En théorie, ce dernier est progressif, mais une réforme de 2018, en créant de nombreuses déductions et en en relevant le seuil, a fait passer le pourcentage de la population urbaine concernée par l’impôt sur le revenu de 44 à 15 %. Sur l’inégalité sociale, des mesures sectorielles ont déjà été introduites, comme le plafonnement à 5 % de l'augmentation des loyers (en faisant le premier contrôle des loyers en Chine post-1978), et une rotation obligatoire des enseignants dans les grandes villes pour éviter la spéculation immobilière autour des meilleures écoles.
Dans ce dernier cas, nous observons également de nouvelles politiques sociales à l’origine de l'interdiction soudaine des cours particuliers, interdiction qui entraîne la disparition d'un secteur pesant pour 120 milliards de dollars, mais accessible avant tout aux classes moyennes. Le plafonnement des jeux vidéo à 3 heures par semaine semble difficile à appliquer, tout comme le sermon fait aux entreprises du secteur, selon lequel elles ne doivent plus faire de la recherche du profit leur objectif principal. On entend que le secteur de la chirurgie esthétique - une industrie évaluée à 50 milliards de dollars en Chine - pourrait être le prochain ciblé. Une application mobile comptant 200 millions d'utilisateurs, initialement conçue pour lutter contre la fraude financière par téléphone et par internet, est désormais utilisée par les autorités pour interroger les personnes ayant accédé à des services d'informations financières internationaux. Il y a aussi bien sûr l'interdiction des voyages à l'étranger, justifiée par la politique "zéro-Covid". Le changement d’approche vis-à-vis de l'immobilier et la spéculation s'étend désormais à de nouvelles règles de rénovation urbaine qui remettent clairement en cause la mentalité prévalant dans les projets immobiliers chinois. La façon dont l'économie, la société et la politique sont intimement liées dans ce cas précis peut être déduite par un passage des nouvelles directives de construction : "nous mettrons fin à la mauvaise pratique consistant à convoiter et rechercher des bâtiments grandioses, étranges et de style occidental". Ironiquement, le reste du nouveau règlement aurait pu être rédigé par une administration démocratique de sensibilité écologiste ou socialiste.
Ces ambitions vont-elles plus loin ? La rhétorique de la "prospérité commune" pourrait le suggérer. Il est frappant de constater que de nombreux économistes médiatisés y vont de leurs propositions pour lutter contre les inégalités. De la réforme des retraites à la "redistribution tertiaire" (philanthropie) en passant par l'inégalité actuelle de l'impôt sur le revenu, ils s'inspirent des penseurs occidentaux à vocation sociale (essentiellement américains, mais Thomas Piketty est également mentionné) pour donner corps aux paroles de Xi Jinping. Mais ce qui s'est passé précédemment avec l'ensemble de l'économie des plateformes digitales, et qui résonne aussi dans ces nouvelles annonces, incite à la prudence : le contrôle des données par le gouvernement était clairement la priorité la plus cohérente, au-delà des actions anti-monopoles et de la protection des données privées contre leur utilisation commerciale. De même, dans toutes les politiques énumérées ci-dessus, nous suggérons que la limitation des risques financiers et, par conséquent, le contrôle des nouvelles dettes et des bulles spéculatives restent l'objectif principal, la redistribution sociale n’étant qu’un objectif secondaire et un accessoire politique utile.
L'effet boule de neige économique - crise du secteur immobilier dans son ensemble, impact sur la consommation - qui a pris forme en septembre 2021 laissera une empreinte profonde sur la société urbaine chinoise et les classes dites moyennes, ainsi que sur les investisseurs internationaux. La deuxième partie de cette analyse porte sur les risques pris et les répercussions internationales de ces changements.
Copyright : NICOLAS ASFOURI / AFP
Ajouter un commentaire