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21/10/2016

Brexit : quel avenir pour les universités britanniques ?

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Brexit : quel avenir pour les universités britanniques ?
 Fanny Anor
Auteur
Ancienne chargée d'études senior

 

Plusieurs vice-chanceliers de grandes universités britanniques envisagent d'ouvrir des filiales dans d'autres pays européens afin d'échapper à la menace d'un "hard" Brexit, rapporte une enquête du Guardian, publiée le 22 septembre 2016. Si Theresa May a récemment annoncé l'activation de l'article 50 du Traité de Lisbonne "avant fin mars (2017)", de nombreuses questions autour de l'avenir de l'enseignement supérieur britannique restent en suspens. Les enjeux majeurs s'articulent principalement autour du financement et de la réputation des universités britanniques. Toutefois, les premières solutions avancées ne paraissent pas en mesure d'y répondre, particulièrement dans un contexte politique marqué par le repli national. En juillet dernier, l'Institut Montaigne pointait les principaux enjeux au lendemain du Brexit : accès aux fonds européens, coopération européenne en matière de recherche, attractivité? Retour sur les grands défis auxquels doivent faire face les universités britanniques.

Quel financement, quelle attractivité après le Brexit ?

L’accès des universités britanniques aux fonds européens est-il mis en danger ?

Les contributions européennes constituent une part importante des ressources des universités britanniques : elles ont reçu l’équivalent de 995 millions d’euros en subventions et en contrats de recherche pour la seule année 2014-2015. Les programmes Horizon 2020 et Erasmus+ sont des vecteurs de financement particulièrement importants des projets de recherche et de mobilité des étudiants, deux paramètres qui font des formations universitaires britanniques des programmes à haute valeur ajoutée.

Tant que le Royaume-Uni restera membre de l’Union européenne, les universités britanniques continueront à bénéficier des fonds européens. Si les négociations se déroulent selon le calendrier envisagé, les pourraient donc les recevoir jusqu’en 2019. En revanche, rien n’a été encore annoncé concernant les évolutions après cette date.

Coopération européenne de recherche : le Royaume-Uni pourra-t-il conserver sa place ?

La coopération dans la recherche est tout aussi importante que les financements pour la place et l’attractivité des universités. La grande majorité des projets de recherche britanniques sont aujourd’hui co-signés avec des partenaires européens. Or, le Brexit risque de mettre en péril les facilités de coopération existantes, en rétablissant notamment des barrières administratives et bureaucratiques contraignantes. La réputation des universités britanniques s’en trouve directement menacée.

Néanmoins, le Royaume-Uni pourrait conserver sa position prépondérante dans la recherche académique européenne s’il parvient à obtenir le statut de "pays associé" (comme la Norvège ou la Suisse), grâce auquel il continuerait à bénéficier des programmes européens. Toutefois, si le gouvernement s’oriente vers un "hard Brexit" cette perspective semble moins probable.

L’enseignement supérieur britannique restera-t-il attractif aux yeux des Européens ?

Comme l’a annoncé Michael Arthur, doyen et président de University College London, en juin 2016, les étudiants et enseignants-chercheurs européens sont une véritable source de profit pour les universités britanniques. Conserver cette attractivité constitue donc un réel enjeu économique. Or, près d’un tiers des étudiants européens déclare désormais envisager une autre destination que le Royaume-Uni pour poursuivre leurs études. En dépit des déclarations rassurantes de Michael Arthur, beaucoup sont très préoccupés par les évolutions qui pourraient concerner les frais de scolarité, les accès au crédit ainsi que les procédures d’immigration.

L’atmosphère politique du Royaume-Uni inquiète également. Peter Scott, professeur à l’Institute of Education, qui voit dans le Brexit une mise en danger de la culture cosmopolite du pays : “qui, parmi les étudiants européens brillants, voudra venir parfaire son éducation dans un pays qui se replie sur lui-même ?”. Un risque renforcé par les initiatives d’Amber Rudd, secrétaire d’État à l’Intérieur. Lors de la Conférence du Parti conservateur britannique, le 4 octobre 2016, elle a annoncé vouloir conditionner l’obtention des visas étudiants à la qualité du cursus suivi. L’objectif est double : faire en sorte que les "meilleures universités continuent à attirer les meilleurs talents, tout en imposant des règles plus strictes à ceux qui suivent des cursus de moindre qualité" et "s’assurer que ces étudiants qui viennent au Royaume-Uni, viennent pour étudier". Ces mesures sont avant tout motivées par la volonté de limiter l’immigration.

L’ouverture de filiales universitaires dans les pays européens, une solution ?

Pour faire face à ces défis, plusieurs universités britanniques envisagent d’ouvrir des filiales dans d’autres États membres de l’Union européenne. Installer des instituts de recherche dans les pays membres leur permettrait de préserver les partenariats académiques existants et leur accès aux fonds de l’Union Européenne. Selon Tim Gore, directeur de University of London Institute à Paris, il faut "offrir une alternative viable" aux étudiants européens confrontés à des procédures d’immigration plus complexes, ou à des frais de scolarité en augmentation.

Cependant, les universités britanniques implantées sur le continent devront s’imposer face à des universités nationales – quasiment - gratuites, tandis que leurs frais de scolarité, déjà relativement élevés, risquent d’être encore accrus par les dépenses inhérentes à ces nouvelles implantations. Leur principal défi sera de présenter une réelle valeur ajoutée par rapport aux programmes en anglais déjà existants dans les pays où elles s’implanteront. L’attractivité de ces formations est également entravée par le fait que l’un de leurs atouts majeurs était d’offrir aux étudiants des opportunités d’emploi au Royaume-Uni, selon Nigel Healey, président de Nottingham Trent University. Sur ce point, les universités britanniques ne semblent pas disposer de marge de manœuvre face à la politique du gouvernement en matière d’immigration.

Dans quel État membre s’implanter ?

Plusieurs établissements d’enseignement supérieur réfléchissent déjà à l’opportunité de s’implanter prioritairement dans des territoires où la demande d’enseignement supérieur n’est pas satisfaite, principalement en Europe du Sud et de l’Est. Il s’agit également de régions qui envoient de plus en plus d’étudiants dans les universités britanniques. D’autres universités envisagent plutôt de s’implanter dans des pays auxquels elles sont déjà liées par des partenariats académiques, notamment l’Allemagne et l’Irlande.

En revanche, il apparaît peu probable que la France profite de ce mouvement. "Un conseil : cherchez n’importe où ailleurs qu’en France, car c’est un cauchemar !". Cette prise de position d’un vice-chancelier anonyme dans le Guardian montre combien les chances sont faibles de voir des campus d’universités britanniques s’implanter à Paris.

Pour aller plus loin Consultez la note ''Bremain ou Brexit : Europe, prépare ton avenir !'' Relisez les billets Brexit : trois mois après le référendum, où en est-on ?Brexit : pour une séparation nette et à l’amiable

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