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12/11/2015

Pourquoi investir dans la recherche en psychiatrie ?

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Pourquoi investir dans la recherche en psychiatrie ?
 Marion Leboyer
Auteur
Responsable du pôle de Psychiatrie des hôpitaux universitaires Henri Mondor, directrice de la Fondation FondaMental



"Fine words on mental health should be matched with money for research?but not just from the state", titrait récemment The Economist en tirant la sonnette d'alarme sur le sous-investissement dans les maladies mentales et l'urgence d'investir dans la recherche outre-Manche. Réaction en exclusivité du Professeur Marion Leboyer, responsable du Pôle de Psychiatrie (CHU Créteil) du Groupe Hospitalier Chenevier-Mondor et directrice de la Fondation FondaMental.

The Economist sonne l’alerte sur l’enjeu du financement privé et public de la recherche sur les maladies mentales, comment l’interprétez-vous ?

Pr. Marion Leboyer :
L’article de The Economist dans son édition du 24 octobre 2015 fait écho à une évolution récente observée dans les discours politiques au Canada, aux USA et en Grande Bretagne. C’est un signe très encourageant qui témoigne d’une prise de conscience des bénéfices d’un soutien accru à la recherche sur les maladies psychiatriques, à la fois en matière de santé publique et en matière économique. Cela étant, le chemin à parcourir pour que la recherche en psychiatrie s’impose comme une priorité auprès des acteurs privés et publics reste encore long.

Une étude menée par la Fondation FondaMental et l’Unité de recherche clinique en économie de la santé d’Ile-de-France montre que si le financement alloué à la recherche en santé mentale a doublé en France entre 2007 et 2011, il reste largement insuffisant. En effet, cette part n’atteint que 4,1% en France en 2011, chiffre bien moindre que la morbidité représentée par les troubles mentaux en France (14% de la morbidité liée à l’ensemble des maladies). Ce financement est également très inférieur aux dépenses de santé résultant des maladies psychiatriques (8% de l’ensemble des dépenses de santé) et en net décalage par rapport au fardeau économique (coûts directs et indirects) des maladies psychiatriques estimé à 108 Milliards d’euros en France, soit le tiers du budget de l’État. Par ailleurs, ces résultats soulignent le retard français : la part de la recherche en santé allouée à la santé mentale en France en 2011 reste inférieure à celle mesurée au Royaume-Uni et aux États-Unis en 2007 (respectivement 7 et 16%) alors que le fardeau des troubles mentaux augmente régulièrement dans tous les pays. Mais surtout, comme le souligne l’article de The Economist, investir dans la recherche en psychiatrie, offre un retour sur investissement de 37% pour chaque euro investi (identique au retour sur investissements pour les maladies cardio-vasculaires), tant l’impact attendu sur la réduction des dépenses de santé et l’augmentation de productivité est important.

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Comment répondre aux défis posés par ces maladies ?

Pr. Marion Leboyer : L’Union Européenne a financé la plus grande étude jamais réalisée sur les capacités de recherche actuelles et à développer pour surmonter le grand défi que représente l’amélioration de la santé mentale en Europe. Le projet "ROAMER – a Roadmap for mental health research in Europe" a interrogé plus de 1000 personnes, scientifiques, patients, familles et professionnels de santé, avec pour objectif d’identifier les initiatives susceptibles d’améliorer durablement la recherche en santé mentale en Europe. Les contributeurs du projet ROAMER, dont nous faisons partie, ont identifié six priorités de recherche à même de réduire sensiblement le fardeau des maladies mentales d’ici 10 ans, si elles font l’objet d’investissements ciblés de la part des partenaires privés et publics :
1. Améliorer la prévention des troubles mentaux, la promotion et les interventions dans le domaine de la santé mentale pour les enfants, les adolescents et les jeunes adultes.
2. Étudier l’étiologie et le développement des symptômes et syndromes affectant la santé mentale et le bien-être tout au long de la vie (en incluant les populations âgées).
3. Développer et encourager les réseaux de recherche internationaux et interdisciplinaires.
4. Découvrir et mettre en pratique de meilleures interventions de santé mentale.
5. Réduire la stigmatisation et impliquer les patients et leurs aidants dans les prises de décisions relatives aux soins de santé mentale et de recherche.
6. Mesurer et évaluer la qualité et l’efficacité des services sanitaires et sociaux en charge de la santé mentale.

Il faut pour cela une volonté politique forte. Des articles comme ceux de The Economist peuvent aider à ce sursaut.

Pour en savoir plus :
Consultez l'Étude - Prévention des maladies psychiatriques : pour en finir avec le retard français

Découvrir des infographies inédites réalisées à partir de données extraites de l'étude

Lire la tribune de David de Rothschild, président de la Fondation FondaMental et Claude Bébéar, président de l’Institut Montaigne

Voir les vidéos d’experts, de patients et de proches illustrant les 4 leviers du changement préconisés au sein de l’étude


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