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06/01/2021

Vaccination contre le Covid-19 : inspirons-nous des stratégies des autres pays

Vaccination contre le Covid-19 : inspirons-nous des stratégies des autres pays
 Laure Millet
Auteur
Experte Associée - Santé

L’Institut Montaigne a publié en décembre dernier une note intitulée Vaccination en France : l’enjeu de la confiance dans laquelle les auteurs détaillaient les différentes stratégies vaccinales possibles mais aussi les acteurs à impliquer très directement pour faire de la campagne de vaccination contre le Covid-19 une réussite. Alors que la France est plus qu’à la traîne par rapport aux autres pays en terme de vaccination (au 7 janvier 2021 environ 45 000 personnes ont été vaccinées contre plus de 500 000 en Allemagne et plus de 680 000 en Italie), quels seraient les exemples concrets dont la France pourrait (enfin) s’inspirer pour passer à la vitesse supérieure ?

Vaccination en France, quelle stratégie pour quel résultat ?

Lancée le 28 décembre 2020, la campagne de vaccination française doit se dérouler en trois phases d’ici fin 2021 : de janvier à février 2021 objectif de vacciner 1 million de personnes qui sont les résidents d’EHPAD et les professionnels de santé y travaillant ; de février au printemps 2021 objectif de vacciner 14 millions de personnes que sont les plus de 75 ans, puis les plus de 65 ans et les professionnels de santé et médico-sociaux âgés de 50 ans et plus et/ou présentant des comorbidités ; à partir du printemps 2021, la vaccination concernera le reste de la population. 

La vaccination n’est pas obligatoire en France et doit se réaliser à la suite d’un entretien préalable visant à recueillir le consentement du patient mais également à évaluer la situation clinique du patient, à l'informer des bénéfices et des risques du vaccin. La France est l'un des rares pays à accorder des consultations pré-vaccinales avant l'administration du vaccin et, selon plusieurs médecins, c’est une des raisons des lenteurs constatées. 

Face au retard du démarrage de la vaccination en France, le président Emmanuel Macron a confié son impatience face à une stratégie qu’il n’estime "pas à la hauteur". Le ministre de la Santé Olivier Véran a ainsi annoncé mardi 5 janvier une accélération du calendrier vaccinal pour "rejoindre celui de nos voisins dans les prochains jours", si cela est encore possible. Il a également annoncé que l'accès au vaccin serait élargi aux médecins, pompiers et aides à domiciles de plus de 50 ans et, d'ici fin janvier, pour les personnes âgées de 75 ans et plus en dehors des Ehpad. Par ailleurs, les Français qui souhaiteraient se faire vacciner pourront bientôt se signaler via une "inscription" sur Internet, par téléphone ou via l'application TousAntiCovid.

La France est l'un des rares pays à accorder des consultations pré-vaccinales avant l'administration du vaccin et, selon plusieurs médecins, c’est une des raisons des lenteurs constatées.

Aux États-Unis, une mobilisation rapide et méthodique de l’armée sur l’ensemble de la chaîne logistique 

Le Department of Defense américain joue un rôle logistique clé dans l’effort de vaccination national en achetant et distribuant des fournitures médicales dont le ministère de la Défense et les agences fédérales ont besoin. 

Sur le site internet du département du gouvernement fédéral chargé de coordonner et de superviser tous les organismes et fonctions du gouvernement directement liés à la sécurité nationale et aux forces armées des États-Unis, on peut lire qu’à la fin du mois de septembre 2020, l'agence a exécuté plus de 21 000 contrats pour plus de 2 milliards de dollars de fournitures médicales vitales (kits de test, ventilateurs, médicaments, masques, gants, blouses, etc). Pour piloter cette immense chaîne logistique, le ministère a promis l’installation de centres d’opérations similaires à ceux établis en cas d'ouragans.

En parallèle, les États-Unis ont lancé l’opération Warp Speed (OWS) dont l’objectif est de produire et de fournir 300 millions de doses de vaccins aux patients américains d'ici fin janvier 2021, dans le cadre d'une stratégie visant tant à accélérer le développement, la fabrication que la distribution de vaccins, ainsi que des produits thérapeutiques et de diagnostics contre le Covid-19. L'OWS est un partenariat entre les différentes composantes du ministère de la Santé et des Services Sociaux (HHS), notamment le centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC), les instituts nationaux de la santé (NIH), l'autorité de recherche et de développement biomédical avancé (BARDA) et le ministère de la Défense (DoD). 

