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Rapport
Avril 2021

Enseignement supérieur et recherche :
il est temps d'agir !

<p><strong>Enseignement supérieur et recherche :</strong><br />
il est temps d'agir !</p>
Auteurs
Manon Guyot
Responsable des ressources humaines

Manon Guyot est responsable des ressources humaines à l’Institut Montaigne depuis 2021.

Elle a rejoint l’Institut Montaigne en 2018 en tant que chargée d’études sur les questions d’énergie, de villes, et d’enseignement supérieur. Elle a ensuite rejoint la direction du marketing et de la communication pour travailler notamment sur la définition et la mise en œuvre des stratégies de communication corporate, événementielle, digitale, et de marque.

Diplômée de l'Université McGill en sciences politiques et développement international, Manon a travaillé en tant que responsable événementiel à la NewCities Foundation à Montréal, où elle s’occupait de la gestion du programme de conférences internationales portant sur le développement urbain.

Francis Vérillaud
Ancien conseiller spécial de la direction

Francis Vérillaud a rejoint l’Institut Montaigne en juin 2018 afin d’apporter son soutien à l’ouverture internationale de l’Institut et à son insertion dans le cercle des think thanks reconnus dans le monde. 

Francis a travaillé à Sciences Po de 1991 à 2018, où il a été directeur des affaires internationales et des échanges à partir de 1995 et directeur adjoint auprès de Richard Descoings à partir de 2002. Il a été le principal architecte de la politique d’internationalisation de Sciences Po. 

Avant de rejoindre Sciences Po, Francis a été détaché auprès du ministère français des Affaires étrangères à Mexico, puis à Washington DC et à Santiago du Chili. Il a enseigné l’économie dans plusieurs lycées, à l’Université Catholique du Chili et à Sciences Po. Francis est diplômé en philosophie de l’université Paris Nanterre et diplômé de Sciences Po. Il est Chevalier dans l'Ordre des palmes académiques et dans l’Ordre de la Légion d’honneur. 

Groupe de travail

Présidence du groupe de travail : 

  • Ross McInnes, président du conseil d’administration, Safran

Membres du groupe de travail :

  • Fabrice Bardèche, vice-président exécutif, IONIS Éducation Group
  • Jean-Lou Chameau, président Émérite de Caltech, membre de L’Académie des Technologies
  • Alain Fuchs, président, Université PSL 
  • Frédéric Geraud de Lescazes, directeur des affaires publiques, France et Europe du Sud, RELX Group
  • François Germinet, président, CY Cergy Paris Université
  • Sébastien-Yves Laurent, professeur, vice-président Enjeux de société, Université de Bordeaux
  • Christian Lequesne, professeur de science politique, Sciences Po
  • Bernard Ramanantsoa, directeur général honoraire, HEC Paris
  • Jean-Marc Schlenker, professeur, doyen de la Faculté des Sciences, de la Technologie et de la Médecine, Université du Luxembourg
  • Sascha Spoun, président, Leuphana University of Lüneburg
  • Francis Vérillaud, ancien directeur des affaires internationales, Sciences Po ; conseiller spécial, Institut Montaigne

Rapporteure générale :

  • Axelle Paquer, présidente France, Belgique, Luxembourg, Afrique, BearingPoint

Rapporteurs : 

  • Lucie Cadinot, senior manager, BearingPoint
  • Jean-Michel Catin, ancien directeur de la rédaction enseignement-recherche, AEF
  • Sophie Conrad, responsable du pôle politiques publiques, Institut Montaigne
  • Manon Guyot, rapporteure au sein de l’Institut Montaigne
  • Christophe Jacq, Haut fonctionnaire
  • Gabrielle Leroux

Ainsi que : 

  • Eleonore Casanova, assistante chargée d’études, Institut Montaigne 
  • Joan Elbaz, assistante chargée d’études, Institut Montaigne
  • Ségolène Le Stradic, assistante chargée d’études, Institut Montaigne
  • Emanuel Malz, chargé de mission auprès du directeur des publications, Institut Montaigne
  • Tennessee Petitjean, assistant chargé d’études, Institut Montaigne
  • Gauthier Simon, assistant chargé d’études, Institut Montaigne
  • Julie Van Muylders, assistante chargée d’études, Institut Montaigne
Personnes auditionnées

L’Institut Montaigne remercie également toutes les personnes rencontrées ou auditionnées dans le cadre de l’élaboration de ce rapport.

