Par le candidat |
– |
Par l’Institut Montaigne |
1,9 Md€ par an |
Estimation haute |
2,6 Md€ par an |
Estimation médiane |
1,9 Md€ par an |
Estimation basse |
1,2 Md€ par an |
La proposition du candidat aurait pour conséquence un manque à gagner compris entre 1,2 milliard d’euros et 2,6 milliards d’euros par an, consistant en une baisse du rendement de l’ISF comprise entre 23% et 50%.
Il convient de souligner que la suppression de la majorité des dépenses fiscales afférentes à l’ISF permettrait de financer partiellement la mesure, limitant ainsi son impact sur les finances publiques. Le candidat n’a toutefois pas donné d’indication sur le traitement qu’il souhaitait accorder aux dépenses fiscales.
Le candidat propose de modifier l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour en faire un impôt entièrement centré sur la rente immobilière. Plus précisément, le candidat envisage d’exclure de l’assiette l’ensemble des placements “qui financent l’économie réelle”, à savoir les valeurs mobilières – actions, livrets d’épargne ou encore assurance vie. L’abattement existant sur la résidence principale serait néanmoins maintenu, de même que l’exonération pour les œuvres d’art.
Le barème actuel resterait inchangé, de même que le seuil de patrimoine au-dessus duquel un contribuable est assujetti à l’ISF, fixé à 1,3 million d’euros.
En 2016, le rendement de l’ISF s’est élevé à 5,18 milliards d’euros.
La suppression d’une partie de l’assiette de l’ISF se traduirait par une baisse du rendement plus que proportionnelle à la part de l’assiette supprimée dans l’assiette totale. En effet, l’ISF présentant un barème progressif, l’écrêtement d’une partie de l’assiette sans modification du barème conduit mécaniquement à diminuer le nombre de patrimoines assujettis aux taux les plus élevés. Compte tenu de la difficulté d’estimer l’impact d’une suppression partielle de l’assiette sur le taux moyen auquel sont soumis les patrimoines (il faudrait pour cela avoir une idée des niveaux de patrimoine en fonction de l’ISF acquitté), on retiendra ici, pour faciliter le chiffrage, que le rendement diminue à due proportion du rétrécissement de l’assiette.
La suppression d’une partie de l’assiette de l’ISF se traduirait par une baisse du rendement proportionnelle à la part de l’assiette supprimée dans l’assiette totale.
En France, selon l’INSEE, le patrimoine moyen des ménages est constitué pour 55 000 euros de patrimoine financier, pour 164 000 euros de patrimoine immobilier et de 28 000 euros de patrimoine professionnel, soit des parts respectives de 22%, 66% et 11%.
Toutefois, la part relative de chaque catégorie de patrimoine évolue en fonction des revenus. Ainsi, pour le 9ème décile de la population, soit les 10% des français détenant le patrimoine le plus important, le patrimoine financier s’élève en moyenne à 109 000 euros, le patrimoine immobilier à 397 000 euros et le patrimoine professionnel à 11 000 euros, soit des parts respectives de 21%, 77% et 2%.
Si l’ensemble des ménages du 9ème décile ne paye pas l’ISF – de fait, le patrimoine moyen dans ce décile, de l’ordre de 500 000 euros, est plus de deux fois inférieur au seuil d’assujettissement à l’ISF – la composition des patrimoines pour ce niveau de revenus permet d’approcher plus niveau celle des patrimoines des ménages redevables de l’ISF.
Dès lors, en sortant de l’assiette de l’ISF le patrimoine hors immobilier – qui équivaut à 23% du patrimoine total – et en calculant les recettes de l’ISF liées à cette part en 2016, on en déduit que la proposition du candidat se traduirait par une moindre recette fiscale de l’ordre de 1,19 milliard d’euros par an (soit 23 % des recettes totales).
Il faut néanmoins considérer ce montant comme un plancher. En effet, les très hauts revenus (les 1% les plus riches) détiennent un patrimoine financier (constitué d’actions, de livrets d’épargne, de parts dans des sociétés familiales) relativement plus important que les autres catégories de revenus. Or, une partie importante des redevables de l’ISF appartient au dernier centile de revenus. En l’absence de données publiques sur la composition des patrimoines des très hauts revenus, on retiendra comme hypothèse que la part de l’immobilier dans leurs patrimoines s’élève à 50% du patrimoine total. Cette hypothèse peut être étayée par le patrimoine des ménages au regard des comptes nationaux : la moitié du patrimoine des ménages hors entreprises individuelles correspond à de l’immobilier et l’autre moitié à des actifs financiers. Cette hypothèse est également étayée par une étude de l’INSEE sur les patrimoines les plus riches.
