Réservée, élégante, de petite taille, appliquée plus que brillante, polyglotte mais sans charisme particulier, Ursula von der Leyen ne correspond pas à l’image classique en politique d’une "dame de fer" à la Margaret Thatcher ni même à celle d’une femme de pouvoir dissimulée derrière une figure maternelle comme Angela Merkel.
Dans sa carrière déjà longue, les atouts de la présidente de la Commission européenne ont souvent constitué aussi des handicaps : fille d’un baron de la politique allemande, éduquée en partie à Bruxelles et au Royaume-Uni, médecin de formation, adoubée à la CDU par Angela Merkel elle-même, Mme von der Leyen a suivi le parcours d’une privilégiée. C’est peut-être cette facilité dans l’accès aux postes importants qui explique l’échec - relatif bien sûr - de sa carrière politique en Allemagne : un temps considérée comme dauphine de la Chancelière, elle s’efface de la course à la succession en échouant dans ses fonctions de ministre de la Défense, portefeuille il est vrai très risqué pour tout politicien en République Fédérale.
Elle est catapultée à Bruxelles un peu par hasard, contre le gré de son propre parti, parce que le président Macron refuse d’entériner la nomination de Manfred Weber – le "SpitzenKandidat" - du PPE (Parti Populaire Européen). Il fallait un Allemand ou une Allemande, de droite mais compatible avec les orientations de la France ; le compromis franco-allemand s’est fait sur le nom d’Ursula von der Leyen, qui, dans ses fonctions de ministre de la Défense se montrait ouverte aux vues de Paris. Dans ces conditions, ses débuts à Bruxelles ont été difficiles : elle n’obtient l’investiture du Parlement européen que de justesse après avoir dû beaucoup louvoyer pour constituer le collège des commissaires. Son autorité est immédiatement mise en cause dans la bulle bruxelloise.
C’est un fait cependant qu’Ursula von der Leyen a su incarner le "sursaut européen" que pourrait avoir provoqué la crise du coronavirus. Devant l’obstacle, elle est apparue consciente des erreurs de l’UE, puis déterminée à tracer avec le plan de relance un nouveau chemin pour l’Europe. Sa personnalité va-t-elle s’affirmer ? La question n’est pas sans importance à un moment où la Commission – après il faut bien le dire des années d’éclipse – retrouve un rôle stratégique dans l’aventure européenne. D’où l’intérêt de ce portrait politique fouillé de la présidente de la Commission à l’épreuve du Covid-19 que dresse pour nous le responsable de notre programme Europe, Alexandre Robinet-Borgomano.
Michel Duclos, conseiller spécial géopolitique, rédacteur en chef de cette série de l'été
"Pendant un temps, nous avons regardé au bord de l’abîme…". Interrogée par l’Agence de presse allemande le 28 mars 2020, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a reconnu combien l’épidémie du coronavirus avait placé l’Union européenne dans une situation dramatique. Alors que l’Europe devenait l’épicentre de la pandémie, la fermeture des frontières nationales et les stratégies non coordonnées des États européens pour contenir la propagation du virus ont confiné les institutions européennes au rang d’observateur impuissant.
Pendant un temps et pour la première fois de son histoire récente, l’Union européenne a semblé sur le point de sombrer dans l’insignifiance. Un contraste cruel avec le slogan adopté par la Commission quelques mois auparavant, plaidant pour "Une Union plus ambitieuse". Un révélateur, également, des fragilités de la construction européenne et de l’impossibilité des décideurs européens de trancher et d’agir en situations d’exception.
Consciente de ses faiblesses et des erreurs commises dans sa gestion de la crise, attentive également au moment particulier que traversait l’Europe, Ursula von der Leyen a su transformer cette crise pour donner au projet européen une dimension nouvelle à travers l’élaboration d’un plan de relance inédit et l’affirmation d’une nouvelle puissance européenne. Comme elle l’affirmait dans son entretien à l’agence de presse allemande : "La crise représente une chance unique pour l’Europe de se réinventer".
Une femme allemande
Dans un sondage publié en France au début du mois de mars, 67 % des Français déclaraient ne pas connaître — même de nom — Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, pourtant considérée par le magazine Forbes comme la quatrième femme la plus puissante du monde. Première femme à diriger l’Union et première Allemande à la tête de la Commission depuis Walter Hallstein en 1958, Ursula von der Leyen est l’incarnation la plus parfaite de la puissance invisible de l’Europe.
Avant de pénétrer la scène européenne, elle fut en Allemagne une personnalité politique de premier plan. Ministre dans tous les gouvernements successifs dirigés par Angela Merkel, Ursula von der Leyen fut longtemps considérée comme la candidate le plus sérieuse pour lui succéder à la Chancellerie. La biographie que lui consacrent les journalistes Ulrike Demmer et Daniel Goffart s’intitule ainsi "La Chancelière de réserve" et révèle le parcours atypique d’une femme venue tardivement à la politique et parvenue à insuffler un vent de modernité à son parti, l’Union des Chrétiens démocrates (CDU).
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