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12/01/2022

Santé 2022 : demandez le programme 

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Santé 2022 : demandez le programme 
 Laure Millet
Auteur
Experte Associée - Santé
 Emma Ros
Auteur
Chargée de projets - Santé

Depuis près de deux ans, la crise du Covid-19 a bouleversé notre quotidien, interrogeant profondément notre rapport à la santé et nos attentes vis-à-vis du système de soins. À l’approche des élections présidentielles, plus des deux-tiers des électeurs expriment vouloir faire de ces thématiques un élément clé de leur choix en avril. Pourtant, 8 sondés sur 10 estiment que ce sujet n’est pas bien traité par les candidats en campagne. Dans ce contexte, l’Institut Montaigne publie "Santé 2022 : tout un programme". Cette note, qui s’appuie sur les précédents rapports du programme Santé et plus de 400 auditions auprès d’acteurs publics et privés, identifie quatre priorités dans le domaine de la santé. 

Impliquer les patients dans le système de santé

Clé au bon fonctionnement de notre démocratie, l’égal accès aux soins constitue un principe fondateur du système de santé français. Celui-ci repose notamment sur l'accès pour tous les Français à une information claire, complète et transparente. Pourtant, le vécu de nombreux patients français en dit autrement : plus d’un tiers d’entre eux déclare avoir l’impression de vivre dans un désert médical. Ce chiffre diffère largement de celui révélé par l’analyse statistique de la densité des médecins, qui identifie qu’environ 10 % de la population vit dans une zone sous-dotée. Cet écart traduit les défauts d’organisation d’un système de santé devenu peu lisible pour un grand nombre de patients. 

Comment dès lors rendre accessible aux patients l’information dont ils ont besoin pour s’orienter dans le système de soins ? Une solution, identifiée dans l’un de nos rapports précédents, est le recours à des indicateurs de qualité des soins. Qu’ils soient focalisés sur les résultats cliniques rapportés par le personnel soignant ou par les patients en termes de qualité de vie et d'expérience, ces indicateurs sont des outils importants pour concourir à l’amélioration de notre système de santé. 

Encore peu recueillis et utilisés en France, leur accueil par les patients est pourtant favorable : 86 % des patients se disent prêts à répondre à un questionnaire d’évaluation de la prise en charge si les résultats de ceux-ci permettent de mieux choisir son professionnel de santé ou son établissement de soins. Ces indicateurs de qualité des soins pourraient aussi favoriser une réforme de la pratique et du financement, en s’intégrant dans les mécanismes de rémunération et les régimes d’autorisation des activités de soins des établissements. 

Faire le pari de l’innovation en santé

Face à ces besoins, le numérique en santé représente un levier formidable pour mobiliser soignés comme soignants autour de projets communs. Au-delà du développement d’initiatives comme les indicateurs de qualité des soins, son déploiement simplifie l'accès aux soins des patients (prise de rendez-vous en ligne, télémédecine) et donne à chacun les outils pour devenir acteur de sa santé (applications de suivi des maladies chroniques). Du côté des soignants, l’e-santé permet de gagner du temps médical en optimisant la gestion administrative et en posant rapidement des diagnostics fiables, tout en garantissant une offre de soins toujours plus personnalisée. Malgré toutes ces promesses, il reste impératif de réduire la fracture numérique et de lutter contre l’illectronisme

Le numérique en santé représente un levier formidable pour mobiliser soignés comme soignants autour de projets communs. 

L’innovation ne se cantonne cependant pas qu’au numérique. Celle-ci s’étend aussi au champ des médicaments innovants, qui depuis plusieurs années permettent aux patients de "vivre avec" certaines maladies dont on mourait il y a encore peu. À la pointe des avancées en biotechnologie, mais aussi de plus en plus onéreux, leur arrivée sur le marché suscite des inquiétudes quant à la capacité de l’État à réguler les prix tout en garantissant leur accès à l’ensemble des patients.