L'OWS collabore avec des entreprises privées et d'autres agences fédérales, notamment le ministère de l'Agriculture, le ministère de l'Énergie et le ministère des Anciens Combattants. Il coordonne tous les efforts existants du HHS, y compris le partenariat ACTIV (Accelerating Covid-19 Therapeutic Interventions and Vaccines) du NIH, l'initiative RADx (Rapid Acceleration of Diagnostics) du NIH et le travail de la BARDA. Ses actions se focalisent sur le développement du vaccin (accélération des phases de recherche et développement), sur la fabrication du vaccin (le gouvernement fédéral a investi lui-même dans la capacité de fabrication nécessaire) et sur la distribution du vaccin, en lien très étroit avec le Department of Defense. 

Au Royaume-Uni, une implication très large des professionnels pour vacciner et assurer la continuité des soins 

L’Assurance maladie anglaise, le National Health Services (NHS), a lancé une vaste campagne intitulé "Your NHS needs you" pour inciter les professionnels de santé à être volontaires dans le cadre de la politique de vaccination.

Le NHS explique que pour être en mesure d'assurer un programme de vaccination à grande échelle sans avoir d'impact significatif sur d'autres services vitaux, ils recrutent actuellement des milliers de personnes, et en priorité des "vaccinateurs" potentiels.

Le ministère de la Santé et des affaires sociales a récemment modifié la loi afin de permettre à un plus grand nombre de personnes de suivre une formation pour l’administration des vaccins. Elle concerne de nombreux professionnels de la santé, scientifiques et dentistes, ainsi que d'autres personnes ayant suivi une formation appropriée en premiers secours, comme les pompiers ou des bénévoles d’organisme comme la protection civile en France.

Les États-Unis ont lancé l’opération Warp Speed (OWS) dont l’objectif est de produire et de fournir 300 millions de doses de vaccins aux patients américains d'ici fin janvier 2021.

Ces postes flexibles et rémunérés sont donc ouverts à un grand nombre de professionnels. Le NHS souhaite également mobiliser et former des milliers de bénévoles qui peuvent contribuer à assurer la sécurité et le bon fonctionnement des services administratifs et de l’accueil dans les centres de vaccination. 

En Allemagne, priorité à la mise en place de "vaccinodromes" pour vacciner massivement 

En Allemagne, la répartition stricte des rôles entre pouvoir central et local impose une division des tâches entre l’État et les Länder dans la politique vaccinale. Dévoilée en octobre dernier, cette répartition entend confier à l’État la mission de gérer l’approvisionnement en vaccins dans une soixantaine d’entrepôts de stockage, répartis sur l’ensemble du territoire et pour lesquels hôpitaux et casernes pourraient être également mobilisés. 

Côté Länder, ils doivent gérer au niveau régional l’utilisation des stocks et donc l’organisation opérationnelle de la politique de vaccination dont les centres de vaccination équipés en personnel et en matériel de conservation à basse température. Cette répartition permet de gérer, au plus proche du terrain, le nombre de centres à déployer en fonction du nombre de personnes à vacciner dans un premier temps. 

En Allemagne, la répartition stricte des rôles entre pouvoir central et local impose une division des tâches entre l’État et les Länder dans la politique vaccinale. 

Ainsi, le pays compte à ce jour 410 centres de vaccination et a d'ores et déjà approvisionné 136 millions de doses. Par exemple, dans la région de Berlin, un ancien terminal de l'aéroport Tegel fermé en novembre dernier a été transformé en un vaste centre de santé qui sert depuis décembre comme "vaccinodrome". L’objectif est de vacciner dans ce centre 3000 à 4000 personnes par jour. 

En Italie, une communication ciblée autour d’un projet commun pour accélérer le passage à l’acte vaccinal 

Également en avance sur la France du point de vue du nombre de personnes vaccinées, l’Italie a lancé mi-décembre une grande campagne de communication autour d’un clip vidéo présentant la "renaissance" italienne post-Covid. La campagne s’inscrit sous le signe de la fleur "primavera", qui signifie en italien à la fois le nom de la plante "primevère", mais aussi le printemps. 

Cette vidéo, commandée par le ministère de l’Économie et des Finances pour lancer la campagne de vaccination contre le Covid-19, montre comment le vaccin est l’arme qui permettra d’aboutir à un retour à "normale" et à la "vraie" vie (on voit notamment une personne ôter son masque). Le clip montre même les nouveaux centres de vaccination qui ont la forme de "primevères", dessinées par un grand architecte milanais. 

Présentée comme une aventure collective qui requiert la mobilisation de tous et suggère que la vaccination est un acte citoyen, le volet communication de la campagne de vaccination italienne est un exemple intéressant pour la France. Elle vise en effet à redonner de l'espoir, rappeler ce qu’était le monde d’avant, ce qui suggère auprès des plus hésitants aux vaccins que le passage à l’acte vaccinal est indispensable pour "renaître" et reprendre une vie normale. 

 

 

Copyright : Markus Schreiber / POOL / AFP

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