  • Mohamed Amara, mathématicien, alors président de l’Université de Pau et des Pays de l'Adour
  • Abdelhakim Artiba, président de l’Université Polytechnique Hauts de France
  • Mohammed Benlahsen, président de l’Université de Picardie Jules Verne - Amiens
  • Vincent Berger, alors directeur de la recherche fondamentale, Commissariat à l'énergie Atomique et aux énergies alternatives 
  • Mathias Bernard, président de l'Université Clermont Auvergne
  • Gilles Bloch, président-directeur général, INSERM
  • Frédéric Bos, directeur, IUT de Bordeaux
  • Achille Braquelaire, coordinateur du projet NewDeal, Université de Bordeaux 
  • Dr. Dame Nicola Brewer, alors Vice Provost International, UCL
  • Jean-Charles Cailliez, vice-président Innovation, Université Catholique de Lille
  • Claire Callender, Professor of Higher Education Policy, UCL, Deputy Director, UCL Centre for Global Higher Education
  • Vincent Carpentier, Reader in History of Education, UCL
  • Alain Célérier, alors président de l’Université de Limoges
  • Thomas Clay, professeur des universités, ancien administrateur provisoire de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
  • Christine Clerici, présidente, Université de Paris
  • Thierry Coulhon, président, Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur
  • Jean-Richard Cytermann, alors chef du service de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, Ministère de l'Éducation nationale
  • Chantal Dardelet, directrice du pôle Égalité des chances, ESSEC Business School
  • Lorraine Dearden, Professor of Economics and Social Statistics, Social Research Institute, UCL
  • Michel Dellacasagrande, ancien directeur des affaires financières aux ministères de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur et de la recherche
  • Pierre Denise, professeur de Physiologie Médicale, alors président de l'Université de Caen Normandie 
  • Martine Depas, Partner, Financière de Courcelles
  • Benoît Dintilhac, directeur général des services adjoint, délégué au pôle pilotage et aide à la stratégie, Université de Bordeaux 
  • Bernard Dizambourg, alors président de la ComUE Université Paris-Est Créteil 
  • Joël Drevet, vice-président Patrimoine Immobilier, Université Clermont Auvergne
  • Xavier Duportet, président-directeur général, Eligo Bioscience 
  • Philippe Ellerkamp, président, Avignon Université 
  • Geneviève Fioraso, ancienne Ministre, présidente de l'Advisory Board de l'European Space Policy Institute
  • Christian Gollier, directeur général, Toulouse School of Economics
  • Philippe Grassaud, président, Eduservices
  • Hélène Jacquet, vice-présidente Stratégie et développement, Université de Bordeaux 
  • Jean-Pierre Korolitski, alors Inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, Ministère de l'Éducation nationale
  • Linda Lawrance, alors vice-présidente Ressources Humaines de l’Université Bordeaux-Montaigne et conseillère pour la MIPNES au sein de la DGESIP
  • Yves Lichtenberger, professeur émérite, Université Paris-Est Marne-la-Vallée
  • Simon Marginson, Director ESRC/OSFRE Centre for Global Higher Education, University of Oxford
  • Dr. Giulio Marini, Lecturer (Teaching) in Quantitative Social Science, Social Research Institute, UCL
  • Tristan McCowan, Professor and Deputy Director, UCL Center for Global Higher Education
  • Fabrice Melleray, professeur de droit à l'École de droit, Sciences Po 
  • Emmanuel Métais, directeur général, EDHEC Business School
  • Marc-François Mignot Mahon, président, Galileo Global Education 
  • Jean-Marc Monteil, chargé de mission sur le numérique dans l'Éducation nationale
  • Philippe Moretto, vice-président Recherche, Université de Bordeaux
  • Christine Musselin, directrice de recherche, Sciences Po, Centre de Sociologie des Organisations, CNRS
  • Rozen Noguellou, alors professeur de droit public, Université Panthéon-Sorbonne (Paris I) 
  • Joanne Pagèze, vice-présidente Internationalisation, Université de Bordeaux 
  • Antoine Petit, président-directeur général, CNRS
  • Françoise Peyrard, vice-présidente Formations en charge de la Commission Formation et Vie Universitaire du Conseil Académique, Université Clermont Auvergne
  • Jean-Baptiste Prévost, ancien conseiller au cabinet de la Ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, ancien président de l'Unef
  • Charlyne Quercia, directrice générale, Fondation Bordeaux Université
  • Gilles Roussel, président de l’Université Gustave Eiffel, alors Président de la Conférence des Présidents d’Université
  • Anne-Catherine Rota, Consultant Research Intelligence France and European Commission, Elsevier 
  • Sandrine Rui, vice-présidente Formation, vie universitaire et citoyenne, Université de Bordeaux 
  • Jean-Loup Salzmann, ancien président, Conférence des Présidents d’Université
  • Henri Salha, consultant indépendant 
  • Peter Scott, Emeritus Professor of Higher Educational Studies, UCL Institute of Education
  • Michael Shattock, Visiting Professor, UCL Institute of Education
  • Bruno Sportisse, président-directeur général, Inria 
  • Jérôme Teillard, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, chef de projet Réforme de l’accès à l’enseignement supérieur - Parcoursup 
  • Denis Varaschin, professeur des universités, Historien, alors président de l'Université Savoie Mont-Blanc
  • Philippe Vendrix, directeur de recherche CNRS, alors président de l’Université de Tours