Une inquiétude qui semble fondée, puisque la France est actuellement au 21ème rang en Europe pour les délais moyens d’accès au marché, largement derrière ses voisins allemands (1er), anglais (7ème) ou italiens (10ème). Le CSIS (Conseil stratégique des industries de santé) 2021 et le Plan innovation santé 2030 ont été salués par les acteurs de la santé comme un signe de volontarisme de la part du gouvernement pour faire de ce sujet une priorité stratégique. 

Repenser la gouvernance de notre système de santé

Le système sanitaire fait l’objet d’attentes élevées : 9 Français sur 10 considèrent que la santé et l’hôpital constituent un enjeu important. Le principe de responsabilité populationnelle s’inscrit dans cette logique et entend rendre les acteurs publics comme privés d’un territoire garants de l’amélioration de la santé et du bien-être de leur population. Les actions qui s’ensuivent permettent de considérer holistiquement l’intégralité du parcours de soins, de la prévention à la prise en charge des patients, allant au-delà des oppositions ville-hôpital. À l’échelle locale, cette approche répond ainsi au problème de fragmentation du système de santé français, puisqu’elle donne aux professionnels directement au contact des patients la possibilité de mieux définir leurs parcours de soins. 

Fort des plus de 2 millions de personnes qu’il emploie, le secteur de la santé contribue aussi activement à la création de richesses dans le domaine des industries et technologies de santé mais aussi dans le numérique appliqué à la santé. Malgré ce dynamisme, la filière santé reste structurée en silos. La mise en place d’un tableau de bord de la filière santé par la nouvelle Agence de l’innovation en santé, intégrant indicateurs sanitaires, organisationnels et économiques, permettrait d’améliorer la coordination des acteurs de la santé pour encourager un pilotage efficace du système.

Le secteur de la santé contribue aussi activement à la création de richesses dans le domaine des industries et technologies de santé mais aussi dans le numérique appliqué à la santé.

Il demeure nécessaire d’accompagner cette évolution de la filière santé en renforçant durablement les actions de prévention (qui ne représentent que 2 % des dépenses totales de santé) et en fixant des objectifs de long terme. 

Renforcer les politiques de prévention face à deux défis majeurs

En effet, probable écho à la faible part qu’occupent les dépenses liées à la prévention, la France cumule les facteurs de risque par rapport aux autres pays de l’OCDE. Deux champs prioritaires se dégagent : la santé mentale et le bien-vieillir. 

La crise liée à le Covid-19 a eu des conséquences majeures sur la santé mentale des Français, mises en lumière par un doublement des troubles dépressifs entre septembre et novembre 2020. Alors même que la psychiatrie constitue le premier poste de dépenses de l’Assurance maladie, les patients demeurent mal diagnostiqués et pris en charge tardivement. Le médecin généraliste représente un interlocuteur de confiance à impliquer davantage pour améliorer le dépistage précoce de troubles psychiques. En effet, 60 % des consultations pour troubles psychiques se font en médecine de premiers recours. Si leur formation pour prendre en charge ces patients reste encore incomplète, des mesures doivent être engagées pour promouvoir leur implication en santé mentale. 

Concernant le bien-vieillir, la France connaît depuis une trentaine d'années une forte accélération du vieillissement de sa population : 20 % de la population française a plus de 65 ans et près de 70 % des plus de 85 ans souffrent d’au moins une maladie chronique. Si l’espérance de vie en bonne santé est en hausse dans la dernière décennie, tous les seniors ne sont pas égaux face à la perte d’autonomie et l’espérance de vie à la naissance sans incapacités reste inférieure en France à la moyenne européenne. Afin de promouvoir le "vieillissement actif", notre système de santé doit s’adapter pour mieux répondre aux besoins des seniors, en encourageant le développement de dispositifs de maintien en autonomie et de politiques de prévention ciblées.


Co-écrit avec Laure Mourgue d’Algue, Assistante chargée d’études.

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