Ralentissement des échanges oui, mais demandes intérieures robustes, aux États-Unis…
Aux États-Unis, le taux de chômage est, à 3,7 %, au plus bas depuis la fin des années 60, et la compensation horaire est en forte progression, à 4,4 % l’an, soit près de 2,5 % après déduction de l’inflation. Le dynamisme salarial entretient celui de la consommation, en hausse de 2,7 % sur un an au deuxième trimestre. À 8 %, le taux d’épargne des ménages est suffisant pour leur permettre d’absorber un choc imprévu, à condition que celui-ci soit jugé temporaire. Le tassement des profits et la révision à la baisse par les entreprises de leurs investissements futurs montrent cependant que ces bons chiffres ont une connotation de haut de cycle, et risquent de se dégrader. L’administration Trump envisage d’ailleurs de réduire les cotisations salariales pour soutenir le pouvoir d’achat, surtout si le renchérissement des importations consécutif aux relèvements de tarifs douaniers nourrit l’inflation. Mais c’est avant tout de la Fed que le soutien va venir : la baisse de l’investissement, la dégradation des indicateurs conjoncturels et le fait que les marchés obligataires anticipent au moins trois baisses de taux supplémentaires l’emporteront probablement sur l’accélération de l’inflation salariale dans les délibérations du comité de politique monétaire (FOMC), avec ou sans pression de la Maison Blanche.
… en Allemagne…
Plus exposée au commerce mondial que les États-Unis, l’Allemagne souffre évidemment plus de la guerre commerciale, ne serait-ce qu’à travers ses 5 000 entreprises opérant en Chine, ce qui explique la stagnation de son PIB au deuxième trimestre et les mises en garde de la Bundesbank pour le troisième. Mais la situation intérieure est encore meilleure que celle des États-Unis : à 3,2 %, le taux de chômage n’a jamais été aussi bas depuis 1974 ; il traduit une forte pénurie de main d’œuvre, que les flux migratoires récents n’ont que légèrement atténuée. Il y a deux économies allemande, en quelque sorte : le secteur manufacturier et les services, étroitement intriqués et dont les indicateurs conjoncturels sont corrélés, souffrent sérieusement de la contraction du commerce mondial. En revanche, le commerce de détail, la construction et le logement sont en pleine surchauffe, avec des indicateurs conjoncturels à leur plus haut historique. Les salaires sont en forte progression, à des rythmes allant de 2,5 % dans l’industrie à plus de 4 % dans la construction. Deux forces opposées travaillent l’économie allemande : d’un côté le commerce mondial déprime l’industrie, d’un autre, la politique monétaire ultra-stimulante de la BCE et les tensions salariales chauffent à blanc la construction et le commerce. Au bout du compte, le cycle industriel aura le dernier mot, mais, partant d’une situation de plein emploi et d’excédent budgétaire (les deux vont d’ailleurs ensemble), l’économie allemande est suffisamment robuste pour résister à un coup de tabac mondial, à condition que celui-ci ne se transforme pas en spirale contractionniste comme en 2008.
… et en Chine !
Comme l’Allemagne, la Chine est tributaire du commerce mondial, et, principale cible des mesures tarifaires et non tarifaires (technologie) des États-Unis, son secteur exportateur est durement touché, comme en témoigne la baisse des exportations (- 4 % en juin) et le fort ralentissement de la production industrielle, encore plus marqué que lors de la crise de 2008. Pourtant, l’économie intérieure ne se porte pas si mal. Par exemple, si les profits des entreprises détenues par l’Etat ou par les investisseurs étrangers, en général tributaires des exportations, ont fortement baissé au premier semestre (- 8 % et - 7 % respectivement), ceux des entreprises privées chinoises ont augmenté de 7 %. Le revenu par habitant est en augmentation de 6,5 % et la consommation par habitant de 5,2 %, répartie presque également entre biens et services. Soutenue par une politique monétaire et fiscale stimulante, la demande intérieure, celle des ménages en particulier, reste vigoureuse, comme en Allemagne, et pour les mêmes raisons.
En résumé, la conjoncture des principales économies mondiales présente d’intéressantes similarités : secteurs manufacturiers plus ou moins durement frappés par la contraction du commerce mondial, et secteurs domestiques soutenus par de robustes demandes intérieures, celle des ménages en particulier, grâce à des situations de plein emploi et au soutien des politiques macro-économiques. La dégradation de la conjoncture industrielle, dont il est peu probable qu’elle s’inverse à court terme, risque cependant de s’étendre aux autres secteurs domestiques. Il est d’ailleurs symptomatique que, selon la compilation des sondages fournie par YouGov, les ménages américains soient devenus plus pessimistes ces dernières semaines qu’au cours des trois dernières années, en dépit d’un bas taux de chômage et de l’accélération des salaires.
Les dettes accumulées depuis 2008 peuvent-elles nous faire basculer ?
Le plus probable est donc que le ralentissement mondial va s’accentuer au cours des prochains mois, et qu’il sera partiellement contré par des politiques économiques budgétaires et monétaires plus agressives. Mais de là à prédire une récession mondiale, il y a un pas. Généralement, les récessions se produisent une fois passé le haut de cycle, sous l’effet de politiques monétaires devenues restrictives — d’où la fameuse inversion de la courbe de taux — et/ou de la résolution violente de déséquilibres financiers, immobiliers ou sur le marché du pétrole, accumulés lors du cycle précédent.
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