Le système français d’enseignement supérieur et de recherche (ESR) fait face à de nombreux défis depuis plusieurs années : afflux démographique, manque d’autonomie des établissements, sous-financements, manque d’attractivité... La crise du Covid-19 a aiguisé ces difficultés structurelles pour nos universités françaises, qui sont mises à rude épreuve. 

Il n'est pas sûr que la résilience dont elles ont su faire preuve lors de la première vague de la pandémie résiste aux multiples tensions qui sont à l'œuvre, notamment en raison du manque réel de moyens et du sentiment de lassitude des personnels, sans évoquer l’inquiétante souffrance étudiante. La vision et l’ambition pour l’enseignement supérieur et la recherche doivent donc être d’autant plus fortes et permettre de lutter contre les difficultés structurelles des universités que la pandémie a rendu sans doute plus visibles encore

Comment réinvestir au mieux dans notre système ? C’est l’objet de ce rapport, fruit d’une réflexion de plus de deux ans, d’une soixantaine d’auditions d’acteurs français et internationaux du monde universitaire, de la recherche, du privé et du public, ainsi que de cinq visites d’établissements en région et de deux ateliers de réflexions au sein d’universités à Londres et Bordeaux. Ce travail encourage plusieurs transformations structurelles, qui doivent être pensées en lien étroit avec les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il est temps d’agir !

La conviction de ce rapport repose sur trois piliers : 

  1. Les étudiants doivent être mis au cœur du dispositif de l’enseignement supérieur. Ce sont 2,7 millions de personnes qui sont concernées (soit le nombre d’étudiants en France en 2018). Un étudiant sur cinq quitte l’enseignement supérieur sans en être diplômé, soit 75 000 jeunes par an. Seulement 30 % d’entre eux obtiennent leur licence en trois ans (soit la durée réelle de cette formation). 40 % l’obtiennent en quatre ans. Ce constat n’est pas acceptable. Notre système doit devenir centré autour des besoins étudiants avec, d’abord, la mise en place, pour lutter contre les difficultés financières des étudiants, d’un système de prêts à remboursement contingent, universellement accessible, permettant de prendre en charge leurs droits de scolarité mais également des frais de vie ; avec, ensuite, la garantie d’un enseignement de qualité dans le cadre d'une loi de programmation qui engage l'État ; avec, enfin, une augmentation de l'aide sociale auprès de ceux qui en ont vraiment besoin, à hauteur de 250 millions d’euros (les bourses sur critères sociaux représentant quelques 2 Md€ en 2018, cela représenterait une augmentation de 12,5 %).
     
  2. La France doit se mettre en situation de dépenser plus si elle veut pouvoir rivaliser avec les meilleurs systèmes d’enseignement supérieur et de recherche au monde. Le modèle économique de l’enseignement supérieur français, marqué par un sous-financement chronique, n’est en effet plus soutenable. Il faudrait aller jusqu’à consacrer 5 % du PIB français à l’enseignement supérieur et à la recherche, soit 2 % à l’enseignement supérieur (contre 1,5 % aujourd’hui, financé à 77 % par l’État, ce qui est une particularité française) et 3 % à la recherche (contre un peu plus de 2 % aujourd’hui). En termes financiers, cela représente une dizaine de milliards d’euros pour l’enseignement supérieur et une vingtaine pour la recherche.
     
