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24/01/2017

Santé : et si on plaçait le patient au cœur du système ?

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Santé : et si on plaçait le patient au cœur du système ?
 Angèle Malâtre-Lansac
Auteur
Ancienne directrice déléguée à la Santé

 

J'assistais lundi 16 janvier au Forum sur l'avenir de la santé organisé par l'OCDE. Le patient et l'usager étaient au coeur de ces échanges entre professionnels de santé, représentants des patients, économistes, ministres de la Santé et décideurs publics comme privés.

Retour sur une journée de débats.

"Value for patients is the True North"

Les systèmes de santé des pays développés sont tous confrontés aux mêmes défis : des dépenses croissantes poussées par le progrès technique et la multiplication des maladies chroniques, des populations vieillissantes aux besoins de plus en plus complexes, et, enfin, des organisations cloisonnées et opaques qui ne répondent plus aux attentes des patients. Une analyse que nous avions d’ailleurs détaillée pour le cas français dans notre rapport Réanimer le système de santé, Propositions pour 2017.

Face à ces défis, de nombreuses questions se posent : vers quels objectifs doivent tendre les systèmes de santé ? Comment peuvent-ils se réformer pour permettre à chacun d’avoir accès à l’innovation ? Comment doivent-ils adapter la prise en charge aux nouveaux besoins des patients ? Comment garantir la qualité comme la pérennité financière de ces systèmes ? Pour tous les intervenants présents, la réponse à ces questions se trouve dans la capacité des systèmes de santé à être entièrement tournés autour du patient et de ses besoins.

Michael Porter de la Harvard Business School et créateur de l’ICHOM (International Consortium for Health Outcomes Measurement) a insisté sur le fait que tout système de santé doit être jugé à l’aune de la valeur apportée aux patients. L’amélioration comme la mesure de cette valeur permettront de transformer les systèmes de santé et doivent être au centre des préoccupations des décideurs. Aujourd’hui, les indicateurs sont souvent partiels puisque, trop souvent, on ne prend en considération que des indicateurs médicaux, sans tenir compte du ressenti des patients ni de leur qualité de vie pendant et après les soins.

Pourquoi mettre le patient au cœur du système de santé ?

Nos besoins de santé sont cycliques. Nos interactions avec le système de soins évoluent tout au long de la vie : d’utilisateur occasionnel, nous pouvons devenir patient chronique pendant plusieurs années, puis aidant auprès d’un proche, avant de redevenir un utilisateur occasionnel.

Cette périodicité est une donnée nouvelle et doit révolutionner la façon de construire nos systèmes de santé. "Patients have changed, systems have not" : pour le gériatre Samir Sinha du Mount Sinai Hospital (Canada), alors que les besoins en soins primaires et en gériatrie n’ont jamais été aussi élevés en raison du vieillissement de la population et du développement des maladies chroniques, la médecine générale comme la gériatrie sont insuffisamment valorisées. Les soins sont dispensés en silo, par des acteurs multiples souvent sans lien entre eux, laissant les patients perdus dans le dédale de systèmes de plus en plus cloisonnés et complexes.

Aujourd’hui, les patients ayant le plus d’interactions avec le système sont les malades chroniques, souvent âgés et dont les besoins sont complexes. Le Dr David Blumenthal du Commonwealth Fund montrait qu’aux États-Unis, 5% des patients concentrent près de 50 % des dépenses de santé. On constate un ratio similaire dans la plupart des pays de l’OCDE. Devant ce constat chiffré, seule une pratique coordonnée entre les différents acteurs, généralistes comme spécialistes, tout au long des parcours, et une médecine primaire solide pourront répondre aux besoins de ces patients. Pour Petra Wilson, du Digital Health and Care Institute (Ecosse), ce sont eux qui doivent être au cœur de la réflexion et demandent une attention toute particulière. Les associer à la prise de décision et à la gouvernance comme à l’organisation des soins est une nécessité pour transformer la prise en charge et la rendre plus efficiente. On retrouve là une des propositions phares de la conférence de citoyens sur la santé organisée par l’Institut Montaigne en 2012-2013 : mettre le patient au cœur du système, lui donner une information transparente pour l’aider à s’orienter et l’associer aux décisions.

Comment transformer les systèmes de soins pour les centrer autour des patients ?

Martin Roland de l’Université de Cambridge a présenté les dix recommandations d’un rapport (janvier 2017) réalisé par le Commonwealth Fund et la LSE pour permettre aux systèmes de santé de répondre aux patients ayant les plus grands besoins ("high needs, high costs patients").

Un consensus s’est dégagé autour de plusieurs mesures fortes :

  • des parcours véritablement coordonnés et intégrés grâce à une médecine primaire mieux structurée, plus de généralistes et de gériatres, des systèmes de paiements et de tarification encourageant la coordination et la qualité (et non plus la multiplication des actes) et une communication plus fluide entre les différents professionnels engagés autour du patient ;
  • l’identification des patients ayant les besoins les plus élevés. Isabelle Durand-Zaleski (Hôpital Henri Mondor) a ainsi présenté le dispositif PAERPA déployé en France depuis 2014 et visant à identifier les personnes âgées dont l’autonomie est susceptible de se dégrader rapidement ;
  • la prise en compte et l’intégration des patients comme de leurs aidants dans la prise de décision les concernant, Petra Wilson parlant ainsi de co-création dans les décisions ;
  • la mesure des résultats obtenus et de la valeur apportée aux patients grâce à des indicateurs standardisés prenant en compte à la fois les résultats médicaux, l’expérience patient et la qualité de vie à long terme.

C’est en réaction à ces échanges et à ces mesures phares que se sont exprimés les ministres de la Santé du Canada, du Costa Rica, de la Finlande, du Japon, de la Norvège, de la Turquie et le directeur général Santé et sécurité à la Commission européenne en identifiant des programmes pilotes et des bonnes pratiques dans leurs pays respectifs.


 

L’Institut Montaigne se réjouit que la réflexion à l’échelle internationale prenne aujourd’hui clairement en compte le rôle croissant du patient dans le système de soin. C’est autour de cet enjeu majeur et de celui de la qualité des soins que nous avons construit cinq axes de propositions dans notre rapport sur les politiques de santé : Réanimer le système de santé, Propositions pour 2017 (juin 2016).

Angèle Malâtre-Lansac est Directrice déléguée à la Santé à l'Institut Montaigne.

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