Notre avancée technologique disparaît progressivement et à travers cette évolution, c’est notre compétitivité qui est menacée. Selon Adam Posen, Chef du Peterson Institut de Washington, la position de l’Allemagne évolue sur la chaîne de création de valeur vers le bas et non vers le haut. Pour ce qui concerne la numérisation de l’industrie ou de l‘intelligence artificielle, l’Allemagne est déjà sur le point de décrocher. Nous avons l’impression de quitter une époque technologique que nous avons profondément marqué de notre empreinte, pour entrer dans une époque nouvelle dans laquelle nous n’avons plus aucun rôle à jouer.
Lorsque la Chine éternue, nous avons des frissons
Considérons ensuite le déclin du commerce international. Nous sommes les principaux bénéficiaires du système commercial tel qu’il existe aujourd’hui. Nos entreprises sont implantées sur tous les continents et considèrent le marché mondial comme leur terrain de jeu naturel. Les 30 plus grandes entreprises allemandes réalisent 80 % de leurs revenus à l’étranger. Nous sommes les champions du monde de l’export et nous en sommes fiers. Mais cette propension à exporter nous rend démesurément dépendants de la situation internationale. Des millions d’emplois industriels dépendent en Allemagne de la vitalité du commerce international. Et lorsque l’économie chinoise éternue, nous sommes pris de frissons.
Le renforcement du protectionnisme et la guerre commerciale touchent au cœur le modèle allemand. Les chaînes de valeur sont désormais sous pression et commencent à se diviser. Les courants commerciaux se transforment et l’OMC vit l’une de ses dernières crises d’existence. Ray Dialo, le fondateur du fonds Bridgewater Associates parle d’un changement de paradigme au niveau mondial. "Nous sommes vraisemblablement les témoins de la fin de la mondialisation" affirme Neil Shering, Chef économiste de Capital Economics, dans une note à ses clients. Le monde se divise désormais en blocs économiques rivaux. L’ordre commercial international se dissout progressivement comme du sucre dans l’eau, mettant en crise le modèle économique allemand basé sur ses exportations.
L’esprit du marché ouvert est mort
Considérons enfin la façon dont l’économie se mêle à la politique. L’esprit libéral et le rêve d’un marché ouvert, qui avait si fortement déterminé le tournant des années 2000 est mort aujourd’hui. L’économie mondiale est entrée dans sa phase géopolitique. Les sphères de la sécurité et de l’économie sont de plus en plus liées ; on ne parle plus simplement d’économie mais de géo-économie, car c’est sur ce terrain que les Etats-Unis et la Chine transposent aujourd’hui leur rivalité.
Ce à quoi nous assistons, c’est "la logique de la guerre transposée en termes économiques" (Luttwak), où s’appliquent d’autres règles et d’autres moyens que ceux que nous connaissions. Il s’agit moins de troupes, d’artilleries et de manœuvres militaires, que de zone d’influences commerciales, de domination technologique, de prises de participation hostiles dans les entreprises, de guerre des monnaies et de maîtrise des matières premières... Le contrôle américain des produits de haute technologie chinois, la route de la soie voulue par Pékin, les possible sanctions américaines contre le projet Nord Stream II, toutes ces mesures poursuivent des intérêts géostratégiques évidents.
La nouvelle normalité
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