  3. Parce qu’un modèle économique révisé va de pair avec une évolution de la gouvernance, la France doit engager des réformes structurelles de l’enseignement supérieur et de la recherche autour d’une ligne stratégique claire. Notre système a besoin d’une gouvernance solide. Une réflexion sur la répartition des rôles entre administratifs et enseignants-chercheurs élus, mais aussi sur la place d’autres acteurs de la société civile au sein des conseils d’administration est nécessaire. Elle suppose de redéfinir les rapports entre le ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche et les universités, le ministère étant dorénavant chargé de fixer les grands objectifs assignés à ces dernières.

Le constat d’une France en déclin par rapport aux autres pays de l’OCDE

La France recule dans la visibilité au sein des publications scientifiques internationales comme dans l’accueil d’étudiants internationaux. En 2020, parmi les "chercheurs hautement cités" ("highly cited researchers") dans les publications internationales, seuls 2,5 % étaient affiliés à un établissement français, contre 41,5 % pour les États-Unis, 8,3 % pour le Royaume-Uni, et 5,3 % pour l’Allemagne. Par ailleurs, avec 258 000 étudiants internationaux en France en 2017, la France se classe cinquième au niveau international, mais recule de deux rangs par rapport à 2012. Elle peine également à s’imposer dans les classements des universités qui font référence au niveau mondial : avec 30 établissements représentés dans le classement de Shanghai 2020, la France se place en 10e position derrière les États-Unis (206 institutions classées), la Chine (144), le Royaume-Uni (65), l’Allemagne (49), l’Italie (46), l’Espagne et le Japon (40), l’Australie (34) et la Corée du Sud (32).

De plus en plus, les meilleurs chercheurs français, et même souvent les meilleurs étudiants, font le choix de l’international, où les conditions de travail, sans parler des salaires, sont souvent jugées plus favorables comme l’expliquait déjà l’Institut Montaigne en 2010, dans son rapport Gone for Good? Partis pour de bon? Les expatriés de l'enseignement supérieur français aux États-Unis.

Il est temps d’agir face au sous-financement chronique du modèle d’enseignement supérieur et de recherche français

Prétendre rivaliser avec les meilleurs systèmes d’enseignement supérieur et de recherche au monde, c’est se donner les moyens de sa politique. En retard sur le financement, à mi-chemin sur l’autonomie, la France ne se bat pour l’instant pas à "armes égales" avec les meilleurs acteurs étrangers. Alors que pour l’ensemble des pays de l’OCDE, la dépense moyenne par étudiant s’est accrue de 8 % entre 2010 et 2016, elle a baissé de 5 % en France sur la même période

La France doit se mettre en situation de consacrer 2 % de son PIB à l’enseignement supérieur (contre 1,5 % aujourd’hui) et 3 % à la recherche (contre un peu plus de 2 % aujourd’hui). En termes financiers, cela représente une dizaine de milliards d’euros pour l’enseignement supérieur et une vingtaine pour la recherche.

Cette hausse du financement ne peut reposer seulement sur la puissance publique, qui voit ses moyens budgétaires d’autant plus contraints à la suite de la crise du Covid-19, mais elle ne saurait non plus se faire au détriment des étudiants.

L’augmentation du financement privé est nécessaire, à travers une hausse modérée des frais d’inscription en licence et en master (pour les étudiants, hors doctorats) - dans le respect de la décision d’octobre 2019 du Conseil Constitutionnel. Pour qu’il soit juste, un tel financement doit s’accompagner du dispositif redistributif que constituent les prêts à remboursement contingents ("PARC"), d’une aide accrue à destination des étudiants en difficulté financière et d’un engagement durable de l’État en faveur de l’enseignement supérieur, a minima en ne réduisant pas son niveau de financement actuel et en fixant par exemple une trajectoire de financement public pluriannuelle qu’il devra accepter. 