Dès lors, selon cette dernière hypothèse, la proposition du candidat se traduirait par un coût pour les finances publiques de l’ordre de 2,59 milliards d’euros par an. Ce chiffrage ne prend pas en compte la progressivité de l’ISF et correspond donc à une hypothèse plutôt basse du coût de la mesure.
Des niches fiscales, ou dépenses fiscales, pour des montants importants, sont adossées à l’ISF. La plupart d’entre elles prévoient des exonérations pour certains types d’investissements. La plus importante est le dispositif “ISF-PME”, qui permet aux contribuables investissant au capital d’une petite ou moyenne entreprise d’imputer une partie de cet investissement sur leur cotisation d’impôt de solidarité sur la fortune. Les dépenses fiscales portant sur l’assiette de l’ISF et non liées à l’immobilier ont représenté un coût pour les finances publiques en 2016 de l’ordre de 1 065 millions d’euros, dont 580 millions d’euros pour le seul dispositif “ISF-PME”.
Ainsi, si la proposition du candidat s’accompagnait d’une rationalisation des niches fiscales liées à l’ISF et portant sur le patrimoine non immobilier, son coût pour les finances publiques pourrait être diminué à hauteur de 1,07 milliards d’euros.
La décomposition de l’assiette de l’ISF en fonction de chaque catégorie de patrimoine n’est pas connue. Il est possible que sur les très hauts revenus du dernier centile (1% les plus riches), la part des patrimoines financiers soit relativement plus importante que pour l’ensemble du dernier décile. Ceci tendrait à augmenter proportionnellement le coût de la mesure pour les finances publiques.
Par ailleurs, la suppression d’une partie de l’assiette devrait faire baisser la part de l’assiette globale assujettie aux taux les plus élevés du barème de l’ISF. Ainsi, la suppression d’une partie de l’assiette conduirait à une baisse plus que proportionnelle du rendement. Toutefois, en l’absence de données sur la répartition des revenus en fonction de l’ISF acquitté, l’impact sur le rendement lié à la baisse du taux moyen de l’ISF est difficile à apprécier.
L’ISF a subi de nombreuses modifications depuis sa création.
Après sa création en 1982, l’ancêtre de l’ISF, l’IGF (impôt sur les grandes fortunes), est supprimé en 1987 à l’initiative du gouvernement Jacques Chirac. Dès 1988, le Premier ministre Michel Rocard décide de le réinstaurer dans un esprit d’association des plus riches à la solidarité nationale et dans le but de contribuer au financement du revenu minimum d’insertion. L’IGF devient alors l’ISF ou impôt de solidarité sur la fortune. Il est resté en vigueur depuis cette date.
Le barème de l’ISF a fait l’objet de révisions régulières. L’ISF prévoit en effet un barème progressif assis sur la valeur du patrimoine.
La dernière réforme en date remonte à 2011. Elle a donné lieu à un relèvement du seuil d’assujettissement à l’ISF, de 790 000 euros à 1,3 million d’euros. De plus, la progressivité de l’impôt s’est trouvée diminuée par la réduction du nombre de tranches, de six à deux. Enfin, les modalités du calcul de l’impôt elles-mêmes ont été remaniées en profondeur, les taux ne s’appliquant plus sur une seule tranche mais sur l’ensemble du patrimoine assujetti, et ce dès le premier euro.
À la suite de l’élection présidentielle de 2012, une contribution exceptionnelle sur la fortune a été instituée, avec pour effet d’annuler la majeure partie de l’allégement permis par la réforme de 2011. Celle-ci ne s’applique plus depuis le 1er janvier 2016. En revanche, un nouveau barème de l’ISF a été réinstauré, constitué de cinq taux applicables par tranche, sur le modèle antérieur à la réforme de 2011. Le seuil d’assujettissement à 1,3 million d’euros n’a pas été modifié.
La brève suppression de l’ISF n’aurait eu aucun effet mesurable à long terme. Pour les ménages, l’allègement de charge pour l’année 1988 est estimé à 4 milliards de francs.
La révision de l’assiette de l’ISF sur le seul patrimoine immobilier n’a quant à elle jamais été votée.
Plus qu’une modification de l’ISF, c’est sa suppression qui est régulièrement proposée dans le débat public.
A cet égard, en 2016, une proposition de loi visant à supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune a été enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale.
Avant cela, en 2010, le président de la République Nicolas Sarkozy avait présenté son projet de réforme de la fiscalité française, lequel prévoyait la suppression de l’impôt sur la fortune. Cette proposition faisait suite au dépôt d’un amendement au projet de loi de finances par 117 députés UMP pour réclamer la suppression simultanée du bouclier fiscal et de l’impôt de solidarité sur la fortune. Il sera finalement conservé mais allégé. Le bouclier fiscal est, quant à lui, supprimé.
