Sur l’épineux dossier des subventions chinoises, vivement critiquées en cela qu’elles viennent fausser la concurrence, l’accord impose certes des obligations d’information et de transparence, mais ne prévoit ni mécanisme contraignant ni possibilité de sanctions. Du côté des entreprises d’État chinoises, l’UE obtient de la Chine une définition large de ce qu’est une entreprise publique ; c’est là un progrès qu’il faut saluer, bien que les termes restent vagues. En matière de transferts de technologie forcés, l’accord aligne les gains de l’UE avec ceux antérieurement obtenus par les États-Unis, ce qui résulte aussi d’une coordination en 2019 entre Europe, États-Unis et Japon
En ce qui concerne enfin le développement durable, les engagements que prend la Chine sur l’environnement et le climat sont importants et coïncident d’ailleurs avec ses objectifs nationaux de développement des énergies renouvelables et de réduction de ses émissions unitaires de CO2. Mais ces ambitions et engagements résistent difficilement à l’épreuve des faits, car ils sont contredits par l’évolution explosive de la production chinoise de charbon (y compris dans les objectifs fixés par le nouveau plan quinquennal chinois) et par la hausse de la production d’acier en 2020 - un milliard de tonnes, un montant ahurissant.
J’ajouterais à ces trois piliers un quatrième : celui de la mise en œuvre de l’accord, autrement dit l’enjeu des mécanismes d’applications et l’existence d’éventuelles sanctions. Pour les investissements dans les services par exemple, l’accord se contente d’un mécanisme de règlement des différends et des sanctions proches des mécanismes de l’OMC - et, à ce titre, la possibilité de recourir initialement à l’OMC plutôt que de se référer à l’accord lui-même. Dans les éléments relatifs au développement durable, l’accord ne prévoit qu’un arbitrage plus ou moins à l’amiable entre les parties, sans possibilité de sanctions. Dans l’ensemble, l’UE a obtenu de la Chine - ce qui rappelle d’ailleurs les accords conclus entre la Chine et d’autres États - la promesse de groupes de travail bi-annuels et d’une réunion annuelle à un haut niveau politique qui serviront de mécanisme suivi de la mise en œuvre de l’accord. La réunion annuelle se tiendrait au niveau du vice-Premier ministre Liu He et du vice-président de la Commission européenne Valdis Dombrovskis. C’est là une victoire statutaire pour l’UE, car Liu He, principal négociateur de l’accord commercial Chine-États-Unis, n’a commencé à s’impliquer directement dans l’accord UE-Chine que dans les six derniers mois de la négociation.
Quel sera l'impact de cet accord sur l'avenir de la relation entre l'Union européenne et la Chine ? Qu'implique-t-il pour la relation transatlantique ?
Le message véhiculé par les Européens à travers cet accord est complexe : ils affirment leur liberté de négociation, ce qui n’est jamais mauvais, mais abordent l’arrivée au pouvoir de l’administration Biden avec un accord séparé qui rappelle certaines pratiques de l’administration Trump qu’on a pourtant tant dénoncées… Le risque principal soulevé par cet accord est qu’il amène les Européens à croire qu’ils pourront à eux seuls le faire appliquer par la partie chinoise : c’est là une illusion.
Dans l’immédiat, on peut compter sur la prudence de l’administration Biden qui d’une part est sensible à son héritage difficile et qui d’autre part sait que pour les États-Unis aussi, la constitution d’une coordination avec les principaux partenaires économiques de la Chine est une condition de leur capacité à peser avec succès sur celle-ci.
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