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11/07/2016

Construire le projet européen : comment, quand et avec qui ?

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Construire le projet européen : comment, quand et avec qui ?
 Laurent Bigorgne
Auteur
Ancien directeur

 

Dans le cadre des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence organisées par le Cercle des économistes, Laurent Bigorgne est intervenu vendredi 1er juillet aux côtés de la Fondapol, la Fondation Robert Schuman, GenerationLibre, la Fondation Jean-Jaurès, la Fabrique Spinoza et Terra Nova sur l'avenir du projet européen. Retour sur le point de vue du directeur de l'Institut Montaigne.

Bien que les sondages, au lendemain du Brexit, soient rassurants sur le fait que les Français ne souhaitent pas quitter l’Union européenne, il leur est pourtant de plus en plus difficile de se projeter dans une construction européenne qui ne leur ressemble plus.

Pendant longtemps, l’idée que l’Europe se construisait à l’image de la France fut gage d’adhésion au projet européen dans notre pays. Les conditions de l’élargissement en 2003 et le "non" français au référendum de 2005 ont interrompu cette dynamique. Désormais, le scepticisme progresse, parfois y compris au sein des partis de gouvernement, et les divergences gagnent du terrain. Les Français se sentent perdus face à un système où la prise de décision ne ressemble pas à celle de leurs institutions (si médiocre soit-elle parfois), ils se détournent d’un projet économique – celui d’un grand marché – qu’ils ne comprennent pas et dont leurs dirigeants politiques ne cherchent pas à faire la pédagogie. Ils se retrouvent un peu seuls, tant leurs alliés naturels vivent des situations difficiles et mettent en place des réformes face auxquelles la France renâcle, isolés également car ils ne savent pas comment renouer avec l’Allemagne, qui se défie de nous de plus en plus. Notre système économique et politique dirigiste et mal dirigé lasse nos partenaires les plus patients…

C’est dans ce contexte que survient le Brexit, que nous n’avons évidemment pas souhaité ni anticipé et donc pas préparé. Aucun gouvernement, aucun des promoteurs directs de cette option, ne se sont préparés à cette regrettable hypothèse. Et pourtant, nous y sommes et les mois qui viennent – et même les années devant nous – sont incertains. Pendant ce temps, le monde poursuit sa course et voit s’imposer une bipolarité USA – Chine de plus en plus marquée.

La Grande-Bretagne ne doit pas penser qu’elle pourra imposer son calendrier ni ses objectifs à l’Union européenne. Cette dernière ne doit pas chercher à se venger, malgré le dépit que nous éprouvons face à un tel gâchis. Les négociateurs européens vont devoir être fermes, chirurgicaux et pragmatiques à la fois. Nous ne reviendrons pas en arrière, le peuple britannique a tranché et le populisme européen ne doit pas avoir l’occasion de se nourrir d’un accord qui se ferait dans le dos des peuples européens. Il faut de la clarté, ce qui ne semble pas être l’état d’esprit des dirigeants britanniques qui sont incapables de dire quand ils demanderont la mise en œuvre de l’article 50.

Un partenaire clé à retrouver : l’Allemagne

A l’heure actuelle, les divergences entre les pays se creusent. L’abandon respectif des pratiques de l’allemand et du français dans les écoles de nos deux pays n’en est qu’un exemple. Les clivages sont en réalité visibles sur de nombreux plans : économique, énergétique, politique, militaire, commercial, culturel…

Il est hors de question que la France et l’Allemagne agissent comme s’ils étaient seuls au monde. Seuls en Europe. Mais rien ne se fera au sein de l’UE si un accord fort n’émerge pas entre nos deux pays. Cette réalité finira par s’imposer à la chancelière qui semble vouloir jouer la montre avec un temps que nous n’avons pas. Parallèlement, les Français doivent entendre la position des Allemands qui nous demandent de la responsabilité – le nouveau dérapage des finances publiques françaises est un bien mauvais geste européen.

Réconcilier les citoyens et l’Europe

La construction de l’Europe par le haut n’a de sens que si elle s’accompagne de projets concrets auxquels sont associés les citoyens qui peuvent en être le fer de lance : au niveau des universités, sur le modèle du succès d’Erasmus, ou encore en faisant de l’Europe non pas uniquement un espace d’atterrissage pour les entreprises internationales mais aussi de décollage pour les entreprises européennes.

Des élus investis dans le projet européen

Il serait impensable que l’Europe ne soit pas au cœur de la campagne présidentielle. Accorder aux partis extrêmes le monopole exclusif de ce sujet aurait pour risque de créer le point de départ d’un nouveau délitement. Les médias ont un rôle crucial à jouer. On l’a vu dans le cas britannique d’ailleurs.

Et aussi : Brexit : construire l'Europe d'après. Trois questions à Laurent Bigorgne

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