Onze pays ont mis en place un impôt sur le patrimoine semblable à l’ISF mais beaucoup l’ont progressivement supprimé.
Le Japon a supprimé ce dispositif en 1950, l’Autriche en 1994, l’Irlande en 1997, le Danemark en 1997, l’Allemagne en 1997, le Luxembourg en 2006, la Finlande en 2006, la Suède en 2007, la Grèce, en 2009. L’Espagne, l’avait supprimé au 1er janvier 2008, a l’a rétabli à cause de la crise bancaire de 2011 de façon temporaire.
L’Italie avait mis en place un impôt global sur le patrimoine mais l’a supprimé sous cette forme en 1992. À celui-ci s’est substitué un impôt sur les seuls biens immobiliers, similaire à la proposition du candidat. L’assiette de cet impôt comprend l’ensemble des biens immobiliers, à l’exception de la résidence principale et des terrains agricoles.
L’expérience suédoise en matière d’impôt sur la fortune permet d’apporter un éclairage sur les effets induits par un tel dispositif. En 2007, la majorité de centre droit suédoise a voté la suppression de l’impôt foncier et de l’impôt sur la fortune. En vigueur depuis 1947, l’ISF touchait les patrimoines nets d’endettement supérieurs à environ 150 000 euros par adulte, soit environ 284 000 personnes (3 % de la population) avec un taux de prélèvement de 1,5 %. En 2006, il avait rapporté 5,9 milliards de couronnes (625 millions d’euros).
Sa suppression visait à attirer les investisseurs et à lutter contre l’exode fiscal. L’impact a été jugé plutôt positif par la population, qui a constaté moins d’épisodes médiatisés de départ de fortunes célèbres. La suppression est compensée en partie par une réduction du montant maximum exonéré d’impôts que les personnes peuvent investir dans des fonds de pension.
La proposition doit être mise en œuvre par voie législative, par le biais d’une loi de finances ou d’une loi de finance rectificative.
Les patrimoines supérieurs à 1,3 million d’euros sont assujettis à l’ISF.
En 2015, 342 942 foyers fiscaux ont déclaré l’ISF pour des recettes s’établissant à 5,22 milliards d’euros (soit une moyenne d’environ 15 200 euros par foyer redevable).
Les évolutions de l’ISF ces dernières années, allant jusqu’à sa suppression, ne semblent pas avoir eu d’effet mesurable à long terme.
Les propositions d’allègement ou de suppression de l’ISF sont toutefois avancées avec un argument commun : l’ISF contribuerait à la délocalisation des patrimoines dans des pays où le patrimoine n’est pas taxé, et nuirait donc in fine au financement de l’économie et au financement des entreprises en empêchant la mobilisation de cette épargne. Inversement, les défenseurs de l’ISF estiment que cet impôt réduit les inégalités de patrimoine. Ils s’appuient à ce titre sur les travaux conduits par Thomas Piketty sur l’étude de l’évolution des patrimoines en France et dans le monde, lequel avance qu’un impôt sur le patrimoine est le seul moyen permettant d’empêcher une augmentation insoutenable à terme des inégalités.
à court terme |
à long terme |
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Effets positifs de la mesure |
Possible réduction de “l’exode fiscal” des patrimoines élevés. |
Hausse possible de l’investissement grâce à la mobilisation de l’épargne constituée par les hauts patrimoines financiers. |
Effets négatifs de la mesure |
Impact sur les finances publiques. |
Hausse des inégalités de patrimoine. |
Commentaire synthétique
La proposition du candidat consiste à réformer l’ISF pour le concentrer uniquement sur le patrimoine immobilier. L’exonération du patrimoine financier répondrait à la nécessité d’encourager la constitution d’une épargne privée mobilisable pour l’investissement des entreprises.
La proposition équivaut à une moindre recette fiscale comprise entre 1,2 milliard d’euros et 2,6 milliards d’euros par an, selon l’hypothèse retenue concernant la part d’immobilier dans le patrimoine des plus hauts revenus. Un montant à mettre au regard des dépenses fiscales hors patrimoine immobilier liées à l’ISF, qui représentent 1,1 milliard d’euros. Ainsi, si la proposition du candidat s’accompagnait d’une rationalisation des niches fiscales liées à l’ISF et portant sur le patrimoine non immobilier, son coût pour les finances publiques pourrait être minoré. Le candidat n’a toutefois pas fait de proposition à ce sujet.
Le candidat inscrit sa proposition dans les débats sur les potentiels effets négatifs de l’ISF : départs à l’étranger des très hauts patrimoines, manque d’incitation à constituer un patrimoine financier et à investir en France. En dépit des réformes régulières du barème de l’ISF, et de son ancêtre, l’impôt sur les grandes fortunes (IGF), aucune étude ne permet à ce stade de confirmer ou d’infirmer cette idée.