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01/06/2017

Quelles priorités pour réformer le droit du travail ?

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Quelles priorités pour réformer le droit du travail ?
 Marc-Antoine Authier
Auteur
Chargé d'études - Energie, Développement durable

C'était l'un des axes forts du programme du candidat Macron. C'est désormais la priorité du nouveau gouvernement. La réforme du code du travail constituera le premier chantier de l'exécutif en matière de politique intérieure. Quelques jours seulement après le premier conseil des ministres, le président de la République, le Premier ministre et la ministre du Travail ont tous trois rencontré les partenaires sociaux afin d'engager une concertation sur le contenu de la réforme. En effet, si le leader d'En Marche ! avait clairement indiqué les directions qu'il souhaitait donner à sa future loi Travail, il a entretenu le flou sur les détails des mesures qui doivent être négociées avec les représentants des salariés et des employeurs.

Des discussions ont déjà été engagées sur les sujets clés de cette première vague de réforme. Et pour cause : le gouvernement a en effet indiqué que ces mesures devront être adoptées au plus tard à la fin de l’été. Quels sont les principaux sujets des discussions entre le gouvernement et les partenaires sociaux ? Notre décryptage du menu de cette concertation… et nos propositions pour avancer de façon constructive.

Priorité à l’entreprise pour la négociation sociale

L’inversion de la hiérarchie des normes a constitué un point d’achoppement des débats sur le contenu du projet de la loi Travail, présenté à l’hiver 2016. La première version de ce texte prévoyait effectivement de faire primer l’accord d’entreprise sur l’accord de branche et sur la loi. Finalement, la dernière mouture de la loi, adoptée en août 2016, donne seulement la primauté à l’accord de branche sur la loi, sauf pour le temps de travail.

La question du poids relatif de l’accord d’entreprise et de l’accord de branche ne fait pas l’unanimité parmi les organisations syndicales. En particulier, les centrales contestataires restent opposées au primat des accords d’entreprise sur l’accord de branche, y voyant une incitation au “ dumping ” social. Le nouveau gouvernement devra ainsi composer avec ces revendications.

Comme nous l'expliquons dans notre rapport Sauver le dialogue social - priorité à la négociation d'entreprise, l’échelon pertinent pour l’organisation du travail se situe au niveau de l’entreprise. Il permet en effet, par la concertation des parties prenantes, de répondre de la façon la plus adaptée et la plus souple aux besoins particuliers des entreprises et des salariés.

L’Institut Montaigne recommande de faire de l’accord d’entreprise la norme de droit commun pour la fixation des règles générales des relations de travail, dans le respect de l’ordre public social absolu. La loi, le décret et l’accord de branches deviendraient alors supplétifs. Les thèmes où il ne serait pas possible de déroger par accord d’entreprise seraient définis précisément, tout comme ceux relevant de la négociation de branche, que l’on pourrait qualifier " d’ordre public professionnel ".

Regroupement des instances représentatives du personnel

Le nombre et les prérogatives des instances représentatives du personnel (IRP) progressent en fonction du nombre de salariés de l’entreprise. Des seuils existent qui déclenchent la création de ces IRP. Ainsi, des élections de représentants du personnel doivent être organisées à partir de 11 salariés et un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ainsi qu’un comité d’entreprise (CE) constitués à partir de 50 salariés. La multiplication de ces instances a pour inconvénient de générer une complexité qui nuit à l’accomplissement effectif des missions qui leur sont attribuées.

Le gouvernement a engagé la concertation avec les partenaires sociaux dans le but de regrouper ces instances pour offrir plus de lisibilité dans leur fonctionnement, tant pour les salariés que pour les employeurs. Il n’a pas encore précisé la taille des entreprises concernées ni le fonctionnement de cette nouvelle instance. L’objectif est de simplifier la vie de l’entreprise en diminuant les contraintes formelles qui encadrent la représentation du personnel.

