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16/06/2017

Nucléaire : les grands chantiers du quinquennat

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Nucléaire : les grands chantiers du quinquennat
 Marc-Antoine Authier
Auteur
Chargé d'études - Energie, Développement durable

 

Au gouvernement récemment formé, Nicolas Hulot, un ancien militant écologiste est ministre de la Transition écologique et solidaire et chargé de l'énergie. Il travaillera donc sous la direction du Premier ministre Édouard Philippe, un ancien d'Areva. Il n'était pourtant pas besoin d'attendre la nomination des ministres pour prédire que le nucléaire soulèverait des interrogations fortes pour le nouvel exécutif. Et pour cause : la situation actuelle appellera à des décisions claires et tranchées pour déterminer l'avenir du parc nucléaire français, dont la durée de vie théorique approche de son terme.

Le temps est compté


 

La dépendance de la France au nucléaire découle de choix politiques forts engagés par plusieurs gouvernements successifs, principalement au cours des décennies 1970 et 1980. Ces choix avaient pour ambition de permettre à la France de gagner son indépendance énergétique alors que le pays dispose de très peu de ressources sur son sol, hormis le charbon. En conséquence, plus de 75 % de l’électricité que nous consommons provient aujourd’hui de l’atome.


 

Le parc qui produit cette électricité est composé de 58 réacteurs qui ont principalement été construits dans les années 1970 et 1980. Il est globalement homogène en termes d’âge, ce qui nous impose de penser la problématique de la prolongation à très grande échelle : la durée théorique de fonctionnement des réacteurs est de 40 ans. Par conséquent, ils arriveront à ce terme au cours de la décennie 2020.


 

L’urgence d’attendre


 

Lors de la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron a promis de maintenir la trajectoire de réduction de notre dépendance au nucléaire fixée par la loi de transition énergétique à 50% de la consommation d’électricité à l’horizon 2025. Cependant, il n’a pas clairement indiqué sa volonté de se tenir aux délais prévus par la loi, qui représentent un défi industriel conséquent pour l’ensemble des acteurs de la filière.


 

Au contraire, le candidat d’En Marche ! s’en remettait aux avis que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) doit rendre courant 2018. Ces avis permettront ou non la délivrance d’autorisation à l’exploitant de poursuivre l’exploitation des centrales sous réserve de travaux de maintenance et de remises aux normes. Les décisions qui en découleront pourraient donc remettre en question la source d’approvisionnement de plus de la moitié de l’électricité que nous consommons actuellement.


 

Pour une approche rationnelle du problème


 

La question du renouvellement du parc appelle évidemment un examen global des avantages et inconvénients sur plusieurs critères :

  • la sûreté, tant pour ce qui concerne la fiabilité des réacteurs nucléaires existants que la sécurité d’approvisionnement du pays ;
  • la compétitivité de l’électricité produite, à la fois en comparant celle du parc existant à celle des autres sources d’électricité (énergies renouvelables, gaz, etc.) et en intégrant le coût des éventuelles dépenses de maintenance étalées sur la période ;
  • la soutenabilité, en mesurant l’impact sur l’environnement des différentes sources d’énergie, et prioritairement les émissions de gaz à effet de serre (GES) qui accélèrent le réchauffement climatique.

 

Comment pondérer ces différents critères ? Y en a-t-il un qui doit être prioritairement apprécié ? L’Accord de Paris, conclu en décembre 2015, a souligné l’engagement des pays européens en général et de la France en particulier à réduire leurs émissions.. Dans la note Énergie : priorité au climat !, l’Institut Montaigne recommande de privilégier toutes les solutions qui permettent effectivement de poursuivre la décarbonation de notre économie à moindre coût. Par conséquent, les politiques de l’énergie devront privilégier une approche rationnelle des politiques énergétiques en cherchant avant tout à répondre aux exigences de réduction des émissions. Le nucléaire, qui émet peu de carbone comme les énergies renouvelables, constitue ainsi un avantage pour la France.


 

Et après ?


 

La prolongation de la durée de vie des centrales, même avec l’accord de l’ASN, doit être déterminée réacteur par réacteur. En effet, le coût d’opportunité d’extension de la durée de ces actifs déjà largement amortis diffère d’un réacteur à l’autre. Ainsi, le chantier qui s’ouvrira dès que l’avis de l’autorité sera rendu ne se réduira pas à une question fermée : prolonger ou non le parc existant. Il devra également proposer de nouvelles capacités de production électrique pour pallier les éventuelles fermetures.


 

En particulier, la question de nouvelles centrales nucléaires se posera. Les donneurs d’ordres anticipent ainsi la production de réacteurs de troisième génération à moindres coûts. Cependant, la question de l’emplacement de ces éventuelles nouvelles centrales se pose : il semble peu aisé pour tout nouvel exécutif de désigner de nouveaux lieux pour la construction de ces réacteurs. Par conséquent, le nouveau nucléaire ne peut s’envisager que sur des emplacements qui sont déjà, aujourd’hui, consacrés à la production nucléaire. Autrement dit, les éventuelles nouvelles centrales pourraient impliquer la fermeture de centrales actuelles.

Pour aller plus loin :

Énergie : priorité au climat ! (juin 2017)

Nucléaire : l’heure des choix (juin 2016)

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