Ce dispositif de "PARC", porté par la Caisse des Dépôts et Consignations ou par une structure publique ad hoc, permettrait l’introduction en France d’un dispositif puissant de soutien aux études supérieures et aux dépenses de vie des étudiants, tout en différant le moment du remboursement à celui de l’accès au marché du travail (rappelons que l’espérance de revenus futurs des diplômés de niveaux bac+3 et +5 est sans comparaison avec celle de ceux qui n’ont pas fait ces niveaux d’études d’enseignement supérieur). À la différence d’un prêt classique, ou même d’un prêt étudiant, le remboursement, qui ne commence qu’une fois les études terminées, est conditionné à l’atteinte d’un certain seuil de revenus.

Prenons l’exemple de Maxime qui, pour financer ses études, a eu recours à un prêt à remboursement contingent. Le remboursement de ce prêt ne commencera donc qu’une fois qu’il sera en emploi et qu’il aura atteint un certain seuil de revenus. 

Dans cet exemple, nous fixons le seuil de remboursement à 1 500 € nets mensuels et le taux de remboursement à 7 %.

Ainsi, si Maxime gagne moins que 1 500 € nets mensuels, il ne rembourse rien. S’il gagne plus, le remboursement se fait à proportion de l’écart de revenus. 

Si Maxime voit ses revenus augmenter à 2 000 € nets mensuels, dépassant ainsi le seuil de remboursement de +500 €, il devra alors rembourser 35 € par mois, soit 7 % de 500 €.

En d’autres termes, plus le revenu de Maxime sera élevé, plus son remboursement sera important, mais ce remboursement ne risque pas de mettre Maxime en difficulté financière, car si son revenu baisse, le remboursement sera également réduit ou nul. 

 

En matière de recherche, il est nécessaire de réformer l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour en faire une véritable agence de moyens, permettant, avec un budget sensiblement accru, le développement important de projets, dans le cadre d’une stratégie ambitieuse refusant le saupoudrage. En outre, nous proposons de développer le Conseil européen de la recherche (CER) pour en faire un pendant européen à la National Science Foundation (NSF) américaine. 

Trouver de nouveaux leviers d’autonomie

Afin de garantir à leurs étudiants un enseignement de qualité, il faut donner aux universités l’ensemble des moyens pour assurer leur réussite. Cela passe notamment par l’immobilier, l’accompagnement social, et le recrutement des personnels. 

Maintenir un égalitarisme de façade entre des établissements qui recouvrent des réalités territoriales très différentesest sous-optimal, en matière d’envergure de la recherche comme de parcours pédagogiques. Au contraire, permettre à chaque établissement de définir pleinement ses ambitions et de se spécialiser serait une reconnaissance de leur autonomie et un gage de qualité. Les stratégies différenciées doivent être soutenues par des modèles d’évaluations et de financements différenciés, tenant compte des réalités de terrain de chaque établissement, et de leur ambition locale, nationale ou internationale. 

En matière d’autonomie des établissements, nous proposons de l’élargir dans de nouveaux domaines :

  • en permettant aux universités souhaitant prendre en charge la gestion de leur patrimoine immobilier de le faire, en lien avec le développement des ressources propres permis par la hausse des droits ;
  • en transférant les prérogatives des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) pour l’accompagnement social des étudiants aux universités qui le demandent. 

En matière d’évaluation, nous proposons dans ce rapport : 

  • de repenser l’évaluation de la recherche et l’allocation des moyens en s’inspirant du système britannique d’évaluation (Research Excellence Framework, REF) ;
  • de refonder l’allocation des moyens à la recherche en l’appuyant sur une évaluation rénovée, ouverte à des experts extérieurs et internationaux, et assumant la différenciation des stratégies ;
  • de réformer la mission du Conseil national des universités (CNU) pour en faire l’acteur central de l’évaluation individuelle, à partir des meilleurs standards internationaux (lettres d’évaluation, évaluateurs externes, pour partie internationaux).

Mettre à jour la gouvernance de nos universités

Un financement accru doit aller de pair avec des réformes structurelles, autour d’une ligne stratégique claire et d’une gouvernance solide. 

Une réflexion sur la répartition des rôles entre administratifs et enseignants-chercheurs élus, le statut des présidents, mais aussi sur la place d’autres acteurs de la société civile au sein des conseils d’administration des universités est nécessaire. Elle suppose de redéfinir les rapports entre le ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche et les universités, le ministère devant être chargé de fixer les grands objectifs assignés à ces dernières.