Dans l’ouvrageUn autre droit du travail est possible, publié en mai 2016, nous proposons de relever le seuil à partir duquel une entreprise est tenue d’organiser des élections de représentants du personnel de 11 à 20 salariés, tout en laissant cette possibilité ouverte si une majorité des salariés en émet le souhait. En effet, seules 22 % des entreprises de 11 à 20 salariés sont dotées d’une représentation du personnel, ce qui signifie que 78 % d’entre elles organisent des élections sans disposer effectivement de représentation du personnel.

Pour les entreprises de plus de 50 salariés, nous proposons de regrouper les délégués du personnel, le CE, le CHSCT et les représentants syndicaux en une seule instance. Enfin, pour les grands groupes qui disposent d’instances de représentation internationale, le comité central d’entreprise, le comité de groupe et le comité européen pourraient être fusionnés en une instance unique, avec des représentants de commissions aux niveaux géographiques inférieurs.

Référendum d’entreprise à l’initiative de l’employeur

La question du référendum d’entreprise a déjà été largement discutée à l’occasion des débats sur la loi Travail, au printemps dernier. Finalement promulguée en août 2016, la loi a permis l’introduction du référendum d’entreprise à l’initiative des syndicats après la conclusion d’un accord avec l’employeur au préalable. Le gouvernement propose donc d’aller plus loin en permettant également à l’employeur de prendre l’initiative d’organiser un référendum pour engager une réforme en matière d’organisation du travail.

Dans le rapport Sauver le dialogue social, publié avant la présentation du projet de loi, l’Institut Montaigne recommandait déjà d’étendre les référendums normatifs à tout accord qui serait plus favorable que les règles applicables à défaut d’accord. Dans cette même optique, le champ d’application pourrait également être étendu aux questions sensibles, comme la détermination des salaires, la conclusion des contrats et le temps de travail. Il s’agit effectivement d’un levier puissant pour engager un dialogue direct entre salarié et employeur au sein de l’entreprise.

Moratoire sur le “compte pénibilité”

Le compte personnel de prévention de la pénibilité, ou C3P, a également été introduit par la loi Travail. Il compose, avec le compte personnel de formation (CPF) et le compte engagement citoyen (CEC), le compte personnel d’activité (CPA), entré officiellement en vigueur le 1er janvier 2017. Lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’est montré peu enclin à la mise en oeuvre de ce dispositif. Les représentants des employeurs considèrent par ailleurs son application comme beaucoup trop complexe. Les représentants des salariés, s’ils reconnaissent que des ajustements sont nécessaires, y restent attachés.

Les discussions autour de ce compte en particulier cristallisent les critiques qui sont portées contre le CPA en général : garantir aux actifs des droits formels plutôt que de leur octroyer des droits concrets assis sur un mécanisme de financement solide. Le manque de lisibilité et les doutes portant sur la faisabilité de sa mise en oeuvre appellent une réflexion plus globale sur la sécurisation des parcours professionnels. C’est pourquoi nous proposons la fusion de ces trois comptes - C3P, CEC et CPF - en un seul et même compte qui serait libellé en euros et non plus en heures. C’est toute l’ambition du Capital emploi formation qui entend garantir aux individus des droits sonnants et trébuchants.

Plafonnement des indemnités prud’homales

C’est l’un des sujets les plus sensibles de la concertation en cours. L’objectif de cette réforme consiste à donner plus de visibilité et de sécurité aux entreprises sur les indemnités qui devront être versées suite à un litige concernant le licenciement d’un employé. En effet, la longueur des procédures combinée à l’incertitude pesant sur le montant déterminé par les conseils des prud’hommes est régulièrement dénoncée par les organisations patronales. Cependant, l’incertitude vaut aussi pour les employés. Ainsi, le plafonnement des indemnités prud’homales, qui constituerait une sécurité pour les employeurs, s’accompagnera-t-il d’un plancher, qui constituerait une sécurité pour les salariés ?

En tout état de cause, la question du montant des indemnités ne règle pas celle des causes de litige qui en sont à l’origine. C’est pourquoi nous recommandons de réformer prioritairement le code du travail en la matière. Ainsi, en remplaçant le CDI tel qu’il existe par un CDI conventionnel, les conditions de rupture du contrat seraient conjointement déterminées par les deux parties dès la signature du contrat, limitant ainsi le risque de litige.

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