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19/01/2017

L'indispensable transition vers une économie circulaire

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L'indispensable transition vers une économie circulaire
 Marc-Antoine Authier
Auteur
Chargé d'études - Energie, Développement durable

 

À l'occasion du forum économique mondial, l'Institut Montaigne porte son rapportÉconomie circulaire, réconcilier croissance et environnement. Il est le fruit des travaux d'un groupe piloté par Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez, et Jean-Dominique Senard, président de Michelin. Cet article a également été publié sur le site desEchos.

Le modèle de croissance actuel n’est pas soutenable. Il aura fallu attendre l’Accord de Paris pour que la communauté internationale prenne collectivement acte de cette réalité. Lutter contre le changement climatique n’est plus un pari sur l’avenir, mais bien une urgente nécessité. Or, si nous voulons également préserver la création de richesses sur le long terme, nous devons repenser nos modèles économiques pour les rendre à la fois pérennes et compatibles avec la préservation de notre environnement. Nous n’avons d’autres choix que de changer de paradigme.

Il s’agit donc de renouveler le schéma linéaire issu de la révolution industrielle et qui aujourd’hui encore régit largement le fonctionnement de nos économies. Fondé sur l’extraction de matières, leur transformation, la consommation des produits finis et la production de déchets, il génère les dégâts que l’on sait sur notre environnement, et notamment sur les ressources naturelles. Ainsi, au cours du XXe siècle, leur prix a été quasiment divisé par deux en monnaie constante, alors que la population mondiale a quadruplé et que la production économique a été multipliée par 20, provoquant une hausse de la demande extrêmement forte.

Lors de la Conférence de Paris, la communauté internationale a pris acte des limites de ce modèle de croissance. La Conférence de Marrakech a précisé le plan d’action. Il est aujourd’hui temps d’en tirer les conséquences et d’accélérer la transition vers une économie circulaire. Le forum économique mondial de Davos doit être l’occasion pour les dirigeants de donner l’impulsion.

Cette transition se traduira par l’ensemble des transformations qui permettent de poursuivre la création de valeur pour les différents acteurs économiques (dont les consommateurs finaux), en préservant le capital naturel de notre planète et en réduisant notre dépendance aux ressources qu’elle ne contient qu’en quantité limitée. Ces transformations ont une double vertu : limiter les externalités négatives et soutenir la croissance, la consommation et l’innovation.

Les bénéfices d’une telle transition concernent en premier lieu notre planète. En imitant les mécanismes à l’œuvre dans la nature, l’économie circulaire transforme les déchets en de nouvelles ressources et évite le gaspillage. Selon la Fondation Ellen MacArthur, au niveau européen, près d’un tiers de la nourriture est gaspillée tout au long de la chaîne de valeur, tandis que la mise en place d’une agriculture de précision pourrait réduire de 20 à 30 % l’utilisation d’engrais et d’eau.

Les opportunités de création de valeur économique existent bel et bien. Alors que les entreprises n’ont d’autre choix que de se réinventer pour s’adapter à la révolution numérique, l’économie circulaire apporte des solutions concrètes pour stimuler l’innovation, imaginer le travail de demain et repenser nos habitudes de consommation. Il s’agit donc de saisir ces opportunités plutôt que de les laisser nous acculer dans la peur.

En intégrant les externalités négatives aux modèles d’affaires et de société, les acteurs économiques opteront pour des comportements plus vertueux sur le plan environnemental : réduction des émissions de gaz à effet de serre, écoconception des produits, changements des modes de consommation en faveur de la fonctionnalité, etc. Les individus, les associations et les entreprises constitueront ainsi les moteurs d’une transition globale dont la réussite dépendra en grande partie des initiatives qu’ils sauront mettre en œuvre.

Les États, pourtant, peuvent d’ores et déjà jouer un rôle clé pour créer et soutenir cette dynamique. Ils disposent de deux leviers majeurs : la mesure et l’incitation. Encourager la mesure permettra d’abord d’établir un état des lieux solide de la situation, de fixer des objectifs ambitieux et d’engager des démarches pour les réaliser ; puis, créer l’incitation permettra d’aligner les intérêts des acteurs privés et de la puissance publique.

Les transformations à engager, qu’elles concernent les entreprises, les pouvoirs publics ou les consommateurs, sont complexes et appellent une concertation de toutes les parties prenantes, d’autant plus que les logiques collaboratives constituent un élément clé de cette transition.

L’économie circulaire, pour autant qu’elle relève du bon sens, ne doit pas céder à la tentation des solutions simplistes. Cette dynamique de dialogue engagé et d’action concertée que la COP21 a impulsée et la COP22 prolongée doit nous permettre de poursuivre collectivement les efforts. La transition vers l’économie circulaire doit engager le plus grand nombre d’acteurs si nous souhaitons que soient renouvelées de façon crédible les promesses de croissance. Les décideurs ont aujourd’hui l’opportunité de donner une impulsion décisive.

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