En matière de gouvernance, nous proposons : 

  • de réformer les Conseils d’administration des universités au regard des standards internationaux (effectifs limités, membres extérieurs majoritaires) et le statut des présidents d’université pour en faire de vrais "entrepreneurs institutionnels" pas nécessairement issus des professeurs de l’établissement ;
  • de mettre en place des Sénats académiques réunissant les professeurs titulaires, s’occupant notamment du recrutement sur les postes ouverts par la présidence ;
  • de donner au président un rôle décisionnel dans la nomination des doyens, sur proposition des conseils de faculté et avis du Sénat académique. 

En matière de recherche, nous proposons :

  • de créer, en complément de l’Agence Nationale de Recherche (ANR), une agence dédiée à l’allocation des moyens des universités en fonction d’objectifs et de résultats et d’une manière différenciée suivant les profils des établissements ; 
  • de redéfinir en conséquence les missions du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), dont la fonction serait renouvelée. 

Renforcer l’attractivité du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche en France

La complexité, spécifique à la France, d’un paysage fragmenté entre différentes administrations, entre universités, établissements indépendants (CNRS, CEA, INSERM…) et unités mixtes de recherche (UMR) pose des problèmes de lisibilité et de gestion des carrières qui nuisent à une vraie intégration entre recherche et enseignement supérieur. Le vivier des doctorants qui s’amenuise est un marqueur du manque de continuum enseignement-recherche pour capter des talents. Les carrières de l’enseignement et de la recherche n’attirent plus suffisamment, et tendent à cloisonner les chercheurs soit côté enseignement, soit côté recherche. La nécessaire revalorisation des contrats doctoraux et des carrières scientifiques doit s’accompagner d’une incitation forte à l’investissement dans l’enseignement pour les chercheurs.

Nous proposons de faire converger localement universités et organismes, notamment sur les labels IDEX et I-SITE, avec la création d'un statut de "professeur attaché" pour les chercheurs et le rattachement des délégations régionales des organismes en totalité, ou en partie, aux universités expérimentatrices.

Transformer la politique des ressources humaines

Le statut des enseignants-chercheurs doit être revu en profondeur, tant dans leur recrutement, que dans la manière de gérer leurs carrières. Les établissements doivent notamment pouvoir jouer sur les rémunérations pour pouvoir se montrer attractifs. Les administrations des universités doivent continuer à se doter des moyens techniques et humains nécessaires à un pilotage performant : comptabilité analytique, contrôle de gestion, ressources humaines…

En termes de ressources humaines, nous proposons : 

  • d’accompagner la mise en place - prévue par le projet de loi de programmation de la recherche - d’une voie de recrutement par une tenure track de 3 à 6 ans avant titularisation, en dehors de la procédure de qualification du Conseil national des universités (CNU), assortie de garde-fous pour garantir la continuité des carrières ; 
  • de moderniser les systèmes d’information et la fonction de contrôle de gestion, en y intégrant une logique de coûts complets ;
  • de dynamiser la réponse aux appels à projets et la recherche de financements alternatifs, qui doit être considérée comme une fonction support essentielle, à investir pleinement par les universités ; 
  • de renforcer les services de soutien, dont le rôle clé doit être mieux reconnu et valorisé.

Nos recommandations

Ce rapport formule un certain nombre de propositions visant à approfondir l’existant. Il encourage aussi plusieurs transformations structurelles, qui ne doivent pas être imposées aux acteurs mais pensées en lien étroit avec ces derniers. 

1
Pour un nouveau modèle de financement de l’enseignement supérieur et de la recherche
Détails

Développer fortement les aides financières aux étudiants qui en ont besoin et faire davantage contribuer les "gagnants" de l’enseignement supérieur

Proposition 1 : Mettre en place en parallèle :

  • un dispositif de prêts à remboursement contingent ("PARC") pour accompagner les étudiants et favoriser leur autonomie face au règlement des frais d’inscriptions. Ce dispositif serait également ouvert au privé, mais plafonné ;
  • une augmentation des droits de scolarité maîtrisée pour les porter de 170 € à 900 € en licence et de 243 € à 1 200 € en master ; lorsque les droits actuels sont à un niveau plus élevé (pour certaines formations), ceux-ci ne changeraient pas ;
  • l’État doit en contrepartie s’engager durablement en faveur de l’enseignement supérieur, a minima en ne réduisant pas son niveau de financement actuel.

