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17/01/2012

Comment relancer l'emploi ? Formation, flexisécurité et baisse du coût de la production

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Comment relancer l'emploi ? Formation, flexisécurité et baisse du coût de la production
 Angèle Malâtre-Lansac
Auteur
Ancienne directrice déléguée à la Santé



Tribune d'Angèle Malâtre parue sur LeMonde.fr le 17 janvier 2012

Les exemples étrangers montrent que le chômage de masse n'est pas une fatalité et qu'il est possible de concilier taux d'emploi élevé et cohésion sociale. Le marché de l'emploi français est confronté à un triple défi : la faible qualification d'une partie importante des actifs, une dualité qui oppose fortement insiders et outsiders, ainsi qu'un coût de la production trop élevé. Agir sur ces trois leviers ensemble permettrait d'inverser la tendance.

La France affiche un taux de chômage structurel plus élevé que la moyenne des pays de l'OCDE. Près de 10 % de la population active est au chômage dans notre pays, soit plus de 4 millions de demandeurs d'emploi. Ce sont les moins de 25 ans et les seniors qui sont le plus touchés, la tranche des 25-55 ans concentrant 80 % des emplois. Cette situation pèse sur la croissance de notre pays comme sur sa cohésion sociale.

La situation de l'emploi est avant tout corrélée à la santé économique de nos entreprises, particulièrement des TPE, PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). En effet, ni le secteur public dont les effectifs diminuent, ni les grandes entreprises dont la croissance s'effectue aujourd'hui largement à l'étranger, ne pourront créer massivement des emplois dans les années à venir.

La politique de l'emploi doit s'appuyer sur trois piliers pour inverser la courbe du chômage :

  • Assurer une formation de qualité tout au long de la vie. En effet, il paraît impossible de viser le plein emploi si notre pays continue de cumuler le double handicap d'une formation initiale qui produit 20 % d'élèves sans qualification ni diplôme d'une part, et d'une formation professionnelle qui ne remplit pas ses objectifs d'autre part. La formation initiale doit être une priorité absolue et laisser une large place à l'alternance, premier pas vers l'insertion professionnelle. Malgré les 27 milliards d'euros qui y sont consacrés chaque année, la formation professionnelle bénéficie avant tout aux plus qualifiés, c'est-à-dire à ceux qui en ont le moins besoin. Elle doit être largement repensée pour cibler prioritairement les demandeurs d'emplois et les salariés les plus précaires.
  • Assouplir le marché du travail pour garantir plus de mobilité. La France s'illustre par un marché du travail particulièrement rigide qui créé des effets de seuil sécurisant pour ceux qui sont du bon côté de la barrière (les salariés en CDI et les personnels statutaires de la fonction publique) et exclut ceux qui multiplient contrats courts et périodes d'inactivité. Le Danemark et le Canada, qui affichent de meilleures performances en termes de chômage et de cohésion sociale ont des marchés de l'emploi beaucoup plus flexibles et compétitifs que le nôtre. Pour réduire la dualité du marché du travail, les contrats courts devraient être supprimés au profit d'un contrat à durée indéterminée pour tous favorisant la mobilité et sécurisant les parcours individuels.
  • Diminuer le coût de la production. A rebours du mouvement observé au sein de l'OCDE, la France a multiplié les prélèvements sur la masse salariale qui ont augmenté de 50 % entre 1980 et 2010. Elle fait également peser de nombreuses taxes et impôts sur l'activité des entreprises, représentant un coût important et un facteur de complexité parfois décourageant. Les pays les plus redistributifs que sont les pays scandinaves imposent beaucoup plus lourdement la consommation que ne le fait la France. Un transfert vers la consommation des charges pesant sur le travail, notamment des cotisations maladie et famille qui ont un caractère universel et ont peu de lien avec l'emploi, permettrait de restaurer la compétitivité de nos entreprises et dès lors de favoriser l'emploi.

Pas de réforme du marché du travail sans un dialogue social de qualité :

La situation que connaît notre pays mérite une réforme audacieuse et de long terme en faveur du marché du travail. Cette réforme ne pourra être menée sans un dialogue social de qualité et une implication forte des partenaires sociaux. La France est le pays de l'OCDE où le taux de syndicalisation est le plus bas. Sans reconquête des salariés, le syndicalisme poursuivra son déclin et perdra davantage encore sa légitimité de corps intermédiaire. Le partenariat social allemand, qui s'appuie sur une forte autonomie contractuelle des partenaires sociaux et sur un système de cogestion, demeure un exemple dont la France serait bien avisée de s'inspirer.

La réforme du marché du travail requiert l'appropriation la plus large possible par les partenaires sociaux et par nos concitoyens des défis qui sont les nôtres comme des réponses qui peuvent leur être apportées. Souhaitons que la campagne qui s'ouvre permette cette pédagogie.



Aller plus loin:

- Comment relancer l'emploi ? La tribune d'Angèle Malâtre, directrice des études de l'Institut Montaigne, en partenariat avec LeMonde.fr

- Emploi : les propositions de 5 think tanks pour lutter contre le chômage sur LeMonde.fr

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