne moderne comme aucune autre personnalité politique, écrit Ulrich Schulte : sympathique, décontractée, fondamentalement raisonnable et tournée vers les autres. Mais en aucun cas radicale ou radicalement à gauche.".
Les élections allemandes du 26 septembre représentent à la fois un suspense total et, pour l’Europe, un enjeu relatif. Un suspense, car personne n’est en mesure aujourd’hui de dire qui, de la Verte Annalena Baerbock, du conservateur Armin Laschet, ou même de l’outsider du moment, le social-démocrate Olaf Scholz, gagnera la Chancellerie. Personne ne peut dire non plus quelle coalition le parti majoritaire sera tenu de constituer, ni qui obtiendra le poste de vice-chancelier. Mais contrairement à l’élection présidentielle française de 2022, l’enjeu reste relatif dans la mesure où ces trois candidats sont tous des Européens convaincus. S’ils se différencient, c’est dans la nature de l’investissement allemand en Europe qu’ils entendent porter : Annalena Baerbock, à l’instar d’Olaf Scholz, pourrait défendre une diplomatie européenne plus engagée, une Europe plus politique que ne l’était celle des années Merkel. En cas d’une coalition - plausible -avec les conservateurs encore attachés à l’OTAN et au parapluie nucléaire américain, elle serait amenée à revoir ses ambitions à la baisse : notamment sur l’Europe de la défense et le concept d’Europe "puissance" si ardemment désirés par la France depuis des années.
Copyright : DAVID GANNON / AFP
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