Proposition 2 : Augmenter les aides financières à destination des étudiants modestes d’au-moins 250 M€.

En contrepartie de la hausse modérée des frais de scolarité, exiger des universités qu’elles développent des systèmes de bourses, dont elles définiraient elles-mêmes les critères (en parallèle des bourses nationales).

Proposition 3 : ouvrir les prêts à remboursement contingent ("PARC") au financement des frais de vie des étudiants (logement, dépenses courantes, etc.).

Mieux financer la recherche

Proposition 4 : Réformer l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour en faire une véritable agence de moyens, permettant, avec un budget sensiblement accru, le développement important de projets, dans le cadre d’une stratégie ambitieuse refusant le saupoudrage.

Proposition 5 : Développer le Conseil européen de la recherche (CER) pour en faire un pendant européen à la National Science Foundation (NSF) américaine.

2
Pour des universités enfin autonomes
Détails

Redéfinir les rapports entre le ministère et les acteurs de terrain

Proposition 6 : Créer une agence dédiée à l’allocation des moyens des universités en fonction d’objectifs et de résultats et d’une manière différenciée suivant les profils des établissements, qui s’appuierait notamment sur un HCERES rénové pour les évaluations.

Proposition 7 : Redéfinir les missions du HCERES, dont la fonction d’évaluation serait renouvelée, ouverte à des experts et à des comités d’évaluation externes, visant à apprécier la performance globale des établissements au regard de leurs stratégies propres.

Proposition 8 : Recentrer le rôle du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche sur la définition de la stratégie française en matière d’ESR, à long terme et en interministériel.

Renforcer la gouvernance des universités au regard des standards internationaux

Proposition 9 : Réformer les Conseils d’administration (CA) des universités au regard des standards internationaux (effectifs limités, membres extérieurs majoritaires) et le statut des présidents d’universités pour en faire de vrais "entrepreneurs institutionnels" pas nécessairement issus des professeurs de l’établissement.

Mettre en place des Sénats académiques réunissant les professeurs titulaires, s’occupant notamment du recrutement sur les postes ouverts par la présidence.

Donner au président un rôle décisionnel dans la nomination des doyens, sur proposition des conseils de faculté et avis du Sénat académique.

Approfondir le cadre actuel de l’autonomie

Proposition 10 : Permettre aux universités souhaitant prendre en charge la gestion de leur patrimoine immobilier de le faire, en lien avec le développement des ressources propres permis par la hausse des droits. 

Proposition 11 : Transférer les prérogatives des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) aux universités qui le demandent.

Moderniser le cadre de gestion

Proposition 12 : Moderniser les systèmes d’information et la fonction de contrôle de gestion, en y intégrant une logique de coûts complets.

Proposition 13 : Dynamiser la réponse aux appels à projets et la recherche de financements alternatifs.

Accompagner les propositions de la loi de programmation de la recherche sur le recrutement

Proposition 14 : Accompagner la mise en place - prévue par le projet de loi de programmation de la recherche - d’une voie de recrutement par une tenure track de 3 à 6 ans avant titularisation, en dehors de la procédure de qualification du Conseil national des universités (CNU), assortie de garde-fous pour garantir la continuité des carrières.

Proposition 15 : Réformer la mission du CNU pour en faire l’acteur central de l’évaluation individuelle, à partir des meilleurs standards internationaux (lettres d’évaluation, évaluateurs externes, pour partie internationaux).

3
Pour une recherche forte
Détails

Repenser l’évaluation de la recherche et l’allocation des moyens en s’inspirant du Research Excellence Framework (REF) britannique

Proposition 16 : S’appuyer sur l’agence dédiée pour refonder l’allocation des moyens à la recherche en l’appuyant sur une évaluation rénovée, ouverte à des experts extérieurs et internationaux et assumant la différenciation des stratégies.

Renforcer les effectifs de soutien à la recherche

Proposition 17 : Renforcer les services de soutien, dont le rôle clé doit être mieux reconnu et valorisé.

Clarifier les relations entre les organismes de recherche et les universités

Proposition 18 : Faire converger localement universités et organismes, notamment sur les labels IDEX et I-SITE, avec la création d'un statut de professeur attaché pour les chercheurs et le rattachement des délégations régionales des organismes aux universités expérimentatrices.

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