Cette organisation est exceptionnelle, et propre à Robert Habeck et Annalena Baerbock. Les nouveaux dirigeants du parti, Omid Nouripour et Ricarda Lang, désignés en janvier 2022, sont déjà revenus en arrière. Il est intéressant de noter qu’ils sont issus de deux courants différents…
Troisièmement, ils partagent la même vision stratégique pour Die Grünen. Tous deux souhaitent accroître la crédibilité et le potentiel électoral des Verts. Ils s'évertuent à élargir la base du parti, à communiquer au-delà de la niche des électeurs écologistes, en s’adressant à l'ensemble de la société. Peter Unfried, journaliste renommé du quotidien de gauche Taz, souligne d’ailleurs en 2019 que les Verts allemands sont passés d’un parti "d'une minorité… à un parti qui voit grand".
Quatrièmement, ils ont des profils complémentaires. Habeck apporte son expérience de ministre du gouvernement du Land de Schleswig-Holstein ; Baerbock, celle de députée au Bundestag ainsi qu'une expérience internationale acquise au Parlement européen. Lui est diplômé en philosophie et a tendance à…philosopher, usant de procédés dialectiques pour discuter des questions politiques ; elle a une formation de juriste et aime connaître les tenants et les aboutissants de chaque dossier. Ils touchent également différents types de publics et sont capables de masquer mutuellement leurs faiblesses. À titre d’exemple, Annalena Baerbock a rapidement su rattraper le faux-pas de Habeck qui, en pleine crise du Covid-19, avait posté sur Instagram une photo de lui en train de lire La Peste de Camus : elle a pris fait et cause pour les enfants souffrant du confinement et a même organisé un "sommet virtuel des enfants".
Enfin, last but not least, tous deux savent séduire les médias sans qu'aucun des deux ne fasse de l’ombre à l'autre. Dans son livre Die Grüne Macht (le pouvoir vert), le journaliste Ulrich Schule affirme qu'"aucun parti n'a maîtrisé les règles de la mise en scène médiatique moderne aussi parfaitement que les Verts. Chaque détail est soigneusement orchestré".
Ces cinq facteurs - ambition personnelle écartée au profit d’une ambition commune, appartenance à la même ligne politique, vision et stratégie partagées, expériences et personnalités complémentaires, et, enfin, profils médiatiques bien distincts - ont été les cinq ferments de la réussite du duo Baerbock-Habeck.
Il ne peut y en avoir qu'un seul
Mais (car il y a toujours un mais) cette équation gagnante n'a pas permis de résoudre l'ultime problème politique : qui allait être le candidat à la tête des Verts ?
Dans les "couples" politiques y compris, il y a toujours un dominant. Chaque Robin a son Batman, chaque Docteur Watson son Sherlock Holmes. Il en va de même en politique. Gerhard Schröder et Joschka Fischer en Allemagne, ou Tony Blair et Gordon Brown au Royaume-Uni, en sont de bons exemples. Chacun, au sein de son tandem, a eu un poste de pouvoir et un rôle à jouer, mais seul l’un des deux s’est retrouvé sur la plus haute marche du podium.
Bien qu’Annalena Baerbock et Robert Habeck occupent les mêmes fonctions, ils réussissent à dépasser les jeux de pouvoir habituels en unissant leurs efforts, devenant des partenaires quasi fusionnels, animés par une ambition commune, celle de mener les Verts à une victoire électorale. Mais ils seront victimes de leur succès. Alors que Die Grünen grimpe dans les sondages, au point de dépasser les partis traditionnels, la perspective d'avoir - enfin ! - la chancellerie à portée de main est un électrochoc. Ils sont soudain confrontés à la question cruciale : qui sera le chef de file - amené, peut-être, à devenir le nouveau chancelier allemand (ou la nouvelle chancelière)? Et cette fois, il ne peut y en avoir qu'un seul.
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