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Primaire de la gauche
Le grand décryptage

Le chiffrage ne permet pas à lui seul de comparer les propositions des candidats. Elles doivent également s'apprécier au regard de leur mise en oeuvre, de leur historique et d'une comparaison internationale.

CandidatPropositionChiffrage *Détail

Benoît
Hamon
Instauration d’un taux européen d’imposition des grandes sociétés + 7,5 Md€ par an Chiffrage
et faisabilité

Arnaud
Montebourg
Orientation de l’assurance-vie vers le financement des PME Coût nul pour les finances publiques Chiffrage
et faisabilité

Vincent
Peillon
Elargissement du taux réduit de l’impôt sur les sociétés + 1,9 Md€ par an Chiffrage
et faisabilité

Manuel
Valls
Création d'un mécanisme pour taxer les entreprises dans les États où leur chiffre d'affaires est réalisé et au prorata de celui-ci Recettes complémentaires potentielles (mais théoriques) de 27Md€ par an Chiffrage
et faisabilité


*+XX Md€ correspond à une dépense supplémentaire ou une diminution des recettes
-XX Md€ correspond à des économies ou des recettes supplémentaires

Quels enjeux pour ces propositions ?

Les candidats proposent tous des mesures relatives à la fiscalité des entreprises. Ces propositions peuvent recouvrir une dimension nationale, européenne, ou internationale s’agissant de la proposition de Manuel Valls.

Benoît Hamon propose que l’Union européenne procède à une harmonisation des taux de l’impôt sur les sociétés. Cette proposition fait échos à des propositions d’harmonisation européenne prenant les standards français pour référence, à l’image de l’institution d’un salaire minimum européen.

Arnaud Montebourg souhaite orienter 10 à 20 % de l’assurance-vie vers le financement des PME françaises. Cette mesure ferait l’objet d’une obligation légale pour tous les contrats d’assurance-vie. Si cette proposition permettrait d’orienter l’épargne des Français vers le financement de l’économie, et donc de faciliter le développement des PME, la question de l’absorption par les entreprises de ces financements nouveaux, du rendement associé des contrats d’assurance-vie ainsi que de la modification de la réglementation européenne se pose.

Vincent Peillon souhaite élargir le taux réduit de l’impôt sur les sociétés : jusqu’au 31 décembre 2016, ce taux réduit concernait les entreprises dont le chiffre d’affaires était inferieur à 7,63 M€ et dont le capital social était entièrement libéré́ et détenu de manière continue, pour 75 % au moins par des personnes physiques ou par une société́ qui satisfait elle-même aux conditions précitées.
 
Manuel Valls, enfin, souhaite créer un mécanisme pour taxer les entreprises dans les États où leur chiffre d'affaires est réalisé et au prorata de celui-ci.

Déjà appliquées ? proposées ?

La proposition formulée par Benoît Hamon est assez nouvelle dans le débat politique national mais constitue un fil rouge des débats techniques en matière d’harmonisation fiscale.

Dès 1992, la Commission européenne proposait, dans son rapport Ruding, de procéder à une harmonisation des taux de l’impôt sur les bénéfices dans une fourchette comprise entre 30% et 40%. La diminution tendancielle du taux de l’impôt sur les sociétés dans les États membres de l’Union européenne rend ces niveaux de taux inenvisageables à ce jour.

La proposition d’Arnaud Montebourg n’a jamais été appliquée telle quelle en France. En revanche, la volonté de mieux orienter l’épargne des Français vers le financement des entreprises est récurrente et a déjà fait l’objet de mesures. La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances (dite "loi Macron") de 2015 a permis la mise en place de contrats d’assurance-vie orientés vers le financement des entreprises non cotées, et notamment des PME (les clients sont alors remboursés en titre et non en liquide, s’ils souhaitent récupérer leur investissement).

La proposition de Vincent Peillon n’a jamais été appliquée en France. Des propositions  d’aménagement du taux de l’impôt sur les sociétés ont cependant été proposées de façon récurrente en France au cours de ces dernières années.

La proposition de Manuel Valls n’a jamais été appliquée en France, bien que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale des entreprises soit un sujet inscrit à l’agenda politique depuis de nombreuses années. 

Déjà testées à l'étranger ?

La proposition d’un taux commun harmonisé de l’impôt sur les sociétés, avancée par Benoît Hamon, est peu reprise dans les débats étrangers. À ce stade, les objectifs d’harmonisation de l’impôt sur les sociétés tendent à se concentrer sur son assiette, tel que l’illustre la proposition de directive effectuée par la Commission européenne en octobre 2016. À ce jour, aucune proposition de directive n’est venue mettre ce principe en pratique.

S’agissant de la proposition d’Arnaud Montebourg, il n’existe pas d’autre exemple connu d’une telle obligation d’orientation de l’assurance-vie vers les PME à l’étranger.

Plusieurs États appliquent un taux réduit d’impôt sur les sociétés à une catégorie limitée de bénéfices imposables, comme le propose Vincent Peillon. En 2010, un tiers des pays de l’OCDE disposaient d’un taux d’imposition des bénéfices réduits applicable aux PME (Aux Pays-Bas ou en Lituanie par exemple). Ces taux n’auraient cependant pas prouvé leur efficacité quant à leur capacité à générer un gain de croissance.

Si la proposition de Manuel Valls n’a jamais fait l’objet d’une application à l’étranger, son objectif est similaire au projet dit"Base erosion and profit shifting" de l’OCDE qui consiste en une série d’actions destinées à limiter la capacité des entreprises à déplacer artificiellement le lieu d’imposition de leurs bénéfices dans le but de le dissocier du lieu de leur réalisation. Ces actions consistent, par exemple, à limiter la capacité des entreprises à localiser leurs profits en usant de la déductibilité des intérêts d’emprunts ou en exploitant les différences de qualifications entre systèmes juridiques.

Comment les mettre en oeuvre ?

La mise en œuvre de la proposition de Benoît Hamon requiert l’élaboration d’une proposition de directive par la Commission européenne ou l’amendement de la proposition de directive, publiée en octobre 2016, relative à l’assiette commune de l’impôt sur les sociétés par les États membres au cours de sa discussion. Cette disposition devra, par la suite, faire l’objet d’une transposition en droit national, sous forme législative.

La proposition d’Arnaud Montebourg pourrait être mise en œuvre par le biais d’une loi, elle concernerait l’ensemble des ménages disposant d’un contrat d’assurance-vie (36,5 % des ménages). Les PME, qui pourraient accéder à des sources de financement supplémentaires, seraient également concernées.

La proposition de Vincent Peillon pourrait être mise en œuvre par le biais d’une loi de finances rectificative dès les premiers mois de la nouvelle législature. Elle pourrait également l’être par la voie d’une loi de finances initiale de fin d’année. Elle concernerait les entreprises dont lechiffre d’affaires est inférieur à 7,63 M€ et dont les profits imposables sont supérieurs à 38 120€.

La proposition de Manuel Valls, enfin, entrainerait une révision des conventions fiscales internationales conclues par la France. Au regard du réseau de conventions fiscales de la France, ce processus ne pourrait être réalisé qu’à long terme. Toutefois, dans le cadre de l’Union européenne, une directive permettrait d’uniformiser les règles applicables en la matière. La procédure applicable en matière fiscale, c’est-à-dire l’unanimité au Conseil de l’Union européenne, comporte cependant un risque quant à la capacité de sauvegarder la substance du projet correspondant à la proposition de Manuel Valls.

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