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08/03/2011

Hautes fonctionnaires, l'Etat doit montrer l'exemple !

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Hautes fonctionnaires, l'Etat doit montrer l'exemple !
 Angèle Malâtre-Lansac
Auteur
Ancienne directrice déléguée à la Santé

Tribune d'Angèle Malâtre (1) parue sur LeMonde.fr le 8 mars 2011

En cinquante ans, le salariat français s'est féminisé et les femmes représentent en 2011 près de la moitié de la population active. La France a su ouvrir le monde du travail aux femmes – beaucoup plus que certains autres pays. Cette réussite cache un paradoxe qui n'est plus supportable : celui de l'inégalité persistante dans l'accès aux postes à responsabilité. Les femmes occupent aujourd'hui les quatre-cinquièmes des emplois à temps partiel et les deux-tiers des métiers à bas salaire.

En moyenne, les salaires des femmes, à niveau égal de compétence, sont inférieurs de 25% à ceux des hommes. Ces disparités, largement connues et mesurées, sont liées à des phénomènes profonds qui renvoient aussi bien à la sphère privée, qu'aux politiques publiques.

Heureusement, une prise de conscience a émergé et de multiples leviers ont été identifiés pour mettre en œuvre une véritable égalité professionnelle entre les sexes. Dans son rapport remis au gouvernement en 2009, Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales, a mis en avant quarante propositions pour faire évoluer la situation. Faire émerger des élites féminines, permettre l'accession de femmes aux postes les plus prestigieux, voilà qui permettrait de rompre avec les phénomènes d'auto-censure et d'aller vers plus d'égalité professionnelle.

Imposer des objectifs chiffrés n'est plus un tabou aujourd'hui et la récente loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration fixe des objectifs clairs et chiffrés à l'employeur privé : au 1er janvier 2017, les conseils d'administration des grandes entreprises devront compter 40 % de femmes.

Qu'en est-il de la fonction publique ? C'est un sujet central dans notre pays où une femme active sur quatre est fonctionnaire. L'Etat employeur, censé garantir à tous ses agents l'égalité d'accès et de traitement, est loin d'être exemplaire même si les textes sont là : l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles est inscrit à l'article 1er de notre Constitution et le statut général des fonctionnaires dispose qu'aucune distinction ne sera faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe. Il n'empêche, l'administration est loin d'être cet employeur vertueux qui permettrait à tous d'accéder aux plus hautes fonctions.

La sous-représentation des femmes dans la haute fonction publique est identifiée depuis plus de dix ans et les initiatives se sont multipliées pour plus d'égalité. Pourtant, les résultats ne sont pas à la hauteur : les femmes représentent à peine 10% des ambassadeurs, moins de 10% des préfets, à peine 15% des recteurs… Quant aux postes les plus "nobles" de la très haute fonction publique, ils restent des bastions masculins : aucune femme n'a jamais été nommée à la tête du Conseil d'Etat, de la Cour des comptes ou du Conseil constitutionnel. L'Inspection générale des finances n'a jamais été dirigée par une femme, l'ENA n'a connu qu'une seule directrice et la Cour de cassation une seule présidente (il y a plus d'un quart de siècle !). Comment faire sauter le plafond de verre pour les femmes qui représentent la moitié des fonctionnaires de l'Etat et moins d'un quart des postes de direction ? Quel message les plus hauts corps de l'Etat souhaitent-ils faire passer aux jeunes filles qui entrent dans leurs rangs ? Il est temps pour l'Etat de montrer l'exemple en s'imposant une parité volontariste.

Cette parité doit s'appliquer au plus haut niveau, dans les postes qui symbolisent le plus fortement la haute fonction publique. Parce que l'Etat doit montrer l'exemple aux entreprises et à la société civile, il est temps d'imposer une stricte parité – c'est-à-dire 50% -- dans les nominations qui dépendent du pouvoir exécutif. Enfin, parce que ce sont des positions à valeur de symbole et parce qu'elles n'ont jamais été féminisées, désormais la vice-présidence du Conseil d'Etat, la présidence de la Cour des comptes et la direction de l'Inspection générale des finances devraient faire l'objet d'une nomination suivant une stricte alternance homme-femme. En toute logique, le prochain vice-président du Conseil d'Etat devrait être une présidente, le prochain président de la Cour des comptes une présidente, et le prochain chef de l'IGF… une cheffe !

(1) Angèle Malâtre est aussi l'auteure de la note "Hautes fonctionnaires", l'Etat doit montrer l'exemple (Institut Montaigne, 2011)

Retrouvez l'article sur LeMonde.fr

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