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08/12/2016

Enquête PISA : trois questions à Laurent Bigorgne sur notre système éducatif

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Enquête PISA : trois questions à Laurent Bigorgne sur notre système éducatif
 Institut Montaigne
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Les résultats de la dernière enquête PISA 2015, publiés le 6 décembre 2016, confirment la situation du système éducatif français : le niveau des élèves français est dans la moyenne des pays de l'OCDE et un manque d'équité.
Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne, réagissait à la publication de cette enquête sur RTL, le 6 décembre 2016.

Que révèlent les résultats de PISA de notre système éducatif ?

Un certain nombre de pays ont connu ce qu’on a pu appeler un "PISA choc", du fait de leurs mauvais résultats lors des précédentes éditions. L’Allemagne, évidemment, mais d’autres pays en Europe centrale ou en Asie, ont pris des mesures assez radicales afin de faire évoluer le niveau scolaire de leurs enfants aux exigences nouvelles du monde dans lequel nous vivons.

Les résultats de cette enquête PISA 2015 sont préoccupants à bien des aspects, mais surtout sur deux points :

  • le niveau de notre système éducatif est trop faible. Il s’inscrit certes dans la moyenne des pays de l’OCDE, mais, rappelons-nous, néanmoins, que parmi les 35 pays de l’OCDE, se trouvent des pays comme la Turquie ou le Mexique, qui ne disposent pas du même niveau de vie que le nôtre. La France qui est le 5e ou le 6e pays le plus riche du monde ne peut pas se satisfaire d’être juste à la moyenne. Le classement PISA devrait refléter notre niveau de performance économique ;
  • elle révèle la photographie d’une France pleine de disparités, sans doute aujourd’hui le pays le plus inégalitaire parmi les pays membres de l’OCDE. L’écart très grand révélé par cette nouvelle édition entre les performances à 15 ans des élèves des lycées généraux et technologiques, d’une part, et des élèves des lycées professionnels, d’autre part, l’illustre parfaitement.

Doit-on se résigner ?

Comment peut-on accepter que le niveau des élèves à 15 ans s’explique majoritairement par l’origine sociale de leurs parents, alors que douze ans de scolarisation auraient dû pallier ces inégalités ? Pour de nombreuses politiques publiques une petite musique s’est installée dans les discours “on a tout essayé”. Tout n’a pas été tenté contre le chômage, loin s’en faut. De la même manière, il serait faux d’avancer que l’on a tout essayé pour inverser la courbe de nos résultats scolaires. Les enseignements de la recherche en attestent, l’un des leviers les plus puissants pour réduire l’échec scolaire et combattre le déterminisme social, est l’organisation du système éducatif autour d’enseignants très formés, très accompagnés, très incités à innover et à atteindre des objectifs toujours plus ambitieux ; et ce dès la toute petite enfance. Or, notre pays dépense près de 20% de moins par enfant que la moyenne des autres pays de l’OCDE pour l’éducation primaire.

Certains enseignants sont très motivés mais leurs salaires ne sont pas très attractifs - ce qui pose, à terme, la question de l’attractivité de ce métier -, des progressions de carrières peu intéressantes, un encadrement peu formé au management, et parfois des conditions matérielles difficiles. Cet ensemble, pour lequel l’encadrement intermédiaire de l’Éducation nationale ne joue pas pleinement son rôle, produit des résultats avec lesquels nous vivons depuis un certain nombre d’années. Ce débat doit être  au cœur de la campagne présidentielle à venir afin qu’un certain nombre de solutions concrètes émergent.

Comment accroître l’équité et l’efficience de notre système scolaire ?

Notre système scolaire est empreint de forts paradoxes : la France a réussi le tour de force de scolariser  98% des enfants de 3 ans, peu de pays dans le monde y parviennent. En revanche, il est profondément anormal qu’après huit années d’école primaire, 20% des élèves de CM2 ne sachent pas bien lire ni écrire ni compter, et que 40% d’entre eux éprouvent des difficultés scolaires. C’est cela que notre société ne peut plus accepter. Notre pays peut s’enorgueillir d’avoir su massifier l’accès à l’école, mais il a échoué à massifier la réussite scolaire. Cette massification de la réussite scolaire repose sur un principe structurant : il faut parvenir à individualiser l’enseignement, s’intéresser à chaque élève davantage qu’à la préoccupation de s’inscrire ou non dans les normes ou les toises que constituent les programmes. Cela passera nécessairement par une transformation des pratiques : des apprentissages structurés, le travail en petits groupes notamment, qui permet aux élèves de progresser individuellement au contact du maître, d’optimiser leur temps sur des apprentissages fondamentaux.

L’exemple de Singapour, premier au classement PISA, est intéressant. Cet exemple est souvent caricaturé par les commentateurs : bien sûr le principe de la compétition est au centre de ce système éducatif mais, contrairement à la France, l’école parvient à gommer les disparités entre la population singapourienne et les enfants d’immigrés de première et de deuxième générations.

Il faut, enfin, également considérer le système scolaire à l’aune de son aboutissement. Aujourd’hui le taux de chômage des jeunes en France, se situe depuis plusieurs années entre 20 et 25%, en Allemagne, il est trois fois moins élevé. Si les Français regardent souvent avec dédain un système allemand qui “trie” les enfants très très tôt, ce système dual - qui a bien sûr ses carences et ses limites -, produit à la fois bien plus d’égalité qu’en France mais également bien moins de chômage des jeunes.

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