Malgré le développement de nouvelles modalités de prises en charge, la France peine encore à pleinement amorcer les virages ambulatoire comme domiciliaire. En 2019, la durée moyenne de séjour à l’hôpital (DMS) est de 8,8 jours en France, pour une moyenne au sein des pays de l’OCDE de 7,6 jours (5 jours aux Pays-Bas et 5,6 jours en Suède). Notre pays fait face à plusieurs défis.
Le manque de coordination entre les acteurs
Les nouveaux parcours de santé impliquent une coordination entre les acteurs de l’hôpital, de la ville et du domicile. En effet, la séparation géographique de ces professionnels de santé complexifie leur travail en commun. De plus, la multiplicité des acteurs intervenant en ville comme au domicile participe à un manque de lisibilité de l’offre de soins libérale pour les acteurs hospitaliers expliquant, en partie, les difficultés que peut rencontrer l’hôpital pour se coordonner avec les services de ville.
Ainsi, la coordination des professionnels et leur bonne information reposent trop largement sur les patients et leurs aidants, qui doivent souvent naviguer seuls dans le système de santé alors même qu’ils ont déjà assez à faire avec la gestion quotidienne de leur maladie. Le développement d’outils numériques, facilitant la mise en relation des professionnels de santé, et l’émergence d’exercices coordonnés en ville représentent des leviers à pérenniser pour faciliter cette coordination.
Une formation insuffisamment tournée vers l’ambulatoire
La formation des professionnels de santé (médicaux et paramédicaux) est peu adaptée aux enjeux soulevés par l’ambulatoire et le suivi à domicile : elle reste centrée sur l’hôpital et n’encourage pas à des échanges interprofessionnels réguliers. Au sein de leur formation initiale comme continue, ces derniers ne sont pas suffisamment sensibilisés au travail en équipe avec des professionnels exerçant en dehors de l’hôpital, ni aux spécificités de l’exercice en ville et à domicile.
Des patients en retrait des nouvelles organisations des parcours
Le patient, pourtant de plus en plus expert de sa maladie, reste encore rarement considéré comme un acteur à part entière de son parcours de santé. En effet, les patients et leur entourage n’ont souvent pas connaissance des différentes options de traitement et des prises en charge existantes. Cette asymétrie d’information empêche la pleine implication du patient dans son parcours de soins et peut conduire notamment à une mauvaise observance de son traitement.
Les modules d’éducation thérapeutique du patient (ETP) représentent un levier d’autonomisation de celui-ci. Ils permettent d’aider les patients à mieux comprendre et à vivre avec leur maladie chronique en leur donnant les outils de compréhension du traitement et du suivi médical. Néanmoins, ces modules demeurent centrés autour de l’hôpital et peu développés en médecine de ville et au domicile du patient.
Des modèles de financement et de tarification peu incitatifs
Le modèle de financement et de tarification, encore majoritairement centré sur une tarification à l'acte, démontre d’une vision très curative du système de soins qui incite peu à une coordination entre acteurs et à l’intégration d’une approche préventive par les professionnels de santé. En effet, les actes de prévention et de coordination demeurent peu ou pas financés, entraînant un écart entre les besoins du patient, les actes pratiqués par les professionnels de santé et leur rémunération. Des modalités de financement au parcours impliquant les acteurs de l’hôpital, de la ville et du domicile se développent mais doivent être pérennisées, pour un plein essor des pratiques ambulatoires et domiciliaires.
D’autres verrous réglementaires représentent également des contraintes supplémentaires pour “sortir” les soins de l’hôpital : certains traitements et modalités de prises en charge doivent ainsi être impérativement délivrés à l’hôpital, obligeant le patient à se déplacer jusqu’à l’hôpital pour obtenir son traitement délivré par la pharmacie hospitalière. Par ailleurs, le financement des innovations en médecine de ville, nécessaires au déploiement du virage ambulatoire, implique la mobilisation de dotations budgétaires, actuellement allouées de manière prioritaire à l’hôpital dans le cadre de leurs missions de recherche.