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01/12/2015

Elections régionales: sortir de l'impasse

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Elections régionales: sortir de l'impasse
 Laurent Bigorgne
Auteur
Ancien directeur


Tribune de Laurent Bigorgne parue dans le Huffington Post, le 27 novembre 2015

L'Institut Montaigne a examiné dans le détail les finances des régions de métropole et d'Outre-Mer, ainsi que leurs évolutions au cours des dernières années. À la lecture de ces données, disponibles en intégralité sur www.electionsregionales2015.fr, le constat est préoccupant pour l'avenir.

On peut ainsi résumer le schéma à l'œuvre jusqu'à maintenant dans la plupart des régions : des dépenses en hausse, des recettes en baisse et, enfin, une progression de l'endettement. C'est une impasse : le fonctionnement chasse l'investissement, la dette chasse la croissance...

Ainsi, même si les régions françaises ont passé le cap de la crise, leur dette a augmenté de 29% entre 2009 et 2013. Certes, aucune n'est encore "dans le rouge", mais on est arrivé au bout d'un modèle fondé sur des dépenses publiques permises par un système fiscal sans frein et des transferts généreux d'un Etat pourtant impécunieux.

Est-ce à dire que les nouveaux exécutifs vont pouvoir envisager leur mandat sans aucune inquiétude pour les comptes de leur collectivité ? Rien n'est moins sûr. Les tendances observées ces dernières années sont même sans équivoque : l'équation budgétaire se complique de plus en plus.

D'abord parce que l'État a très normalement souhaité associer les collectivités à l'effort de réduction du déficit public, en réduisant les concours qu'il leur verse de 12,5 milliards d'euros au total entre 2014 et 2017. Cette baisse conséquente, principalement supportée par la dotation globale de fonctionnement (DGF), devra être convertie en économies du même montant par ces collectivités. Dans le cas contraire, la fuite aura été uniquement déplacée, pour un jeu comptable sans aucun effet concret.

En plus du tarissement des dotations reçues de l'État, les régions doivent également composer avec des marges de manœuvre réduites sur le plan de la fiscalité depuis les réformes de 2010. Ces recettes fiscales, qui reposent pour beaucoup sur les entreprises, sont directement exposées à la conjoncture économique et ont été affectées par la crise. Les mécanismes de péréquation ne compensent que partiellement ces faiblesses et ne sont pas sans conséquence sur le développement des régions moteurs.

Malgré des recettes contraintes, les dépenses des régions continuent cependant de progresser, principalement sous l'effet des dépenses de fonctionnement, et en particulier des dépenses de personnel. L'argument qui fait des transferts de compétences aux régions la raison légitime de cette augmentation ne résiste pas en effet à l'examen précis de leurs budgets. Elle résulte de choix politiques d'allocation des ressources contestables, observés à chaque niveau de collectivité partout sur le territoire.

Lorsque ces dépenses de fonctionnement augmentent, elles diminuent d'autant la capacité d'autofinancement des régions, qui désigne l'excédent de recettes une fois acquittées les dépenses courantes. Or, c'est sur l'autofinancement que s'appuie l'essentiel de l'investissement des collectivités. Pour maintenir cet investissement, les exécutifs régionaux ont donc largement eu recours à l'emprunt depuis le début de la décennie.

Les prochains exécutifs devront s'atteler à trois défis - même s'ils n'apparaissent pas clairement dans les programmes des candidats à ce stade : assurer des économies sur les dépenses de fonctionnement - il ne faut pas attendre que la fusion de certaines régions entre elles les entraînent spontanément, cela n'arrivera pas ; préserver une capacité d'investissement à la hauteur de leurs ambitions pour le développement de leurs territoires ; et enfin assurer pleinement les missions essentielles qui relèvent de ses compétences : développement économique, apprentissage, formation professionnelle ou encore transports.

C'est là où le bât blesse... L'Etat n'a pu établir aucune prévision sérieuse sur les gains à attendre de la réforme territoriale, ni sur les marges de manœuvre nouvelles pour les élus. Cette réforme est restée beaucoup trop timide, puisqu'on a conservé quatre niveaux de collectivités locales de la commune à la région, sans donner à cette dernière de rôle clair de chef de file. Les régions françaises ont désormais une taille critique, mais elles ne sont pas plus agiles, ni plus efficaces et leurs missions ne sont pas mieux définies.

Il faut souhaiter que la sagesse l'emporte et que l'élection présidentielle de 2017 manifeste un véritable sursaut. Les régions ont besoin de pouvoir expérimenter afin de rationaliser des pans entiers de la politique éducative de ce pays - à commencer par l'apprentissage -, de sa politiques de transport, de l'emploi, etc.

Il ne s'agit plus là de transferts de compétences de l'Etat aux régions, mais d'une véritable réorganisation des politiques publiques qui devra mettre fin aux doublons entre l'Etat et les régions, entre ces dernières et les autres collectivités... sans quoi ce sont tous nos territoires qui seront asphyxiés et la France définitivement appauvrie.

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