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13/06/2012

Renforcer la responsabilité des acteurs du dialogue social

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Renforcer la responsabilité des acteurs du dialogue social
 Angèle Malâtre-Lansac
Auteur
Ancienne directrice déléguée à la Santé

En partenariat avec


L'absence de consensus sur le rôle respectif des partenaires sociaux et de l'Etat pour la production de normes relatives à la vie du travail constitue une spécificité française. La place subalterne de la négociation collective plonge ses racines dans l'histoire : jacobinisme fort, méfiance vis-à-vis des corps intermédiaires, culture contestataire des syndicats. En France, on oppose démocratie sociale et démocratie politique, alors que les deux devraient se renforcer mutuellement.

La modernisation des critères de représentativité syndicale - toujours attendue pour le patronat -, liée à la réforme du 20 août 2008, constitue une avancée nécessaire mais pas suffisante. Elle ne prendra tout son sens que si elle s'accompagne d'une reconquête des adhérents et d'une autonomie réelle des partenaires sociaux.

RENFORCER LA LÉGITIMITÉ DES SYNDICATS ET DU PATRONAT

Les transformations du syndicalisme français l'ont conduit en 25 ans d'un taux de syndicalisation d'environ 25 % à moins de 7 % aujourd'hui. Cette tendance ne fait que s'accélérer et l'on voit apparaître de véritables déserts syndicaux dans un certain nombre de professions qui composent une part importante du salariat, tels que les métiers de service ou la grande distribution. Le mouvement syndical est peut-être représentatif au sens juridique du terme mais manque de légitimité par la faiblesse de son ancrage dans le secteur privé. La relève syndicale est un enjeu essentiel pour les dix prochaines années et devra être assise sur un grand nombre d'adhérents. Cet enjeu relève en grande partie de la responsabilité des acteurs syndicaux eux-mêmes.

Deux pistes doivent être privilégiées pour développer la syndicalisation : un retour à un syndicalisme de proximité au sein des entreprises comme au niveau des territoires et une refonte du financement des organisations syndicales, trop opaque et dépendant des subventions publiques - qui représentent plus de la moitié des ressources syndicales. La démocratie sociale a besoin d'un syndicalisme large dans ses bases, assurant à la fois son indépendance économique et la représentation du salariat dans sa diversité.

Enfin, la question de la légitimité ne se pose pas uniquement pour les organisations syndicales représentant les salariés. Les syndicats patronaux ne pourront éviter plus longtemps d'ouvrir le débat sur les conditions de leur représentativité.

CRÉER UN CHAMP SPÉCIFIQUE DU SEUL RESSORT DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

L'attractivité des organisations syndicales sera d'autant plus forte que leur capacité d'intervention sera reconnue. Pour construire un dialogue social à la hauteur des enjeux liés aux transformations profondes de nos économies, il est nécessaire de faire confiance aux partenaires sociaux en renforçant leur autonomie contractuelle.

Les pays où les organisations syndicales sont fortes sont ceux où les partenaires sociaux disposent d'une véritable autonomie. A ce titre, le partenariat social allemand reste un exemple dont il est possible de s'inspirer. L'article 9 de la Constitution garantit en effet aux partenaires sociaux la liberté pleine et entière de négocier les conditions de rémunération et de travail dans leurs branches respectives. L'autonomie des partenaires sociaux va donc de pair avec un véritable pouvoir normatif.

La redéfinition du dialogue social passera par une simplification du droit du travail et par la "sanctuarisation" d'un champ spécifique du seul ressort de la négociation collective. Il s'agit de revenir à une application stricte de l'article 34 de la Constitution qui dispose que "la loi détermine les principes fondamentaux (...) du droit du travail" et laisse donc aux partenaires sociaux le soin de définir les règles relatives à ce domaine. Pour redonner sens à la démocratie sociale, l'intervention législative devrait se limiter aux seuls principes fondamentaux pour ce qui est des relations de travail.

Espérons que la "grande conférence" des 9 et 10 juillet prochains constitue un premier pas vers le renforcement des procédures de concertation et vers une démocratie sociale renouvelée au service de l'intérêt général.


- Ce texte est une contribution de l’Institut Montaigne à un débat du Monde.fr : "Quelle place attribuer aux partenaires sociaux dans la conduite des réformes ?"

- Reconstruire le dialogue social - Rapport (juin 2011)

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